Public Enemy (2002) : le test complet du DVD

Gonggongui jeog

Réalisé par Kang Woo-Suk
Avec Sol Kyung-gu, Lee Sung-jae et Kang Shin-il

Édité par CTV International

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Le 11/07/2004
Critique

Le Polar est à la mode, c’est bien connu ! Longs-métrages cinématographiques, documentaires, téléfilms, séries et même courts-métrages ont un gros faible pour le genre tout simplement parce que nous public nous révélons frénétiquement demandeurs et que nos amis les producteurs (artistes mais hommes d’affaires avant tout) exploitent jusqu’à la trame cet inépuisable filon. Certains vont même par souci de réalisme jusqu’à éplucher les faits divers. A moins que ce ne soit par manque d’imagination ??? Toujours est il que les intrigues fleurissent, les personnages s’interchangent et que le polar tourne en rond. Buddy Movie type L’Arme fatale, Thriller horrifique type Seven ou patronage réflexif type Maigret… parmi ces modèles, faîtes votre choix. Dans ces conditions, difficile de ne retenir autre chose que l’original sous les traits de pululantes copies.

Alors, quand on voit passer un « Public Enemy », on ne peut qu’être immédiatement frappé par l’audace de sa construction et son humour si franchement décalé. « Public Enemy » sort visiblement du lot !!! Est-ce que « Public Enemy » renouvelle le genre pour autant ? Pas vraiment. On peut même affirmer qu’il s’inspire très nettement des polars occidentaux à mi chemin entre l’amer réalisme de Black Rain et la fascinante perversité de Basic Instinct. Par conséquent, « Public Enemy » serait-il une pâle copie ? Résolument non puisque le film évite soigneusement de se gargariser de scènes réchauffées. Funambule averti, son réalisateur marche sur le fil tendu par ces deux sources (volontaires ou involontaires) d’inspiration bien décidé à transformer ce « Black Instinct » (ou « Basic Rain ») en oeuvre personnelle.

A ce petit jeu, Kang Woo-Suk qui n’est pas un débutant (à qui l’on doit déjà le remarquable « Two Cops » toujours inédit en France) excelle. Quelques scènes lui suffiront à poser l’ambiance. Introduction accrocheuse : on parle de flics, on parle de meurtre, on parle de ripoux, on parle d’un sociopathe. Titre ambigü : « Public Enemy » puis on passe aux choses sérieuses. Une fois les jalons efficacement posés, pas question de jouer les touristes. Woo-Suk enchaîne par le portrait aussi surréaliste que misérabiliste d’un Séoul gangrené par une corruption tolérée et même organisée. Couleurs pâles, quasi délavées et rapidité des plans dessinent des séquences saisissantes de vérité empruntant largement au documentaire. Le look du policier, « Serpico » dans ses plus mauvais jours, accentue l’impression de déchéance qui émane de l’ensemble.

Puis apparaît le tueur ! Séduisant, propre sur lui, distingué. Une atmosphère glaciale l’enserre tantôt d’une clarté aveuglante, tantôt d’une noirceur inquiétante. Deux pôles d’une schizophrénie ici parfaitement balisée (cf la confrontation dans le bureau du tueur et le jeu de l’inspecteur qui utilise les rideaux). Le jour, sociopathe arrogant, dépouillant de leurs biens la clientèle qui a eu le malheur de lui confier ses investissements. La nuit, meurtrier sans pitié, tuant tous ceux qui ont eu l’outrecuidance de le contrarier. Woo-Suk stabilise son objectif, filtre la lumière et multiplie à l’envie les travellings longs et lents. Il dépeint ainsi l’univers du nemesis : ambiance macabre et raffiné. Rarement contours auront été si brillamment dessinés ! Woo-Suk s’applique et prend son temps.

Intervient l’inévitable rencontre, choc social et culturel. Là encore Woo-Suk fait différent. Il étire la scène, y introduit des éléments scatologiques et par jeu ou par cynisme renvoie tueur et flic, tous deux pourris, dos à dos. L’un, le tuteur, devant son amateurisme que ses erreurs répétées peinent à masquer. L’autre, le policier, dans son ruisseau qu’il n’arrive pas à quitter. L’intrigue puise dans ce traitement singulier davantage d’intensité et de gravité. Violence et dérision mènent à la satire. L’humour est cynique. Le crime choquant. Les procédés policiers révoltants. Ni règles, ni décence dans cet affrontement. L’entreprise manque de virer au joyeux bordel. Un moment, on perd de vue l’intrigue ou plutôt on croit la perdre. Illusion d’optique ingénieuse pour mieux salir les protagonistes et les laisser se débattre avec suffisamment de fils narratifs pour alimenter 3 ou 4 histoires policières made in Hollywood. Woo-suk s’interdit la facilité du « droit au but ». Pas question de laisser le spectateur indemne. « Public Enemy » sera une promenade jouissive dans les méandres d’un polar remarquablement bien ficelé.

Psychologie des personnages fouillée, scènes abouties, situations décalées, dialogues ciselés. Le thème a beau ne pas faire preuve de nouveauté, Woo-Suk le transcende comme s’il voulait ne pas simplement l’exploiter mais bien se l’approprier. Impensable pour le cinéaste de filmer une scène sans qu’elle porte sa marque (cf Evasion d’un des suspects par la fenêtre, l’interrogatoire de ce même suspect habile à manier les couteaux ou bien encore l’autopsie). Woo-Suk ne laisse rien au hasard. Pas le temps d’improviser, tout est minutieusement écrit et impeccablement répété pour ne perdre aucun fil tout en insufflant rythme et originalité. Résultat : nombres de séquences sont marquantes et celle qui ne le sont pas demeurent au pire jubilatoires.

« Public Enemy » va à 100 à l’heure sans pour autant flinguer ou taillader à tout bout de champ. La plupart du temps, cette violence physique est suggérée. Le voyeurisme de certaines scènes à déconseiller aux âmes sensibles n’en est que plus terrifiant. « Il n’y a pas pire fantasme que de ne pas en avoir » affirmait Stanley Kubrick dans Eyes Wide Shut. Woo-Suk dans « Public Enemy » met en pratique l’idée. L’horreur, c’est de voir les meurtres mais pire encore et d’imaginer leur sauvagerie et leur cruauté (cf l’assassinat de la mère dans un hurlement de douleur étouffé). La violence morale, quant à elle, est omniprésente. Woo-suk en fait son alliée. Folie meurtrière mais aussi violence des échanges sociaux. Derrière le polar, une réflexion désabusée sur le développement de Séoul qui favorise les riches et oppresse les pauvres. Une seule valeur, un seul Dieu : l’argent. Cet argent qui pervertit le système et corrompt les hommes. Le message est sans ambiguïté.

Woo-Suk condamne ces nouveaux riches, criminels sans foi ni loi. La sentence est sans nuance et sanctionne avec exemplarité le crime. Dominante rouge assumée pour un  » Public Enemy » opiniâtrement musclé. L’absence de complexe fait savourer l’absence de nuance. On est au spectacle. 2h10 d’un jeu du chat et de la souris protéiforme bourré d’humour. Exaltante surprise d’un cinéma sud-corréen efficace et inspiré. Un polar excellent à ne pas manquer !!!

Présentation - 3,0 / 5

Edition double DVD de toute beauté ! Making of, scènes coupées, interviews, l’éditeur offre à « Public Enemy » une sortie vidéo aux allures d’expérience Home Cinéma. Une décision heureuse sur un titre qui devrait attirer les cinéphiles nombreux. Espérons-le car ce film (encore une fois) le vaut largement.

Digipack magnifiquement dessiné avec toutefois de grossières tâches de sang sur les visuels intérieurs. Ce sont les gouttes de trop. Le film méritait un peu plus de finesse. Quant aux ektas présents au dos du Digipack, ils donnent l’impression malheureuse du film asiatique typiquement psychologisant. Pour couronner le tout, voilà que l’éditeur tente de comparer « Public Enemy » à L’Inspecteur Harry et Bad Lieutenant. Bref… on aurait souhaité un peu plus d’emphase entre le film et l’éditeur. L’inspiration n’y était certes pas, ce qui sera sans doute dommageable à la carrière du film en vidéo.

Dernier sujet qui fâche : le transfert vidéo. L’éditeur livre un ouvrage tout juste passable qui aurait mérité beaucoup plus d’attention et de sérieux. L’insertion de la galette dans le lecteur nous réconcilie heureusement avec CTV International. Introduction léchée, extraits du films, ambiance oppressante sans oublier les transitions ultra soignées. « Public Enemy » a été princièrement traité. On eut ardemment désiré qu’il fût royalement voire impérialement traité. Néanmoins, les conditions sont réunies pour tout-de-même savourer cette petite merveille.

Bonus - 5,0 / 5

Ca, c’est du supplément avec ce qu’il faut de making of, d’interviews et de scènes coupées pour prolonger agréablement cette expérience qu’est « Public Enemy ». Et même si certains bonus manquent clairement à l’appel, l’éditeur n’a pas ménagé ses efforts pour mettre en valeur ce film auquel il croit. C’est tout à son honneur !!! Tant d’éditions souffrent d’anémie ces temps-ci que lorsqu’on en voit une qui sort des sentiers battus, on a l’irrépressible envie de lui mettre un 5. On ne va d’ailleurs pas se gêner pour le faire. Ben quoi ? 1 DVD entier de bonus qui plus est passionnants pour un film qui n’est pas sorti en salles. Ca vaut bien un 5… au moins !


Making of (38’58 - VOST)

Le making of recense les étapes de la construction du film non de manière classique (pré-prod / prod / post-prod) mais de manière originale en listant les ingrédients qui font de  » Public Enemy » une oeuvre si réjouissante et si particulière. L’intérêt est moins dans les commentaires qui se livrent à une plate explication de texte que dans ce que nous montre les coulisses du tournage. Bienvenue dans un monde où on utilise le travelling pour de simples plans dans un commissariat, où les acteurs se font littéralement frapper, meurtrir et en redemandent pour que le film soit réussi. Le réalisme du film n’en est que plus saisissant. Ce n’est toutefois pas sans laisser de traces puisque l’acteur qui incarne le tueur cèdera à la prostration devant la cruauté de l’intrigue et le choc visuel des scènes. Ce making of réellement fascinant se termine par une interview du réalisateur qui expose sa vision lors d’une conférence de presse. Dommage qu’il n’ait pas lui-même commenté son making of tant il aurait donné vie et sens à l’ensemble. Un making of qui, à l’image du film, sort de l’ordinaire.

Interviews du réalisateur et des acteurs principaux

Indispensable pour tous ceux qui veulent tout savoir sur la pré-prod / prod et post-prod. 3 interviews dont 1 capitale du réalisateur nous emmènent dans les coulisses du cinéma coréen et particulièrement de « Public Enemy ». Comme à l’accoutumé, ni triomphalisme ni langue de bois. Nous sommes loin de la featurette hollywoodienne. Mais une féroce envie de nous présenter les immenses travaux qu’ont été la conception, la réalisation et la distribution de « Public Enemy ». Les deux autres interviews, celle des acteurs, s’appesantissent sur leur préparation physique et psychologique pour aborder le rôle. L’ensemble décrit toutes les étapes (cette fois classiques) du projet. Une fois encore, « Public Enemy » surprend par son manque d’orthodoxie face aux productions occidentales. Acteurs marqués, chahutés mais heureux de contribuer à faire du film un succès.

- Kang Woo-Suk (50’12 - VOST) : passionnante
- Sul Kyung-Gu alias le Policier (7’29 - VOST) : intéressante
- Lee Sunq-jae alias le Tueur (1’03 - VOST) : dispensable


Scènes coupées et prises ratées

Montées, bruitées et timecodées, les scènes coupées et prises ratées sont de plutôt bonne qualité. Si les prises ratées n’ont pas franchement d’intérêt, les scènes coupées, elles, explorent plus avant les détails de cet univers tragicomique policier. Leur présence aurait sans doute ralenti le rythme du film. Toutefois, elles sont toutes importantes et méritaient de figurer dans « Public Enemy ». Un commentaire du réalisateur aurait été le bienvenue. Tant pis ! Voici le détail :

- Auto-stop (1’03 - VOST)
- Chez le Policier (1’24 - VOST)
- Salle de Billard (1’58 - VOST)
- Chez la Coiffeuse (1’01 – VOST)


Clip vidéo (2’04) et bande-annonce (1’24)

Malgré une qualité d’image très moyenne, le clip vidéo et la bande-annonce collectionnent les meilleurs moments du film et nous donnent une idée assez juste de l’atmosphère à la fois grave, violente et décalée de « Public Enemy ». Deux bonnes surprises qui auraient été encore meilleures si elles avaient fait l’objet d’un transfert plus soigné. L’image demeure une fois encore le point faible du DVD qu’elle concernât le film ou les suppléments.

Image - 3,0 / 5

L’image est visiblement le parent pauvre de cette édition DVD. Piqué assez grossier, certaines séquences (notamment l’introduction) affichent des couleurs étonnamment délavées aux contrastes trop peu appuyés. Mais le plus gênant demeure ces rayures et points blancs qui viennent de temps à autre grêler l’image (particulièrement lors des séquences dans le commissariat mettant en scènes les inspecteurs de l’IGP).

La Fluidité de la compression reste inattaquable mais on aurait franchement souhaité une image remasterisée à la hauteur de ce qu’une édition double DVD en Digipack ambitionnait : l’excellence. Ici, le travail est tout juste passable… en tous les cas indigne d’un collector et de CTV International qui nous avait habitué à nettement mieux.

Les ambiances conservent néanmoins une charge émotionnelle suffisante pour vous délivrer toutes les sensations que  » Public Enemy » vous réservent ; Angoisse, dégoût, horreur, pitié… Mais ce transfert tout juste passable et cet absence d’absolu contraste égratignent par endroit l’esthétisme glacial du film qui fait sens… notamment lors de la scène capitale confrontant le tueur et le policier dans un jeu de clair obscur. Rideaux ouverts, rideaux fermés, le visage du tueur prend une autre expression. Un piqué et des contrastes bien meilleurs auraient permis de monter d’un cran la tension et l’ambiguïté de la scène… tout simplement en précisant les jeux de regard et les éclairage des visages.

Ca n’est pas dramatique, c’est juste très regrettable !!!

Son - 5,0 / 5

Côté son, il n’ y a aucune ambiguïté ! Le travail effectué sur « Public Enemy » est tout ce qu’il y a de plus sérieux avec voix précises, des basses parfaitement appuyées et une répartition entre les canaux d’une redoutable homogénéité. Les ambiances sont impeccablement restituées, soit par la musique, soit par les bruitages. 3 types de scènes jalonnent « Public Enemy » : Scènes de la vie quotidienne composées de bruits de rues. Scènes d’angoisse dominées par les graves et entrecoupées de crêtes de son. Enfin, les scènes d’action qui mixent aigus et graves dans un ballet apparemment désordonné. Ces 3 types de scènes impriment l’atmosphère sonore du film, ici, avec une diabolique précision.

Dolby Digital 5.1 ou DTS 5.1 pour la VOST tandis que la VF se contente d’un Dolby Digtal 5.1. Avec le peu de place qu’occupe l’image, il aurait été aisé de caler un DTS 5.1 pour la VF, d’autant plus que pour une fois, le doublage est de bonne qualité. Cela n’a pas été fait… tant pis !!! Le palmarès des bandes-son ne vous étonnera pas. Mention spéciale pour la piste DTS 5.1 qui élève l’ambiance d’un cran et se révèle particulièrement efficace dans l’exploitation des basses. Vient ensuite la piste VOST en Dolby Digital 5.1 qui propose un savant équilibrage entre voix et ambiances. Puis la VF un poil en retrait versus ses deux consoeurs mais qui demeure d’excellente facture.


« Public Enemy » est dans la place… sensationnelle projection à toutes et tous !!!

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Rétroprojecteur Toshiba 43PH14P
  • Toshiba SD-330ES
  • Onkyo TX-DS797
  • système d'enceinte 5.1 Triangle