Le Monde selon Bush (2004) : le test complet du DVD

Édition Collector

Réalisé par William Karel

Édité par Éditions Montparnasse

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Le 24/01/2005
Critique

« Le Monde selon Bush » est un remarquable travail d’enquête qui s’appuie sur les recherches d’un journaliste sérieux qui sait de quoi il parle et où fouiller. Fahrenheit 9/11 est un pamphlet très appuyé réalisé par une superstar de l’altermondialisme qui sait utiliser les media et polémiquer. Une fois la distinction faite, les deux films ont leur utilité mais il est absurde voire insensé de vouloir l’un à l’autre les comparer. D’abord parce qu’il n’ont pas la même fonction. Celle du « Monde selon Bush » est d’informer en posant les bonnes questions, en interrogeant l’entourage du Président, en confrontant les analyses. Celle de Fahrenheit 9/11 est de provoquer une réaction, d’affirmer quitte à manipuler les images pour jouer avec les sentiments du spectateur.

Ni Bien ni Mal dans tout cela. Juste deux méthodes radicalement opposées qui semblent converger vers un seul et même constat : tant que le Président Bush et ses conseillers mènent les Etats-Unis, le Monde est en grand danger. Là encore, deux hypothèses radicalement opposées. Pour Michael Moore, le problème est George Bush Jr. en tant que personne. Incapable, inculte, inapte à prendre la moindre décision censée sur la base de ce qui est bon pour l’Humanité, le Président Bush y est décrit comme un pitoyable tyranneau que seul son compte en banque et ses résultats sur le green inquiètent. Le film de William Karel, lui, nous soumet un autre portrait. Celui d’une marionnette qui n’a jamais connu autre chose que son Texas natal et remet entre les mains de conseillers corrompus et malintentionnés l’avenir du Monde.

Divergence dans la forme, divergence dans le fond. « Le Monde selon Bush » et Fahrenheit 9/11 sont décidément bien éloignés l’un de l’autre. Et Fahrenheit 9/11 de se positionner comme un comédie dramatique tandis que « Le Monde selon Bush » prend des accents de thriller politique. Dans les deux cas, le portrait de ce drôle de chef du monde libre fait froid dans le dos.

Avec toute la force du docu-drama, « Le Monde selon Bush » oscille entre tragédie et tragicomédie en 3 actes et touche du doigt ce qu’a pu être la politique extérieure des Etats-Unis ces 4 dernières années. Avant le 11 septembre, le Président Bush n’avait aucun programme. Après le 11 septembre, le voilà parti en croisade contre ce qu’il appellera « l’Axe du Mal ». Un Axe qui coïncide bizarrement avec ses convictions religieuses dans un premier temps, ses intérêts financiers dans un deuxième temps et les intérêts de ses investisseurs (l’Arabie Saoudite : premier investisseurs aux Etats-Unis) dans un troisième temps.

Rigoureusement et très méticuleusement, le film de William Karel dessine les contours d’un scénario de politique-fiction encore plus terrifiant que s’il avait été écrit pour une major hollywoodienne. De l’obsession à la manipulation en passant par la corruption d’un gouvernement digne d’une  » république bananière » (telles sont les paroles d’un ex-agent de la CIA) « Le Monde selon Bush » réunit tous les ingrédients d’un film d’espionnage signé Tom Clancy. On reprochera au documentaire de William Karel de ne pas approfondir certaines questions brûlantes ; la connexion des banques, le rôle véritables des princes saoudiens dans l’invasion de l’Irak, la mise en scène du 11 septembre ou encore les liens entre la famille Ben Laden et la famille Bush. Mais l’absence de témoignages sérieux sur ces différents sujets en sont la principale cause. Ce que William Karel n’a pu vérifier n’a pas sa place dans « Le Monde selon Bush ».

Interviewer absent, Karel se contente de recueillir les informations de la bouche de proches collaborateurs du Président Bush pour ensuite les recouper puis les monter. L’objectif est de nous éclairer au fur et à mesure plus précisément sur les véritables motivations du gouvernement Bush et sur l’action menée. Seul le montage donne un sens aux propos. Ni sous-titre, ni question insidieuse ni même un quelconque commentaire. Le télescopage de ces différents témoignages est l’unique matière première. Le reste est laissé au seul jugement du spectateur afin qu’il retire de ce documentaire la substantifique moelle. Une substantifique moelle qui vaut largement qu’on s’y intéresse. Après tout, la France, le Monde, l’Humanité sont concernés.

En l’espace d’1h30, le film de William Karel, remarquablement documenté, réussit une fascinante immersion au coeur de la politique américaine de ces 4 dernières années. D’autant plus fascinante qu’elle nous amène à la conclusion suivante ; Depuis le 11 septembre, le Monde a définitivement pris la nationalité américaine. Bush est par conséquent devenu notre Président qu’on le veuille ou non. Et cet Ubu des temps modernes n’a pas fini de passer à la trappe les nations souveraines du Monde. Que ce soit militairement, politiquement ou bien encore économiquement…

Présentation - 4,0 / 5

« Le Monde selon Bush » est tout simplement un DVD exemplaire. Pas un supplément qui ne manque ou ne soit inutile. 1h33 de film suivi de 2h22 de compléments d’enquêtes servis par une présentation à la fois sobre et élégante. Voilà une édition qui n’en fait ni trop ni trop peu.

Côté compression, « Le Monde selon Bush » reste honorable sans toutefois friser l’exploit. Les menus auraient sans doute mérité d’être un peu mieux travaillés mais rien de gênant compte tenu de la nature de l’oeuvre. Une fois encore, l’ensemble respire l’abondance et le sérieux. Deux qualités qui font de cette édition un collector d’exception.

Bonus - 5,0 / 5

Les efforts des Editions Montparnasse culminent ici avec pas moins de 2h22 de suppléments. Du rarement vu pour un film-documentaire qui légitime totalement cette ressortie en grande pompe. Pour une meilleure lisibilité, ces suppléments ont été scindés en 2 catégories : ceux qui ont servi à la constitution du film documentaire et ceux qui prolongent la réflexion en dressant un rapide portrait de ce qu’est l’Amérique d’aujourd’hui. 2h22 qui vous tiendront eux aussi en haleine tant le sujet est vaste et captivant.

« Autour du Monde selon Bush »

- Entretien avec William Karel et Jean-François Lepetit (9’07 – VF)

William Karel et Jean-François Lepetit s’attardent sur la genèse du « Monde selon Bush ». Quelques anecdotes rapides sur la préparation et le tournage tiendront lieu de making of. On eût apprécié quelque chose d’un peu plus fouillé. Néanmoins 9 minutes suffisent à esquisser l’état d’esprit dans lequel ce remarquable film-documentaire a été réalisé.

- La Dynastie tranquille de l’Amérique par Eric Laurent (14’55 – VF)

Voici celui dont les écrits ont largement inspiré « Le Monde selon Bush ». Un homme posé, spécialiste de la question américaine dont les révélations font l’objet d’une argumentation construite. Lors de cette entretien, Eric Laurent aborde une multitude d’éléments importants pour comprendre qui est Bush et les raisons pour lesquelles il est aujourd’hui Président. Passionnant !

- Entretien avec Robert C. Byrd, Doyen du Sénat des Etats-Unis (environ 45’ – VOST)

Robert C. Byrd n’est autre que l’homme qui a permis à George Bush père de devenir Président des Etats-Unis. Aujourd’hui, ce Républicain est l’un des plus farouches opposants à la politique du Gouvernement de George Bush Jr. Il a prononcé pas moins de 2 discours devant le Sénat afin de protester publiquement contre le mépris et l’arrogance affiché d’un Président qu’il qualifie d’ « ignorant ». Son témoignage a été capital pour William Karel. L’occasion ici de découvrir (à travers ses discours et un entretien privé) cet homme intègre et courageux dont on ne parle jamais.

- Etats-Unis, état des Lieux, entretien avec Norman Mailer (13’10 – VOST)

Publiciste, essayiste, romancier, journaliste et même cinéaste, Norman Mailer est l’un des intellectuels américains les plus respectés dans le Monde. Son témoignage tout entier est une charge contre l’Amérique de Bush et contre Bush lui-même. William Karel le confiera lors de son entretien. « Je crois que Norman Mailer va très loin dans ses propos «  mais Norman Mailer a connu et rêve encore d’une autre Amérique. C’est ce qui rend son témoignage si engagé et si instructif.


« Regards sur l’Amérique »

- Face à l’hyperpuissance par Hubert Védrine (13’56 – VF)

Ministre des Affaires Etrangères de 1997 à 2002, Hubert Védrine a eu maintes fois l’occasion de côtoyer la diplomatie américaine non sans heurts, notamment sur la question de la Politique Agricole Commune instituée par l’Union Européenne. Il est par conséquent l’une des personnalités politiques les mieux placées pour analyser la politique extérieure des Etats-Unis. Mais l’entretien trop conventionnel a souvent tendance à se perdre dans des considérations d’ordre général. Dommage ! On eût souhaité un Hubert Védrine plus en verve. Intéressant sans être à la hauteur de ce qu’on pouvait espérer.

- L’Amérique religieuse par Jean-François Colosimo (13’06 – VF)

Question essentielle que celle de la Religion. Sans une lecture religieuse des Etats-Unis, il est impossible de comprendre les mécanismes intrinsèques de ce pays pas si atypique que cela au demeurant. Jean-François Colosimo, éditeur, philosophe et spécialiste des sujets religieux nous entraîne dans un décodage des moeurs politico—socio-religieuses des Etats-Unis et nous révèle le pourquoi de cette incompréhension fondamentale entre les Américains et le reste du Monde. Un entretien à ne pas rater.

- Tous Américains ? par Jean-Marie Colombani (12’45 – VF)

Jean-Marie Colombani, Directeur du journal « Le Monde », revient sur son éditorial paru le 13 septembre 2001 dans lequel il affirmait la solidarité de la France et des Français avec l’Amérique. « Tous Américains » titrait-il en référence au « tous Berlinois » du Président Kennedy. L’époque était alors au choc et au deuil. 3 ans après, il est édifiant de voir combien l’état d’esprit a pu évolué et l’analyse porté sur ce même événement aussi. D’où une remise en question du « Tous Américains » par un Jean-Marie Colombani critique et autocritique.

- Intervention de Dominique de Villepin au Nations Unies (14 février 2003) (16’09 – VF)

Le 14 février 2003, Dominique de Villepin alors Ministre des Affaires Etrangères s’adresse à l’ONU pour favoriser la voie diplomatique et empêcher une intervention militaire en Irak. Il exprime ainsi la position claire et courageuse de la France en refusant l’invasion injustifiée d’un pays souverain, laïque, autrefois l’alliée des Etats-Unis.

Image - 3,0 / 5

Malgré les efforts de l’éditeur, l’image demeure le point faible de ce film-documentaire. Tourné en vidéo, certaines séquences alternent entre sous-exposition et sur-exposition. Difficile de rendre hommage à l’étalonnage qui montre bien trop rapidement ses limites et se contente d’une homogénéisation de surface. Résultat visible : une image falote, imprécise à la colorimétrie douteuse.

Certes, captivé par le propos, bien peu d’entre vous prêteront attention à l’image mais cela fait aussi partie intégrante du film-documentaire. Une image d’une meilleure qualité aurait été plus digne de cette très belle édition collector jusque là irréprochable.

Son - 4,0 / 5

Côté son, on n’attendait aucun miracle. Et pourtant la qualité est au rendez-vous. Les témoignages sont clairs, les illustrations musicales angoissantes. Quant aux images d’archives, elles font preuves d’un étonnant dynamisme, elles qui d’habitude exhibe mollesse et grésillement.

On regrettera toutefois le choix de la stéréo. Le film méritait, ne serait-ce que par respect pour les illustrations musicales, du Dolby Surround voire du 5.1. Mais là encore, c’est histoire de chipoter.

A noter que vous aurez le choix entre VF avec doublage des interviews et VOST. L’éditeur aura ainsi tout prévu pour vous faciliter la tâche et vous donner envie de voir ce passionnant film-documentaire.


Excellent Thriller politique…en DVD !

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Rétroprojecteur Toshiba 43PH14P
  • Toshiba SD-330ES
  • Onkyo TX-DS797
  • système d'enceinte 5.1 Triangle
Note du disque
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Cyril
Le 19 juillet 2004
Dire que ce documentaire fait froid dans le dos est une gageure !!

Voici ce que Michael Moore aurait pu faire avec Farenheit 9/11 s'il ne voulait pas tout simplifier à sa bataille personnelle contre le pouvoir.

Les faits sont édictés sans fausses manoeuvres et les commentaires de chacun des intervenants (parfois proche du président américain) permettent de se faire une idée très précise de ce qu'est devenu le pouvoir aux Etats Unis ces derniers temps.

De plus la question de l'influence des néo conservateurs catholiques est enfin soulevé de manière intélligente.

Un reportage qui restera certainement comme un des rares témoignage de ce qui risque d'être le gouvernement le plus irresponsable de l'histoire américaine.

Oystercult

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