Le Retour de Don Camillo (1953) : le test complet du DVD

Édition Collector

Réalisé par Julien Duvivier
Avec Fernandel, Gino Cervi et Edouard Delmont

Édité par Studiocanal

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Le 20/06/2004
Critique

2ème partie

(1ère partie dans Le Petit Monde de Don Camillo)


Dissocier Le Petit Monde de Don Camillo et « Le Retour de Don Camillo » serait une erreur. Ils forment un tout. Un seul et même film, une seule et même entité… animée par un esprit de continuité que respecte à la lettre le scénario de ce deuxième volet. Début enchaîné sur le départ de Don Camillo pour cette paroisse exilée sur décision du diocèse et avec (ne l’oublions pas) l’assentiment de Peppone. Oui mais voilà, sans Don Camillo, plus de Peppone et sans Peppone plus de Don Camillo. Le village se retrouve livré à l’errance, désemparé… désorienté. Il manque un chef ; celui de l’opposition. Une personnalité irremplaçable qui sache tenir tête à l’intimidant Peppone. Enchaînés comme le Ying et le Yang, Peppone et Don Camillo ont besoin l’un de l’autre pour exister. Le concept de la saga se précise et tout juste 1 an après la sortie du premier volet, Duvivier / Guareschi enfoncent le clou. La voie médiane est bien celle tracée par cette truculente saga qui fonctionne au gré des épisodes sur le modèle action / réaction. Et Don Camillo d’innover en construisant le tandem Peppone / Don Camillo à la manière d’un vieux couple dont les querelles pourtant graves se règlent à la galéjade et à la volée de coups de bâton.

Avant-gardiste dans le propos, Don Camillo l’est aussi dans les termes. A ce petit jeu des phrases-chocs et des bons mots, « Le Retour de Don Camillo » se révèle encore meilleur que Le Petit Monde de Don Camillo.  » Ce n’est pas un prêtre de 3 kilos qui va troubler l’ordre social et politique » ou « tu iras griller en enfer comme une châtaigne » n’ont encore aujourd’hui trouvé de résonance que dans les textes d’Audiard. Ici c’est Giuseppe Amato qui est crédité mais on reconnaît la patte d’un Fernandel à l’école des Pagnol, Boyer, Aurenche, Natanson… scénaristes et dialoguistes au prodigieux talent dont le cinéma moderne ferait pas mal de s’inspirer. Pas de passéisme dans le propos mais une pointe de nostalgie pour des dialogues si bien écrits qu’ils font date quelques 50 ans après dans l’Histoire du cinéma. L’ambition du « Retour de Don Camillo » est très claire : transformer le coup de maître italo-français du Le Petit Monde de Don Camillo en carton international. Et pour cela, méthode Duvivier oblige ! On construit un scénario dont l’architecture est un modèle du genre, trésor de savoir-faire et d’inventivité.

Première leçon : éviter de transformer le retour de Don Camillo dans le village en parachutage scénaristique. Un bon quart du film est consacré à l’exil du prêtre bagarreur. Un exil parsemé d’images bibliques contextualisées (cf le chemin de croix dans la neige, la mansarde, la traversée de paysages d’un désert blanc) et d’aventures en tous genres. Don Camillo n’a jamais perdu la liaison avec son village, sa paroisse et ses paroissiens. Allées et retours sont nombreux, faisant de cette réintégration un thème à suspense. Deuxième leçon : placer dans cette suite des ingrédients populaires qui parleront aux spectateurs d’autres pays. Le Match de Boxe, l’intrigue policière, la construction de la digue… grâce à ce type de sujet, le film peut très facilement s’exporter. Mais attention ! Pas question de perdre cette personnalité si méditerranéenne. Le combat de boxe le montre très habilement. Postures gaguesques, sens personnel de la répartie et par-dessus tout proximité et simplification de la réalisation. Rien de trop technique ou de trop ostentatoire. Le combat est symbolique. Peppone se fait corriger pour avoir exilé Don Camillo. Don Camillo le venge pour laver l’affront fait au village. Et les deux ennemis se serrent la main pour effacer l’ardoise. Scénaristiquement, c’est à la fois simple et brillant !

Troisième leçon : gérer parfaitement le temps et l’intrigue grâce à une réalisation alerte et parfaitement maîtrisée. Pas un plan ne figure sans que celui-ci n’ait été pensé. Peut-être est-ce parce que les moyens de l’époque nécessitaient de déplacer des montagnes pour réaliser ne serait-ce qu’une séquence ? Mais il y a derrière « Le Retour de Don Camillo » un tel travail de construction qu’on ne peut y rester insensible en l’expliquant de manière simpliste par un heureux hasard. La séquence de l’intrusion dans l’étable pour traire les vaches au nez et à la barbe des gardes qui interdisent l’accès fait montre d’un admirable tempo mélangeant action, humour et émotion. Peppone et Don Camillo, main dans la main, volent au secours de ce troupeau, tous deux travestis en Laurel et Hardy. Comique de situation, de geste et de mots concourent à faire de l’instant un passage mémorable tant par son esprit décalé que par son efficacité.

« Le Retour de Don Camillo » s’est imposé comme un immense succès international. Par sa qualité et son sens comique, la suite du Le Petit Monde de Don Camillo transforme le coup de maître en leçon de cinéma. Leçon en 2 parties puisqu’en regardant Le Petit Monde de Don Camillo et « Le Retour de Don Camillo », difficile de ne pas songer qu’en tournant le premier, Duvivier / Guareschi, n’aient eu en tête le second. Le premier sans le deuxième serait orphelin et le second sans le premier aurait perdu un temps précieux à introduire puis délimiter son univers. Fort judicieusement, « Le Retour de Don Camillo » utilise les personnages ciselés du Petit Monde de Don Camillo pour passer la vitesse supérieure et faire admirablement divaguer l’intrigue. Ces deux premiers épisodes ont parfaitement encadré la série. Voilà pourquoi Don Camillo n’est pas une simple franchise mais une saga au souffle épique. De celles qu’on n’en finit pas de redécouvrir tant elles ont à nous donner !

Présentation - 4,0 / 5

Packaging véritablement collector, menus animées et par-dessus tout, une avalanche de suppléments. De quoi être aux anges !!! L’éditeur s’est transcendé pour réaliser une édition d’envergure événementielle. Non pas 1 mais 2 DVD avec des bonus foncièrement intéressants, voilà qui change des éditions anémiques signées René Château Vidéo. Logique ! Le Petit Monde de Don Camillo et « Le Retour de Don camillo » étaient 2 titres DVD très attendus. Ali Baba et les 40 voleurs l’était aussi, ça n’a pas empêché l’éditeur de ficeler une édition simple sans aucun suppléments… pas même une bande-annonce. Le travail sur ces 2 trésors du cinéma français est exceptionnel et mérite d’être salué !

La galette insérée, c’est le rêve qui continue avec introduction et images du film restaurées qui défilent une à une sur la très belle musique d’Alessandro Cicognigni. Côté transfert, c’est le paradis sur terre avec un noir et blanc éclatant et contrasté. S’il ne restait quelques imperfections bien naturelles, on eut pensé que le film fût tourné hier. La restauration tant visuelle que sonore est proprement hallucinante et indique un immense respect de l’éditeur pour l’oeuvre ainsi que pour les acheteurs de DVD. Les puristes auront beaucoup de mal à critiquer un tel transfert manifestement l’un des plus réussis depuis Les Tontons flingueurs. Un bel ouvrage artistique empreint d’une touchante passion nostalgique.

Bonus - 5,0 / 5

Même si les bonus du « Retour de Don Camillo » souffrent d’un mal identique à celui de l’édition collector du Petit Monde de Don Camillo, à savoir un accès de Fernandelisme aigu, les documentaires font preuve d’un professionnalisme et d’une originalité tout à fait similaires (voire supérieurs). Les idées passent, les témoignages s’imposent et les portraits s’affinent. Les suppléments dessinent désormais plus précisément les contours d’un Fernandel parfaitement conscient de son image, de sa notoriété, perfectionniste et déterminé. Anecdotes, entretiens et archives aident à la mise au point tant sur son ego que sur son aura. A noter également, l’effort fourni par l’éditeur pour dénicher des suppléments rares et intéressants. Un vrai travail de dentellière bien décidée à orner son ouvrage de documentaires fabriqués sur-mesure. Un choix artistique on ne peut plus inspiré qui transforme ce collector en édition hors norme. Le documentaire sur la saga à travers ses affiches est à ne manquer sous aucun prétexte !


Fernandel raconté par Claude Pinoteau et Raymond Castans (23’29)

On ne sait si le plus réjouissant dans ce documentaire est de voir les deux artistes que sont Pinoteau et Castans parler de Fernandel ou si c’est le ton qu’ils emploient à son égard pour qualifier son oeuvre. Un ton à la fois mêlé de critiques (parfois bien senties), d’Amour et de respect. Débuter un documentaire dédié à une star en la taxant de « parfois outrancière » ne se voit pas dans n’importe quelle édition DVD. Cela montre la rigueur, le sérieux et la franchise du travail effectué dans la collecte et la diffusion de ces suppléments. La famille aurait pu tenter de présenter Fernandel sous un jour unidimensionnel ; Fernandel, l’homme parfait. Mais contrairement à la famille Kubrick, décomplexée de nous livrer cette ode fadasse qu’est Stanley Kubrick : A Life in Pictures, les Fernandel ont bien compris que le mythe n’est que plus vivant lorsque le portrait est humain. Oui Fernandel s’est trompé dans certains de ses choix. Oui il a joué dans une poignée de pitoyables nanars que Raymond Castans n’hésite pas à désigner, cela ne l’a pas empêché d’être l’un sinon LE plus grand comique français. Par conséquent, hors de question de bouder notre plaisir. Ce documentaire est une mine d’informations sur Fernandel, les tournages de l’époque et les prémices du Star Système. Voilà un documentaire à regarder religieusement !

Fernandel raconté par Vincent Fernandel (34’11)

A coups d’anecdotes racontées avec une évidente passion jubilatoire pour ce qu’était et ce que faisait son grand-père, Vincent Fernandel nous emmène dans les coulisses des tournages et prolongent ainsi le captivant propos de cet autre documentaire qu’est « Fernandel raconté par Claude Pinoteau et Raymond Castans ». On y apprend quel homme simple et néanmoins intransigeant était son grand-père. Les rapports ambigus qu’il pouvait entretenir avec la production. Lui-même devenu producteur, l’exigence envers son propre fils qu’il pouvait montrer. On est loin du gentil petit portrait idyllique dont les éditions DVD ont souvent le mauvais goût de nous abreuver. Fernandel n’en sort que plus grandi encore. Star internationale aux caprices peu nombreux, aux plaisirs simples et au savoir-vivre évident. L’exact opposé du portrait guindé d’un jet-setteur dédaigneuse mais celui d’un marseillais qui savait pertinemment quel valeur accorder à l’argent et quel château de carte le star système était. On aurait aimé plus d’anecdotes encore, plus de photos ainsi qu’un traitement particulier pour le tournage des Don Camillo mais il faudra en laisser pour les éditions à venir. Beaucoup de choses ont déjà été dites. On est impatient d’en savoir davantage. Instructif et alléchant !

La saga de Don Camillo racontée par ses affiches (9’12)

Si vous ne regardez qu’un bonus, regardez celui-là ! Vous ne trouverez nulle part ailleurs une enquête pareille. 10 minutes en or consacrées à la composition d’une affiche de cinéma, trait d’union essentiel entre l’Art et le Commerce. Les affiches de la saga Don Camillo sont parfois réussies, parfois ratées, des experts vous disent pourquoi et vous montrent la manière dont on peut les décliner suivant les pays dans lequel le film sera diffusé. Ces affiches nous livrent leur histoire mais aussi l’épopée artistico-financière de la saga. Et pour parachever le tout, Charles Rau touchera du doigt la technique en une phrase pourtant laconique mais essentielle. L’agencement se fait en fonction « du fond et de la tâche ». Le fond attire, la tâche livre ce qui est central. Merci pour cette leçon de marketing cinématographique !

Galerie de photos et Filmographie

A nouveau fixe, muette avec 3 pauvres noms, la filmographie s’avère encore une fois bien inutile en plus d’être une redite. Le réflexe et l’habitude ne sont plus mis en question. Il fallait remplir. Encore une fois, même punition pour la galerie photo qui ne défile toujours pas, n’est toujours pas sonorisée et ne contient toujours aucune photo de tournage. Hormis l’affiche, le reste n’est encore une fois qu’un pillage iconographique bien inutile du film.

Bandes-annonces (2’12)

Bonus là encore inestimable que d’avoir les bandes-annonces d’origine et de surcroît plutôt bien restaurées. 4 bandes-annonces pour les 4 autres films de Don Camillo.. De solides bandes-annonces qui donnent envie de voir ou plutôt de revoir la suite !!! Toujours aucun choix entre la VOST et la VF, c’est VOST sinon rien ! Et Fernandel, affublé de ce doublage devient à la longue très irritant. Cet accent marseillais chantant est décidément irremplaçable !

Image - 4,0 / 5

Pas la peine de tergiverser, le transfert est tout simplement éblouissant pour un film qui (on le rappelle) souffle ses 52 bougies. Comment imaginer même qu’une oeuvre ait aussi bien traversé le temps. Il y a quelque chose d’irréel dans le fait d’observer une image aussi nette, aussi peu tâchée et bruitée. Certains d’entre vous regretteront le charme des rayures et des traits sans parler de la neige dont leurs vieilles cassettes vidéo du Petit Monde de Don Camillo et du « Retour de Don Camillo » était bardées. Mais faut-il pour autant associer trésors du cinéma et mauvaise qualité d’image ?

Cela semble un brin extrême car la qualité de l’oeuvre est inhérente à la perception du cadre, des objets et des personnages qui s’y trouvent. Ici, on peut savourer pleinement le jeu subtil des contrastes (cf les scènes le long des rives du Pô), la richesse de la mise en scène (cf le départ à la gare) ainsi que les mimiques et oeillades que s’échangent les acteurs (cf la quasi-totalité du film). Don Camillo utilise une composition qui met en scène deux protagonistes voire plus à chaque plan. Don Camillo et Peppone la plupart du temps, Don Camillo et Jésus, Peppone et les membres du parti… D’où l’importance d’une qualité qui puisse rendre hommage aux différents têtes à têtes et collectifs.

L’image du Petit Monde de Don Camillo et du « Retour de Don Camillo » joue sur la lumière et les nuances. Palette allant du blanc aveuglant (lumières divines) à la complète obscurité (scènes de l’église immergée avec utilisation de l’ombre chinoise), celle de Don Camillo passe par tous les états. Savoir-faire indéniable de Julien Duvivier, exigence d’un film qui décrit avec force couleur une palette d’émotions. Des émotions que ce transfert a su parfaitement rendre et même magnifier. L’éditeur donne ainsi aux films une seconde jeunesse et permet au dévédéphile de les découvrir comme s’il s’agissait de la première fois !

Son - 4,0 / 5

Des voix claires, une musique solennelle qui fait chanter basses et aigus accompagnées de bruitages discrets mais présents. Voici ce qui vous attend sur les éditions du Petit Monde de Don Camillo et du « Retour de Don Camillo ». Traitées avec le même soin et le même respect (mono français ou italien avec sous-titres français, anglais ou espagnols), les deux titres mettent essentiellement l’accent sur les répliques et les musiques, l’essence de toute comédie. Ce sont les répliques cinglantes et la musique cabotine qui donnent son sel et son identité à la série des Don Camillo. (cf. La scène du meeting interrompu par les cloches de Don Camillo ou bien encore celle du confessionnal avec ses dialogues mitraillettes).

Le DVD est très rarement pris en défaut et quand il l’est c’est pour nous rappeler son âge. La remasterisation du son est (à l’instar de l’image) extraordinaire. Inutile néanmoins de vous bercer d’illusion, c’est du mono, donc ça se passe exclusivement à l’avant et ce n’est pas avec ce type de format sonore que vous testerez les performances de votre installation. Cependant, un bon mono est toujours très plaisant. Ici c’est du mono de premier choix. L’écouter est un bonheur !

Vient enfin le débat VO / VF. Que choisir entre français et italien ? Simple ! Soit vous avez envie d’entendre les voix originale de la majeure partie du casting y compris celle de Gino Cervi est vous choisissez l’italien, soit vous ne résistez pas à la tentation d’entendre la voix chantante de Fernandel et vous choisissez le français. Il y a fort à parier que les nombreuses rediffusion télé vous orienteront vers le français. Il est vrai que l’inimitable accent du plus grand comique français a de quoi décider les plus VOphiles d’entre vous à opter pour une version VFisée.


Excellente projection à toutes et tous… avec la bénédiction de Don Camillo !

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Rétroprojecteur Toshiba 43PH14P
  • Toshiba SD-330ES
  • Onkyo TX-DS797
  • système d'enceinte 5.1 Triangle
Note du disque
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David
Le 12 août 2004
Les dialogues français sont de René Barjavel.
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[blofeld]
Le 3 juin 2004
Inclure les livres, quelle bonne idée !!!

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