Elles (2011) : le test complet du Blu-ray

Anne, journaliste dans un grand magazine féminin enquête sur la prostitution estudiantine. Alicja et Charlotte, étudiantes à Paris, se confient à elle sans tabou ni pudeur. Ces confessions vont trouver chez Anne un écho inattendu. Et c’est toute sa vie qui va en être bouleversée.

Quatrième long-métrage de la réalisatrice polonaise Malgoska Szumowska, Elles pose un regard inédit et stupéfiant sur de jeunes étudiantes amenées à se prostituer pour pouvoir mener à bien leurs études. La réalisatrice s’empare de ce fait de société de plus en plus relayé par les médias, pour s’interroger sur ce que pensent ces jeunes femmes de leur situation. Est-ce que la prostitution est l’ultime libération de la femme qui prend possession de son corps, y compris du droit de le vendre ? Ou bien est-ce une soumission intolérable ?

Elles est porté par un fabuleux trio de comédiennes. Juliette Binoche livre ici une de ses plus belles performances et bouleverse dans le rôle de cette journaliste, femme bourgeoise, mère désarmée, épouse délaissée, dont les sens renaissent grâce à la rencontre avec ces deux étudiantes. Anaïs Demoustier confirme tout le bien que l’on pensait d’elle et Joanna Kulig, découverte dans La Femme du Vème de Pawel Pawlikowski impose une renversante sensibilité.

Sans aucun jugement moral, la réalisatrice nous fait réfléchir sur le sujet et montre des scènes brutes et crues comme nous en avons rarement vu au cinéma ces dernières années. En décrivant la confrontation des différents univers de ces trois femmes avec une maîtrise étonnante du cadre et de la plastique, Malgoska Szumowska dresse non seulement le portrait de trois personnages, mais également celui d’une société entière. Elles est un film coup de poing, percutant, dérangeant, en un mot, capital.

Le Blu-ray est glissé dans un superbe boitier classique de couleur noire. De la sérigraphie aux visuels en passant par le menu principal animé et musical d’une folle élégance, la qualité technique, tout fait de cette édition Blu-ray un objet indispensable. La jaquette du film propose au verso un portrait du personnage incarné par Anaïs Demoustier, tandis que toutes les spécificités du disque sont uniquement signalées sur le surétui cartonné.

Pendant 10 minutes, la comédienne Anaïs Demoustier évoque sa rencontre avec la réalisatrice Malgoska Szumowska, dont elle connaissait le travail, et revient surtout sur la difficulté de tourner les scènes de sexe. Avec spontanéité et concision, notre interlocutrice aborde également sa collaboration avec Juliette Binoche et ne cache pas son admiration pour sa partenaire.

Si nous aurions préféré retrouver la réalisatrice, l’éditeur ne livre qu’une interview de la scénariste Tine Byrckel. Cette dernière nous en apprend sur la genèse du film, les thèmes abordés, le travail de documentation et sa collaboration avec Malgoska Szumowska.

Prolongement à Elles, le documentaire d’Hélène de Crécy, Escort (94 minutes, 2011) fait entrevoir au plus l’intimité complice, les attraits, les motivations et les dangers qui sous-tendent la vie d’escort de trois étudiantes de vingt ans, au fil de rendez-vous secrets et de leurs confidences. Pour le film Elles, la documentariste Hélène de Crécy a aidé la réalisatrice Malgoska Szumowska et la scénariste Tine Byrckel en leur rapportant des interviews de jeunes étudiantes qui se prostituaient et qui prenaient visiblement du plaisir à le faire.

Fascinée par ces histoires, Hélène de Crécy en a tiré ce documentaire exceptionnel, également produit par Marianne Slot, initiatrice d’Elles. Si les voix n’ont pas été masquées, notons que le dispositif qui couvre le visage des interlocutrices au moyen d’un rond de couleur peut vite fatiguer, surtout pendant plus d’1h30, mais les propos tenus dans ce documentaire font froid dans le dos et l’entreprise se révèle indispensable. Certaines situations font évidemment écho avec le film de Malgoska Szumowska dont certains dialogues semblent directement tirés du documentaire.

Fort d’une élévation en Haute définition et d’un encodage AVC, le film de Malgoska Szumowska voit ses partis-pris esthétiques magnifiés. La luminosité des séquences diurnes est littéralement éblouissante, le relief est omniprésent en extérieur comme dans les scènes en intérieur (à l’instar de l’appartement aseptisé du personnage principal) et le piqué est tranchant sur les couleurs froides. Sur les teintes plus chatoyantes et ambrées, les détails sont plus limités (voir l’appertement d’Alicja) mais l’apport HD demeure probant tout du long. Les tâches de rousseur sur le visage d’Anaïs Demoustier sont nettes et brillantes, les contrastes sont assurés et les divers flous sporadiques ne sont dus qu’aux conditions parfois abruptes de certaines prises de vue.

Si Elles repose avant tout sur les dialogues, ardemment délivrés par la centrale, la piste DTS-HD Master Audio 5.1 exploite adroitement et généreusement l’ensemble des enceintes, y compris le caisson de basses, grâce à la composition de Pawel Mykietyn (Essential Killing), mais aussi aux ambiances naturelles présentes sur toutes les séquences en extérieur. La spatialisation est donc indéniable, percutante, et les morceaux de Beethoven (Allegretto de la 7ème Symphonie), Mahler, Chopin, Haendel, Wagner et Bellini s’accordent à merveille avec l’enivrant Pass This On du groupe The Knife.