Réalisé par Charles Laughton
Avec
Robert Mitchum, Shelley Winters et Lillian Gish
Édité par Wild Side Video
Ben Harper confie l’argent d’un casse à ses enfants et leur fait promettre de ne jamais révéler où il est caché. Mais c’est sans compter l’opiniâtreté d’Harry Powell, un pasteur mielleux mais profondément peu recommandable qui, ayant partagé quelques temps la cellule d’Harper, a eu vent de l’existence du magot…
Sans vouloir jouer le contre-courant provocateur, il peut
tout de même être intéressant de prendre un peu de recul sur
le statut de film culte voire de chef-d’oeuvre du cinéma de
cette Nuit du chasseur.
Car à force de lire ici et là, et même partout, qu’il s’agit bel et bien d’un chef-d’oeuvre reconnu sur le tard (l’échec du film à sa sortie, fut cuisant), on en viendrait presque à n’expliquer que ce fait et non plus à l’analyser avec un regard neuf.
Et justement, à redire, il y a ! C’est une première (et unique) réalisation pour Charles Laughton, acteur tout à fait reconnu qui s’est pris de passion pour le livre de Davis Grubb, et on y sent toutes sortes de « défauts » inhérents à l’inexpérience du poste avec des choix d’angles, de montage ou de répliques parfois étranges. Les acteurs, certainement dirigés en ce sens et Robert Mitchum en tête, offrent la plupart du temps un jeu quelque peu outrancier ou qui tombe à plat. La narration est finalement hachée et provoque un effet de tableaux qui empêche le film d’atteindre une unité cohérente…
Malgré tout cela, entre une photographie tout à fait réussie, une musique envoûtante, quelques frissons de suspense et une audace certaine (la scène du cadavre dans la rivière), force est de reconnaître que La nuit du chasseur possède bel et bien ce parfum d’oeuvre avant-gardiste aux images inoubliables et à l’impact incontournable sur le spectateur, cette alchimie fragile et particulière que l’on ne prête justement qu’à quelques films du patrimoine.
S’il existe une course à l’édition parfaite, Wild Side a pris une bonne longueur d’avance avec ce coffret en tous points irréprochables.
Entre la remastérisation du film son et image, la somme considérable de matériel supplémentaire, le très passionnant livre de Philippe Garnier et même l’édition en CD-audio d’un vieux vinyl de l’époque du film, c’est une réussite totale, un « cadeau » parfait pour les fans et surtout l’assurance d’avoir entre les mains une édition que l’on peut considérer comme définitive tant rien ne semble avoir été oublié dans un tiroir.
La partie suppléments est extrêmement soignée avec en pièce principal un documentaire mastodonte sur la fabrication du film contenant la présentation des acteurs avec rushes à l’appui qui montrent le côté tatillon de Charles Laughton capable de de faire répéter encore et encore certaines lignes de dialogues. On traverse tout le tournage jusqu’à la postproduction et la sortie du film. Le ton dépassionné du commentateur peut paraître monotone mais permet finalement de rester concentré sur les faits, en particulier l’échec du film à sa sortie, sans faire appel au sensationnalisme.
Il faut admirer au passage le travail considérable de restauration des rushes, image et son, en plus du film lui-même, afin de conserver ad vitam, ces précieux documents de travail.
Un autre module s’attarde sur les croquis de l’auteur du livre et les extraits de sa correspondance avec la production dont Charles Laughton au sujet du développement et de la mise en scène du film. Il est intéressant de noter que si les croquis avaient été suivis de plus près, le film n’aurait pas pu passer l’étape de la censure…
Une autre partie des bonus est consacrée à la promotion du film, assez intense pour l’époque, et particulièrement au passage des acteurs dans l’émission Ed Sullivan Show ils jouent des scènes du film en direct dont une scène absente du montage final.
Tous disponibles sur la galette Blu-ray, les bonus sont également répartis sur les 2 DVD.
Pendant longtemps, on aura eu l’image d’un film au ratio 1.33, certainement pour des raisons de diffusion, alors que le film présente à l’origine un ratio 1.66, ici magnifiquement reproduit par le biais d’un master impeccable qui conserve tout de même, fort heureusement, un fort aspect « pellicule » qui ne dénature pas les images en les forçant à ressembler à des prises de vues effectuées de nos jours.
Le DVD profite du même master et présente une image splendide préservée par un encodage non destructif.
Côté son, le travail de restauration et de nettoyage est également parfait. Les dialogues sont nets, la musique et les effets sonores bien distincts et là aussi avec un soin particulier pour conserver l’aspect originel via une piste mono (reproduite sur 2 canaux) qui n’ajoute aucun effet moderne.