Mon nom est Personne (1973) : le test complet du Blu-ray

Mio nome è Nessuno, Il

Édition SteelBook

Réalisé par Tonino Valerii
Avec Terence Hill, Henry Fonda et Jean Martin

Édité par Studiocanal

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Le 16/10/2012
Critique

Jack Beauregard, légende de l’Ouest, désire mettre un terme à sa carrière de pistolero et envisage de s’embarquer pour l’Europe. Mais un jeune admirateur, affirmant s’appeler Personne, ne l’entend pas de cette oreille. Il veut faire entrer Beauregard dans l’Histoire en l’amenant à combattre la Horde sauvage.

Chant du cygne, oraison funèbre ou chant mortuaire du western spaghetti, Mon nom est Personne est l’enterrement de tout un genre. Sergio Leone est un peu sidéré de voir le genre qu’il a réinventé être parodié par Terence Hill et Bud Spencer dans la série des Trinita. Il décide alors de riposter en confrontant un de « ses » personnages incarné par Henry Fonda avec celui du renouveau du western italien incarné par Terence Hill. Fonda représente le western traditionnel, la sagesse qui annonce la fin du genre. Un homme de l’Ouest qui sent les temps changer et décide de quitter les Etats-Unis pour ne pas y laisser sa peau. Hill représente les temps modernes, un jeune homme qui a grandi en admirant son héros.

Mon nom est Personne est une oeuvre symbolique de deux heures sur le western spaghetti qui touche à sa fin, où les claques remplacent les revolvers. Il ne s’agit pas d’une résistance du western « old school » mais d’une conclusion, une sortie exemplaire, par la grande porte, sur un acte héroïque et épique. L’ancien passe le flambeau au plus jeune et la lettre de fin de Beauregard à Personne n’en est que plus symbolique. Les mythes sont dépassés et devenus obsolètes, à l’image de Jack Beauregard chaussant ses lunettes pour accomplir son dernier exploit. Une page du cinéma se tourne, comme les pages tournées littéralement durant l’affrontement final contre la Horde sauvage quand Jack rentre dans les livres d’histoire. Ayant donné au western ses lettres de noblesses, Sergio Leone souhaite apporter sa contribution à ce tournant du western spaghetti en synthétisant tous ses films précédents. Même la magnifique partition d’Ennio Morricone semble résumer toutes ses anciennes compositions.

Des dialogues sublimes et inoubliables, un humour tordant, la beauté des paysages, la réalisation virtuose de Tonino Valerii, la confrontation de deux comédiens au somment de leur art font de ce film un chef d’oeuvre testamentaire. Le western tire sa révérence.

Présentation - 4,5 / 5

En 2005, StudioCanal avait édité l’un de ses plus beaux objets avec un digipack-trois volets comprenant des illustrations, ainsi qu’un petit livret comprenant des photos, affiches, bios et filmos, 4 cartes postales. Pour l’édition Blu-ray de Mon nom est Personne, l’éditeur a misé sur un boîtier métal aux rouges plus accentués. Le menu principal, animé et bruitén reprend la même interface que l’édition SD.

Bonus - 4,5 / 5

L’éditeur s’est contenté de reprendre les suppléments de la superbe édition DVD. En revanche, la fin alternative (avec un revolver remplaçant les doigts), les galeries de photos et d’affiches, les bandes-annonces des films réalisés par Tonino Valerii et les spots radiophoniques (les bonus cachés) n’ont pas été repris ici.

Nous retrouvons le commentaire audio du réalisateur Tonino Valerii conduit par Christophe Gans (VOSTF). Ce dernier, que l’on entend au fond de la pièce, pose les questions à une traductrice qui sert d’intermédiaire, afin de relancer le commentaire quand Tonino Valerii a tendance à regarder le film en simple spectateur, ce qui est récurrent au début de l’exercice. Le cinéaste revient sur les débuts de sa carrière, les décors au Nouveau-Mexique, le casting, ses inspirations (John Ford et Sam Peckinpah), rend hommage à ses assistants, évoque la partition et sa collaboration avec Ennio Morricone. Si certains propos se révèlent redondants, les anecdotes de tournage ne manquent pas : 18 semaines de tournage, 3 semaines en Italie, 5 en Espagne et 10 aux Etats-Unis, 97 chevaux pour la Horde Sauvage, budget de 900 000 euros. Mais si ce commentaire audio est resté dans les mémoires, c’est parce-que Tonino Valerii met les points sur les i sur Sergio Leone, qui a tourné la scène des toilettes alors qu’il était momentanément « alité », extrait : « Là, je ne comprends plus rien… regardez moi ça??? tout ça est à couper ! Sergio a insisté pour la faire, je n’arrive pas à comprendre. Je voulais la couper au montage. Je lui ai bien fait comprendre que je serai le premier à dire que je ne suis pas responsable de cette scène. Il a refusé de la couper. Même Terence ne l’a pas compris. C’est comme si Sergio crachait à la figure de Trinita ! Cela devait amuser Sergio de faire ça à Terence… c’est scatologique ! Il a même utilisé un bruitage d’un cheval qui urine ! Ca n’a vraiment aucun sens… tôt ou tard je trouverai la pellicule et je ferai disparaître cette scène. »

Quand le sujet abordé est la rumeur qui persiste à dire que Sergio Leone a réalisé la scène de la confrontation entre Jack Beauregard et la Horde sauvage (à 1h29), Tonino Valerii explose : « C’est comme ça pour tout le film ! Sergio a prétendu avoir fait la scène du cimetière indien alors qu’il n’est venu que les cinq derniers jours en Amérique ! Si vous entendiez tout ce qu’on raconte ! Leone a réussi à rallonger la scène et l’a compliqué avec des plans du train qui avance et qui recule. Pourquoi tant d’histoire pour trois petites scènes tournées par Leone alors que Pour une poignée de dollars a été réalisé à moitié par Franco Giraldi ! C’est une honte !!! La moitié ! Quels calomniateurs ! Ils devraient avoir honte ! J’écris un livre en ce moment d’ailleurs pour mettre les points sur les i ! Quel salaud ! Quel fils de pute ! Voilà qui est monsieur Leone, le vrai Sergio Leone ! Je ne voulais pas le dire mais trop tard ! Un salaud de la pire espèce. Il est mort, il ne méritait pas moins. Oser dire qu’il avait fait le montage du film alors qu’il n’y comprenait rien du tout ! Il disait que le monteur coupait et lui montait ! Il dit qu’il avait inventé le fameux cadrage « bord du chapeau jusqu’au menton » alors que pas du tout, c’est Massimo Dallamano qui faisait ses cadrages ! Sergio ne passait jamais derrière la caméra. Tout était l’oeuvre de Dallamano. Bon changeons de sujet sinon je me fâche et ça sera pire ». Un commentaire anthologique.

Le documentaire rétrospectif, Nobody is Perfect (55’) réalisé par Christophe Gans donne la parole au réalisateur Tonino Valerii, aux comédiens Terence Hill (propos datant de 2003), Jean Martin (Sullivan) et Marc Mazza (Don John), au scénariste Ernesto Gastaldi ainsi qu’au directeur de la photographie Armando Nannuzzi. Comme dans le commentaire audio, la langue de bois est ici bannie et tous les secrets de la fabrication du film sont dévoilés, les thèmes abordés, les personnages disséqués. Quelques photos de tournage donnent un aperçu de l’ambiance sur le plateau, la construction des décors, et même si certains propos font écho à ceux déjà entendus dans le commentaire audio, ce module le complète parfaitement. Pour l’anecdote, on apprend que Pier Paolo Pasolini a été envisagé à la mise en scène parmi 32 autres réalisateurs mis sur une liste par Sergio Leone. De son côté, Tonino Valerii en profite pour tacler une fois de plus Sergio Leone, qui n’a jamais démenti les rumeurs disant qu’il avait réalisé l’entièreté du film.

Le document Autour de Sergio Leone (49’) permet de retrouver Luciano Vincenzoni et Sergio Donati, le premier étant scénariste d’une soixantaine de films dont une demi-douzaine de westerns (3 pour Sergio Leone, Et pour quelques dollars de plus, Le bon la brute et le truand et Il était une fois la révolution), l’autre scénariste de plus de 70 films, y compris 9 westerns dont 3 pour Leone, Et pour quelques dollars de plus, Il était une fois dans l’Ouest et Il était une fois la Révolution. Autour d’un whisky et s’exprimant dans un français mélodieux, les deux compères évoquent leur rencontre et leur collaboration avec Sergio Leone, le tout étant parsemé de souvenirs liés au tournage des chefs-d’oeuvres du cinéaste italien. L’entretien se clôt sur une tournée générale de vodka-orange pour toute l’équipe.

Tonino Valerii se retrouve seul en scène (Tonino Valerii et le western, 12’) pour parler un peu de sa carrière. Bien que s’éloignant du film proprement dit, cette interview permet de mieux connaître l’un des plus grands réalisateurs du western spaghetti. Tonino Valerii y évoque les différences fondamentales entre le western américain et le western italien, revient sur la naissance du western politique (suite à la mort de JFK). Le documentaire se clôt sur une note émouvante où le réalisateur parle de la fin du genre qui l’a plongé dans une grande dépression.

L’interactivité se clôt sur deux bandes-annonces du film, l’une en anglais, l’autre en français.

Image - 4,5 / 5

Le master SD restauré à partir de sources diverses et édité en 2005 en mettait déjà plein les yeux. C’est dire que le Blu-ray de Mon nom est Personne était attendu au tournant. Disons le d’emblée, le master HD d’origine italienne (voir les credits) n’est pas parfait mais nous nous trouvons devant la plus belle copie du film à ce jour. Si l’éditeur tend à abuser du réducteur de bruit, parfois au détriment du grain original, la luminosité des séquences diurnes laisse pantois, le piqué est inédit, les détails abondent que l’on soit en plan d’ensemble ou rapproché (les gros plans sont magnifiques), la colorimétrie est vive (voir les yeux azur des deux comédiens principaux) et la gestion des contrastes impressionne tout du long. Le cadre large bénéficie d’une profondeur de champ inouïe, la propreté est irréprochable. En revanche, certains noirs paraissent bleus, quelques flous d’origine n’ont pu être corrigés et les accrocs constatés sur l’ancienne édition subsistent ici. Il s’agit des séquences reprises en postproduction accélérant les gifles (54è minute), la course après le train (1h31), ou tout simplement un plan qui a toujours été abimé (1h17 après l’histoire du petit oiseau). La stabilité est de mise, l’encodage AVC consolide l’ensemble avec brio, et le nettoyage est tel que l’on parvient maintenant à distinguer le reflet de la caméra à plusieurs reprises.

Son - 4,0 / 5

Comme pour l’édition DVD, nous retrouvons les mixages anglais, français et italien, restaurés et élevés cette fois en DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Les sous-titres français sont une fois de plus imposés sur les langues italienne et anglaise et le changement de langue n’est disponible que via le menu contextuel.

Mais le problème qui peut se poser est en quelle langue regarder Mon nom est Personne ? Les westerns de Sergio Leone ont toujours fait appel à des comédiens de nationalité différente, chacun des acteurs parlant habituellement dans sa langue d’origine, l’ensemble étant intégralement postsynchronisé ultérieurement, sous la direction du réalisateur lui-même qui choisissait d’ailleurs les voix. Bien que Terence Hill et Jean Martin aient tourné en anglais, nous ne reconnaissons pas leurs voix dans la langue de Shakespeare. Peut-on alors parler de version originale ? En réalité, les trois versions proposées sont des versions originales. Les spectateurs qui ont découvert Mon nom est Personne en France gardent en mémoire la sublime version française, même si Terence Hill ne bénéficie pas du doublage de l’excellent Dominique Paturel. Quoi qu’il en soit, même si elle frôle parfois la saturation dans les aigus, cette piste est la plus ardente et limpide du lot. Les dialogues sont vifs et dynamiques, bien que la partition d’Ennio Morricone et les effets annexes demeurent plus percutants en version anglaise, à l’instar des coups de feu et des gifles. Cette dernière est plus aléatoire avec des voix tantôt étouffées, tantôt élevées, et manque sérieusement d’ardeur. La version transalpine est intégralement doublée, manque de naturel et se révèle la plus bouchée des trois, comme si les dialogues sortaient d’un tuyau.

Alors, point de circonvolution, Mon nom est Personne se doit d’être vu et revu en français. Notons que les sous-titres semblent avoir été tirés de la version italienne. En effet certaines traductions de dialogues ajoutés sur cette version apparaissent alors que les personnages. Cela créé un décalage irritant.

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm