La Chinoise (1967) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Jean-Luc Godard
Avec Anne Wiazemsky, Jean-Pierre Léaud et Juliet Berto

Édité par Gaumont

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Le 05/12/2012
Critique

Dans un appartement dont les murs sont recouverts de petits livres rouges, des jeunes gens étudient la pensée marxiste-léniniste. Leur leader, Véronique, propose au groupe l’assassinat d’une personnalité.

La Chinoise marque la véritable naissance du cinéma politique de Jean-Luc Godard. Juste avant mai 68, le cinéaste, sentant poindre le mécontentement et l’action des étudiants, se penche sur la politisation de la jeunesse dans un pays au contexte politique en plein bouleversement. Pour ce faire, il cible les mouvements maoïstes, anarchistes et communistes en se focalisant notamment sur un groupe de 5 jeunes qui font l’apprentissage du maoïsme. Avec ironie, JLG montre des étudiants qui s’aveuglent avec un idéal.

Le réalisateur ne nie jamais un certain attachement à ce groupe mais n’hésite pas à montrer le côté un peu ridicule et théâtrale de leur entreprise, leur ignorance voire leur stupidité. Si le discours est trop didactique et tourne même souvent à vide pendant plus d’1h30, l’esthétique est splendide, la cadre magnifique (le grand Raoul Coutard est derrière la caméra), l’usage des couleurs extraordinaire. C’est d’ailleurs grâce à cette « esthétique politique » que notre intérêt reste éveillé et qui malgré tout pousse à la réflexion, à l’instar de l’échange entre Véronique et le philosophe Francis Jeanson sur les principes de la révolution et l’échec de la politique.

Le casting mené par Jean-Pierre Léaud et Anne Wiazemsky, épouse et nouvelle muse du cinéaste, est au diapason et récitent leurs dialogues avec conviction, même si on est certain qu’ils ne comprenaient pas la moitié de ce qu’ils racontaient à l’écran.

Présentation - 4,5 / 5

De la jaquette en passant par l’élégance des menus (l’image de Godard environné de couleurs acidulées) et la restauration du film lui-même, saluons le travail de l’éditeur qui n’a pas son pareil pour offrir au spectateur un bel objet à ranger dans sa collection Gaumont Classique.

Bonus - 4,0 / 5

Point de documentaires rétrospectifs ou de making of pour cette édition Blu-ray de La Chinoise mais 5 longs entretiens.

Auteur d’une longue biographie sur JLG, Antoine de Baecque signe ici l’analyse rétrospective de La Chinoise (30’) la plus complète et passionnante de cette interactivité. Il replace le film dans la carrière de JLG, dévoile quelques anecdotes liées au tournage (né de la rencontre de JLG avec Anne Wiazemsky), les thèmes explorés (la politisation des étudiants dans un pays dépolitisé), le casting, la préparation, les scènes cultes du film, le tout en croisant adroitement le fond avec la forme.

Le photographe français Michel Semeniako jouit du segment le plus long (38’) et se révèle particulièrement prolixe. Notre interlocuteur, qui interprète Henri dans La Chinoise, partage ses souvenirs liés au tournage, ainsi que sur sa collaboration avec Jean-Luc Godard. Repéré alors qu’il tenait un petit ciné-club à Grenoble, Michel Semeniako se souvient de sa rencontre avec JLG. Quelques photos de tournage viennent joliment illustrer ce passionnant entretien.

Les suppléments suivants sont exclusifs à l’édition HD de La Chinoise :

L’historienne du cinéma Denitza Bantcheva intervient à son tour pour une analyse de La Chinoise (19’). Comme nous l’indiquons sur le test Blu-ray de Bande à part, cet exposé nous rappelle les leçons d’histoire que nous écoutions au lycée la bouche ouverte, la bave écumante à la commissure des lèvres, en attendant que sonne le gong de la fin de journée. Si Denitza Bantcheva connaît bien son sujet, cette succession de phrases enchainées sans laisser le temps au spectateur de comprendre ce qu’il vient d’entendre (on y parle vaguement du rapport de JLG avec ses personnages) lasse très rapidement, d’autant plus que la diction est aussi soporifique que monolithique. Certains propos font écho avec ce qui a été entendu dans les modules précédents.

Nous trouvons ensuite deux autres entretiens avec d’une part Charles Bitsch, premier assistant de JLG sur La Chinoise (19’) et de l’autre Jean-Claude Sussfeld, alors deuxième assistant du réalisateur sur le film (18’). Chacun évoque sa rencontre avec JLG (le premier aux Cahiers du cinéma) et partage ses souvenirs liés à la production de La Chinoise. Autant dire que ces témoignages se révèlent précieux puisqu’il est question ici du JLG potache, qui n’hésite pas à faire beaucoup de blagues, mais aussi du JLG réservé et mal à l’aise en public. Plus qu’un portrait de cinéaste, c’est celui d’un homme énigmatique qui se dessine tout au long de ces deux interviews. Les deux intéressés sont également d’accord pour dire que La Chinoise est un film long, ennuyeux, didactique et qui a très mal vieilli.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

Image - 5,0 / 5

N’ayons pas peur de nous répéter, les Blu-ray issus de la collection Gaumont Classiques n’en finissent pas d’étonner. Fort d’un encodage MPEG 4 / AVC solide et d’un format respecté 1.33, le master HD de La Chinoise en met plein les yeux et restitue la magnifique photographie saturée du chef opérateur Raoul Coutard. Les couleurs primaires sont aussi resplendissantes qu’omniprésentes, surtout le rouge symbolique, et se révèlent éclatantes. Les contrastes sont savamment tranchés, le piqué acéré, les détails abondent. Si l’ensemble du film demeure confiné dans un appartement, la définition demeure optimale, l’image est stable et la restauration évidemment extraordinaire. Et un Blu-ray référence à afficher au tableau de Gaumont !

Son - 4,0 / 5

La piste DTS-HD Master Audio mono 1.0 n’est certes pas exempte de saturations, résonances et de quelques répliques qui paraissent étouffées, mais le confort acoustique est suffisamment assuré et les volontés de Jean-Luc Godard respectées puisque certains échangent sont volontairement inaudibles ou presque. La musique est dynamique, aucun souffle n’est à déplorer, et les ambiances sont bien délivrées, même à volume peu élevé. Notons tout de même que la chanson récurrente de Claude Channes Mao, Mao a tendance à faire vibrer les tympans. L’ensemble est clair et distinct, la propreté est de mise. L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant.

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm