Les Inconnus dans la ville (1955) : le test complet du Blu-ray

Trois gangsters arrivent à Bradenville, une petite ville de l’Arizona, pour y commettre un hold-up. Tout en se mêlant à la population, ils organisent et préparent leur coup, découvrant malgré eux les secrets et les péchés bien gardés de certains habitants au-dessus de tout soupçon…

Richard Fleischer, réalisateur éclectique et prolifique, est assurément l’un des plus grands metteurs en scène et raconteur d’histoire de l’industrie hollywoodienne. Les Inconnus dans la ville, mis en scène en 1955 est l’un de ses joyaux qui fait le bonheur des cinéphiles, de génération en génération. Considéré comme l’un des meilleurs thrillers du 7e Art, ce chef d’oeuvre de Richard Fleischer est encore bien plus. C’est également un drame, une étude sociologique, un magnifique objet qui éblouit les yeux. À l’instar des oeuvres du peintre Edward Hopper, le cinéaste compose un cadre magnifique, inscrit parfois un personnage dans l’encadrement d’une fenêtre, d’une porte, et montre des protagonistes esseulés, mélancoliques, ayant tous quelque chose à cacher. Il y a comme une nostalgie d’une Amérique passée dans Les Inconnus dans la ville.

Comme il n’a eu de cesse de le prouver tout au long de sa longue carrière (60 films en 45 ans), Richard Fleischer dirige ses comédiens d’une main de maître et non des moindres, Lee Marvin, Victor Mature, Richard Egan, Ernest Borgnine. Mais au-delà du fameux braquage, fabuleusement mis en scène, et d’une représentation crue de la violence (voir l’affrontement final dans la ferme des Amish) qui a sans doute marqué certains cinéastes comme Sam Peckinpah, ce sont les petites histoires et le destin des personnages satellites qui intéressent le réalisateur, dressant finalement le portrait d’une petite bourgade américaine de l’Arizona en perte de repères. Jalon important dans l’histoire du thriller, pur film de mise en scène, Les Inconnus dans la ville demeure aussi réjouissant qu’incontournable.

La sérigraphie du disque est soignée. La jaquette au visuel splendide est glissée dans un boîtier de couleur noire. Le tout est recouvert d’un surétui cartonné reprenant le même visuel. N’oublions pas le soin apporté au menu principal fixe et musical, d’une folle élégance. Magnifique objet.

Le réalisateur William Friedkin explique pourquoi Les Inconnus dans la ville, film qu’il connaît par coeur, représente à ses yeux l’un des meilleurs films de braquage jamais tournés. Sans interruption, avec passion pendant 21 minutes, le metteur en scène de French Connection croise habilement le fond et la forme du film de Richard Fleischer, se souvient de sa première projection des Inconnus dans la ville, revient sur le casting, les partis-pris esthétiques, dissèque quelques séquences du film, met en relief la singularité de ce « thriller mélodramatique ». Tout du long, William Friedkin rend un hommage élogieux à celui qu’il considère comme l’un des meilleurs conteurs de l’histoire du cinéma. Comme d’habitude, l’ensemble est joliment illustré par de nombreuses photographies et des affiches.

Le segment Mélodrame policier (27’) propose une passionnante et pertinente lecture personnelle du film de Richard Fleischer, indicible croisement entre une intrigue policière et la chronique d’une petite communauté américaine, de Nicolas Saada, réalisateur du génial Espion(s). La voix de notre interlocuteur est posée sur des images du film tel un commentaire audio. Nicolas Saada se souvient de sa découverte du film de Richard Fleischer, replace brièvement Les Inconnus dans la ville dans la filmographie du cinéaste américain, tout en analysant brillamment la forme du film.

L’interactivité se clôt sur les Credits du Blu-ray.

Absolument somptueux. Ce master HD des Inconnus dans la ville est renversant de beauté. La restauration est extraordinaire (aucune scorie n’a visiblement survécu au lifting numérique), les flamboyantes couleurs made in Deluxe (laboratoire de traitement concurrent de Technicolor) sont aussi riches qu’admirables, le relief est omniprésent et le cadre large au format respecté 2.55 fourmille de détails impressionnants tout comme la profondeur de champ qui se révèle inédite. Jusqu’alors inédit en DVD et encore moins en Blu-ray dans nos contrées, le film de Richard Fleischer est donc soumis à un traitement souverain. Les contrastes ne cessent d’étonner par leur densité, le piqué est acéré, le grain argentique n’a pas connu de lissage excessif, la luminosité est aveuglante et les textures ressortent comme jamais auparavant. Qu’importent les menus décrochages sur les fondus enchaînés, nous avons affaire ici à un sans-faute qui va faire le bonheur des cinéphiles.

La version originale bénéficie de deux mixages, DTS-HD Master Audio 4.0 et 2.0. Que les puristes soient rassurés, la première option acoustique respecte l’oeuvre originale puisque le film avait été distribué ainsi lors de sa sortie, et offre un espace phonique probant pour la composition de Hugo Friedhofer. La spatialisation est concrète, sans esbroufe inutile et participe parfaitement à la plongée du spectateur dans l’ambiance intrigante du film. Comme pour la piste 2.0, les dialogues sont imposants, clairs, distincts, les effets annexes se détachent sans mal et l’ensemble est d’une propreté immaculée. De son côté, la version française au doublage très réussi apparaît plus feutrée avec son mixage DTS-HD Master Audio 1.0, tandis que les dialogues prennent souvent le pas sur les bruitages. Que vous ayez opté pour la langue de Shakespeare ou celle de Molière, aucun souffle ne vient parasiter votre projection et le confort est assuré.

Crédits images : © Carlotta Films