Hommage John Cassavetes - Coffret Prestige (1961) : le test complet du Blu-ray

Coffret prestige - Blu-ray + DVD

Réalisé par John Cassavetes
Avec Gena Rowlands, Ben Gazzara et Peter Falk

Édité par Orange Studio

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Le 05/12/2013
Critique

De ces cinq films reflétant l’âme du cinéaste hors pair qu’était John Cassavetes, Faces joue le rôle de jalon dans une carrière placée sous le signe de l’indépendance. Si Shadows pose les bases d’un cinéma sensible et personnel, Une femme sous influence révèle Gena Rowlands, une des plus grandes comédiennes de l’histoire du cinéma, qui trouvera également un de ses rôles emblématiques dans Opening Night. Bien que souffrant de quelques longueurs, Meurtre d’un bookmaker chinois est un film attachant dans ses faiblesses et sa sincérité, que l’on réévalue à chaque visionnage. Ces cinq films vus à la suite dressent à eux seuls le portrait de l’homme complexe qu’était John Cassavetes (1929-1989), cinéaste mythique qui ouvrit la brèche vers un nouveau cinéma, celui de la vérité.

Précédemment édités par Océan Films en décembre 2008, Shadows, Faces, Une femme sous influence, Meurtre d’un bookmaker chinois et Opening Night font désormais peau neuve en Haute Définition chez Orange Studio :

Shadows :

États-Unis, années 60. Benny, Hugh et Lélia sont frères et soeur et partagent à New York le même appartement. Alors que Benny passe ses journées dans les rues et les bars, Hugh tente de faire carrière comme chanteur de jazz. Lélia quant à elle veut être écrivain. Tous trois veulent aussi aimer et être aimés…

New York, 1956, John Cassavetes fonde un atelier théâtral, le Variety Arts Studio, où il fait travailler ses élèves sur des improvisations. Au cours de l’année 1958, il participe à une émission télévisée et lance un appel afin de récolter des fonds lui permettant de tourner un long métrage en 16 mm à partir d’improvisations faites en atelier. John Cassavetes part tourner avec sa troupe dans les rues de New York. Il demande au jazzman Charles Mingus d’improviser lui aussi la musique. Une première version du film ne le satisfait pas. John Cassavetes retourne dans la rue pour filmer certaines scènes, mais en supprime d’autres. Il dira que le seul but de Shadows était « de mieux connaître leur métier tout en effaçant les marquées destinées aux comédiens dans le but de les laisser vivre ». En rupture totale, dynamitant les codes du cinéma traditionnel avec l’aide de comédiens inconnus, un vent nouveau souffle sur le cinéma américain.

Shadows marque les débuts de John Cassavetes. Rétrospectivement, on retrouve déjà quelques partis pris qui feront sa marque de fabrique, notamment avec les visages des comédiens que la caméra (à l’épaule) ne quitte jamais, tout en laissant une liberté d’action totale aux acteurs. Shadows porte sur des jeunes Noirs et Métis, confrontés à la discrimination raciale ainsi que sur leur quête d’identité, déambulant de nuit dans les rues humides de New York.

Tourné dans l’anonymat le plus complet, ce premier film expérimental obtient un succès international, en particulier en Europe alors marquée par l’émergence de la Nouvelle Vague. Le cinéma spontané dit « vérité » est né.

Faces :

Après une nuit un peu folle, Richard rentre chez lui et se dispute avec sa femme Maria. Après lui avoir annoncé son intention de divorcer, il claque la porte et part retrouver une autre femme. Maria décide alors de passer la nuit dans un night club avec ses amies. Elle y rencontre Chet avec qui elle termine la nuit. Au matin, Richard revient à la maison alors que Chet part sur la pointe des pieds. C’est le moment d’un premier face à face vital pour ce couple en chute libre…

« L’émotion était improvisée, le texte était écrit » dixit John Cassavetes sur Faces. Repéré par les studios après le succès de Shadows, il réalise La Ballade des sans-espoir puis Un enfant attend pour Hollywood. Sa collaboration avec le producteur Stanley Kramer lui laisse d’ailleurs un goût foncièrement amer puisque ce dernier n’hésite pas à réaliser un nouveau montage du film dans le dos du cinéaste. Finalement, John Cassavetes s’éloigne d’Hollywood et écrit Faces. Après les 6 mois de tournage en 1965, John Cassavetes passera trois ans dans son garage, transformé en salle de montage. Pour trouver les fonds nécessaires, il hypothèque sa maison, joue dans quelques films comme Rosemary’s Baby ou Les Douze salopards qui lui vaut une nomination aux Oscars.

Dans Faces, il laisse une grande liberté à ses comédiens, bien que le texte soit entièrement écrit. On sait aujourd’hui que toutes les prises de vue du premier mois ont été purement et simplement jetées à la poubelle. Le premier montage durait 3h40, mais il semble que ces scènes coupées soient entièrement perdues. Faces est un film expérimental. La première heure très singulière se concentre sur une nuit d’ivresse faite de fous rires, d’alcool qui coule à flots, de critiques, de cris, tandis que les fonctionnaires, les hôpitaux, et les classes moyennes en prennent pour leur grade. La seconde partie est beaucoup plus axée sur le déchirement d’un couple et marquée par l’extraordinaire performance de Seymour Cassel.

John Cassavetes parle avant tout des rapports entre hommes et femmes, de l’inexorabilité, de l’infidélité, de l’absence de communication et des conventions. Caméra à l’épaule, il s’entoure d’une équipe de semi-professionnels. En filmant au plus près la complexité des relations amoureuses, le cinéaste parvient à faire surgir de chaque plan, une incroyable vérité émotionnelle en collant aux visages (Faces) des comédiens. Le film sort enfin en 1968, un succès qui sera couronné par le Prix d’interprétation au Festival de Venise pour John Marley.

Une femme sous influence :

Contremaître sur les chantiers, Nick est submergé de travail et ne peut rentrer chez lui pour la nuit. Après avoir laissé ses enfants à sa mère, sa femme Mabel est déprimée. Écrasée par le poids de sa famille et les conventions de la société, elle glisse doucement vers la folie…

Après Minnie et Moskowitz, John Cassavetes écrit Une femme sous influence pour sa femme Gena Rowlands. Pensant tout d’abord créer cette histoire pour le théâtre, Gena Rowlands sait qu’elle ne pourra interpréter le rôle épuisant de Mabel tous les soirs. Ce sera donc le septième long métrage de John Cassavetes. Commencent alors les problèmes de financement (le réalisateur ira jusqu’à faire hypothéquer sa maison une fois de plus) puis la phase de tournage (13 semaines).

Aujourd’hui, Une femme sous influence demeure la pièce maîtresse de l’oeuvre de John Cassavetes. Le couple formé par Peter Falk et Gena Rowlands a bouleversé des générations de cinéphiles. Le réalisateur traite ici de la violence des contraintes sociales pesant sur l’individu à travers le portrait de Mabel, mère de famille fantasque et tourmentée dont la douce folie provoque le rejet et l’incompréhension de ses proches.

Gena Rowlands trouve le plus grand rôle de sa carrière, son partenaire Peter Falk est magnifique dans le rôle de cet homme désemparé face aux névroses de sa femme. On pourrait croire que c’est improvisé et pourtant les comédiens ont respecté le texte et le scénario à la ligne près, le metteur en scène ayant fait en sorte que l’histoire soit tournée dans l’ordre chronologique. Des plans-séquences étirés jusqu’à la moelle aux gros plans ne quittant jamais les personnages à l’aide d’une caméra à l’épaule, le spectateur ressort éreinté de la projection. Une femme sous influence mettra deux années pour sortir sur les écrans et recevra finalement un accueil triomphal en 1974. Gena Rowlands obtient une nomination aux Oscars et recevra le Golden Globe de la meilleure actrice dans un film dramatique.

Meurtre d’un bookmaker chinois :

Cosmo Vitelli, patron d’une boîte de strip-tease et criblé de dettes, est contraint par la Mafia de tuer un bookmaker chinois. C’est le début d’une chasse à l’homme qui va l’entraîner loin. Très loin…

Les puristes savent que Cosmo Vitelli, le propriétaire endetté d’un cabaret de Los Angeles n’est autre qu’un alter ego de John Cassavetes lui-même. Se référant à un genre en particulier, celui du polar, le cinéaste traite en réalité d’un système qui s’interpose entre les rêves et les hommes. Ce système c’est Hollywood, un monde impitoyable qui n’a eu de cesse de mettre des bâtons dans les roues de John Cassavetes. Ce dernier a finalement préféré s’éclipser pour réaliser ses propres films, sans aide financière. Dans Meurtre d’un bookmaker chinois, Cosmo Vitelli, magnifiquement interprété par Ben Gazzara, lutte pour rester honnête. Ouvertement allégorique, le film symbolise les batailles incessantes qu’a dû livrer John Cassavetes tout au long de sa carrière afin d’échapper au « milieu ».

Avec ce film basé sur l’attente, le cinéaste joue sur les codes du film de gangsters (on pense très souvent à Melville), raccourcit au maximum les scènes dites d’action et préfère étirer le temps pour montrer Cosmo Vitelli dans son quotidien. Ben Gazzara lui prête son élégance naturelle, dans ses relations professionnelles, entouré de sa véritable famille composée des petits artistes de son cabaret. Meurtre d’un bookmaker chinois hypnotise le spectateur. Le spectateur suit le personnage principal dans ses déambulations, dans ses moments de réflexion, ses doutes, sans jamais le lâcher une seconde. Comme souvent chez John Cassavetes, le spectateur prend en cours une histoire qui ne sera pas véritablement résolue, du moins à l’écran. Tenant une place originale dans la filmographie de son auteur, souvent décrié et mal aimé, Meurtre d’un bookmaker chinois apparaît pourtant aujourd’hui comme un des films les plus attachants de John Cassavetes. Le cinéaste subira par la suite les foudres de la critique et du public et connaîtra son premier échec commercial. En Europe, le film sera mieux accueilli.

Opening Night :

La célèbre comédienne de théâtre Myrte Gordon est la vedette d’une pièce de Sarah Goode : « The Second Woman ». Après une représentation à New Haven, Myrte assiste à la mort d’une jeune admiratrice passionnée…

Couronnée de l’Ours d’Argent de la meilleure interprétation en 1978, Gena Rowlands trouve dans Opening Night un de ses derniers grands rôles. Hymne à la créativité des gens du spectacle, le film de John Cassavetes est également un hommage aux comédiens, pierre angulaire de son cinéma. Après l’énorme échec commercial de Meurtre d’un bookmaker chinois, John Cassavetes autofinance une fois de plus Opening Night.

En 1977, Hollywood connaît un nouvel essor. Star Wars et Rencontres du troisième type cartonnent dans les salles et le cinéma de John Cassavetes paraît bien compromis. Le cinéaste décide alors de se rapprocher du théâtre en écrivant et en réalisant Opening Night. Il y traite de la lutte des artistes pour exister, en l’occurrence une femme d’une cinquantaine d’années qui se retrouve face à un rôle de femme déchue angoissée par son âge. Opening Night est le film le plus troublant de son auteur et l’attention du spectateur est constamment sollicitée afin de différencier la fiction de la réalité qui se trouvent habilement mêlées. La frontière est souvent fragile. Il suffit de voir l’appartement de Myrtle ressemblant à s’y méprendre à une scène de théâtre, large et quasi-vide, lui laissant amplement l’espace pour se déplacer chez elle comme sur une scène.

Est-il utile de préciser que Gena Rowlands est extraordinaire ? La comédienne réalise une de ses plus grandes performances qui continue d’inspirer les actrices d’aujourd’hui. La caméra capte la moindre expression de Myrtle dans sa névrose et dans ses hallucinations. L’utilisation des gros plans est récurrente et ne lâche jamais les personnages durant 2h20, sauf quand la caméra s’incruste parmi les spectateurs lors de la représentation. Une fois n’est pas coutume, quelques éléments surréalistes s’immiscent dans le réalisme du cinéma de John Cassavetes lors de l’apparition fantomatique de la jeune fille renversée qui confronte Myrtle à ses problèmes psychologiques. Suite au nouvel échec commercial de ce film, John Cassavetes se retrouve obligé d’accepter un film de commande, ce sera Gloria.

Présentation - 3,0 / 5

Les tests ont été réalisés sur check-discs. Les menus principaux sont fixes sur la musique du film correspondant. Dans ce coffret Prestige, l’éditeur regroupe les 5 films cultes de John Cassavetes, disponibles en DVD et en Blu-ray, en VOST rigoureusement (certaines oeuvres n’ont jamais été doublées en français).

Bonus - 5,0 / 5

Orange Studio a regroupé les suppléments de Shadows et de Faces sur un seul DVD. Même chose pour ceux de Meurtre d’un bookmaker chinois et Opening Night. Disposant de bonus plus conséquents, ceux d’Une femme sous influence sont disponibles sur une seule galette.

L’éditeur reprend l’intégralité des suppléments disponibles dans le précédent coffret DVD édité chez Océan, et donc la quasi-intégralité des bonus disponibles sur le coffret édité chez Criterion. Manquent toujours à l’appel l’ouverture originale de Faces (17’), le documentaire issu de la série Cinéastes de notre temps consacré à John Cassavetes (disponible en France chez MK2, indispensable), un clip sur la restauration des films, quelques images de John Cassavetes en pleine création, mais surtout le film fleuve de 200 minutes réalisé par Charles Kiselyak en 2000 et considéré comme LE documentaire ultime consacré à John Cassavetes. Notons également que les biofilmographies ainsi que la version longue de 135 minutes de Meurtre d’un bookmaker chinois, disponibles dans le coffret Océan, n’ont pas été repris, du moins en Blu-ray.

Présentation des films par Patrick Brion, critique et historien du cinéma :

Pour chacun des films, l’excellent Patrick Brion propose une introduction de cinq minutes en moyenne, simple, brillante et concise durant laquelle il présente brièvement les conditions de tournage et termine souvent ses avant-propos en citant Gena Rowlands, Peter Falk ou John Cassavetes sur l’existence de chaque film.

Bonus de Shadows :

Shadows par Alain Corneau (14’)
Disparu en 2010, le réalisateur français, grand fan de John Cassavetes, s’exprimait ici sur ce que représentait Shadows dans sa vie de cinéphile. « Un grand impact » dit-il en replaçant le film de John Cassavetes dans son contexte au moment où le cinéma moderne se cherchait et où la Nouvelle Vague allait naître. Ensuite, Alain Corneau se penche sur l’improvisation prônée par John Cassavetes lors de l’élaboration de son film. Le fond et la forme se croisent avec une passion contagieuse. Notre interlocuteur se souvient de sa première projection de Shadows ainsi que de ses scènes préférées comme la présentation du petit copain noir.

Interview de Leila Goldoni (12’)
Incarnant Leila dans Shadows, la comédienne nous fait partager ses souvenirs de tournage, se remémore sa rencontre avec John Cassavetes à son arrivée à New York. Illustrés de quelques photos rares issues des cours du cinéaste, les propos s’arrêtent également sur les méthodes de travail de John Cassavetes et les conditions de tournage. Ayant au préalable « fait le tri » dans les diverses improvisations de ses comédiens, le cinéaste les laissait parfois aller dans des directions qu’eux-mêmes ne comprenaient pas. Leila Goldoni clôt cet entretien en rappelant les nombreuses influences du cinéma de John Cassavetes dans le cinéma contemporain.

Interview de Seymour Cassel, producteur associé (4’)
L’éternel Moskowitz d’Ainsi va l’amour se rappelle brièvement sa rencontre avec John Cassavetes en 1957 à New York. Cherchant du boulot c’est un peu par hasard que Seymour Cassel croise le chemin du metteur en scène qui lui propose d’assister au tournage de Shadows. Revenant sur le plateau tous les soirs, Seymour Cassel aide rapidement John Cassavetes à la technique en officiant en tant qu’assistant-réalisateur.

Pour chacun des films, la bande-annonce originale est également disponible.

Bonus de Faces :

Faces par Jean-François Stévenin (14’)
A l’instar d’Alain Corneau pour Shadows, Jean-François Stévenin se souvient du choc lorsqu’il a découvert Faces pour la première fois au cinéma. Il y dissèque certaines séquences du film tout en parlant de la méthode de travail du cinéaste, de son rapport aux acteurs. Dans la dernière partie de cet entretien, Jean-François Stévenin évoque sa rencontre inattendue avec Seymour Cassel.

Interview de Seymour Cassel par le journaliste Tom Charity (47’)
Voici un des suppléments indispensables de ce coffret. Cet entretien passionnant durant lequel le grand ami et collaborateur de John Cassavetes se confie, est tour à tour drôle, instructif et émouvant. Durant plus de trois quarts d’heure, Seymour Cassel passe en revue sa complicité avec le cinéaste, les conditions de tournage et de financement de Faces. Le mot « liberté » ressort fréquemment. C’est avant tout l’union de chaque membre de l’équipe dont se souvient Seymour Cassel, la vie sur les plateaux et en dehors. Le comédien partage également de nombreuses anecdotes de tournage, par exemple que le cinéaste n’hésitait pas à l’appeler en plein milieu de la nuit pour lui montrer une séquence qu’il venait juste de monter dans son garage aménagé en local technique. Le caractère indépendant de John Cassavetes ressort sans peine de ce magnifique portrait dressé par l’un des hommes qui l’a connu plus que n’importe qui.

Lighting and Shooting par Al Ruban, monteur, directeur de la photographie et producteur associé (12’)
Il s’agit ici de commentaires écrits détaillant le processus créatif de certaines séquences clés du film. Ce segment est plus tourné vers la technique avec le choix des éclairages employés pour chaque passage illustré.

Making of (42’)
L’appellation making of n’est pas vraiment appropriée puisque vous n’y verrez pas d’images de tournage. Il s’agit de témoignages réalisés en 2004 de ceux qui ont partagé l’aventure de Faces, c’est-à-dire Al Ruban (directeur de la photographie, producteur associé et monteur de Faces), Gena Rowlands, Lynn Carlin et Seymour Cassel. Al Ruban déclare que Faces demeure le plus grand film de John Cassavetes, tandis que Gena Rowlands parle du scénario et des difficultés de financement. Lynn Carlin se revoit en train de signer son contrat sur un bout de nappe déchiré tandis que Seymour Cassel parle du casting, des personnages, des lectures d’avant-tournage et du scénario. Quelques photos tirées du film et du tournage viennent enrichir tous ces formidables propos. Une fois de plus et sans redondance, le caractère indépendant du film est largement abordé.

Bonus d’Une femme sous influence :

Une femme sous influence par Patrick Grandperret (13’)
Le réalisateur de Meurtrières dissèque le film de John Cassavetes avec une passion contagieuse, tout en analysant les thèmes et les rapports des personnages. L’aspect technique est ensuite mûrement traité, notamment le montage du film.

Conversation entre Gena Rowlands et Peter Falk (17’)
Dommage que cet entretien ne dure pas plus longtemps tant le plaisir y est incommensurable ! Les deux amis se retrouvent face à face afin d’échanger ensemble leurs expériences du tournage tout en s’attardant abondamment sur la collaboration avec John Cassavetes. Peter Falk (décédé en 2011) avoue « qu’il ne comprenait rien à la façon de faire de son ami sur le tournage d’Husbands en 1970 », allant même jusqu’à déclarer ne jamais retourner avec lui par la suite. Pourtant, quatre ans plus tard, le comédien décide de retenter l’expérience pour Une femme sous influence. Sa partenaire éclaire sur sa préparation : les comédiens ne répétaient pas, mais lisaient le scénario avec John Cassavetes à de multiples reprises, sans que jamais le cinéaste ne parle du personnage de Mabel avec sa compagne. Ne passez pas à côté de ces anecdotes et de ces souvenirs émouvants.

Interview d’Elaine Kagan, actrice et ancienne assistante de John Cassavetes (19’)
Démarrant cet entretien en abordant sa rencontre avec John Cassavetes puis son parcours professionnel, notre interlocutrice parle ensuite de sa collaboration avec le cinéaste dont elle prenait chaque propos en sténo. Elaine Kagan se souvient de son rôle durant les grandes discussions animées qui se déroulaient dans le bureau du réalisateur, toujours entouré de sa bande d’acteurs. Elle nous dresse le portrait du John Cassavetes qu’elle côtoyait au quotidien, un homme rebelle, tourmenté, qui aimait observer les gens, qui partageait ses idées avec les autres en attendant les critiques et les remarques. Une fois n’est pas coutume dans l’ensemble de cette interactivité, c’est sur une note nostalgique que se termine cet entretien quand Elaine Kagan avoue qu’elle ne peut revoir un film de John Cassavetes sans pleurer, submergée par les souvenirs.

Entretien avec John Cassavetes par Michel Ciment et Michael Henry Wilson (1h15)
Cette interview chapitrée d’une durée d’1h15 a été enregistrée en octobre 1975 à Paris, à l’occasion de la sortie d’Une femme sous influence. Longuement, posément et de manière passionnée, John Cassavetes répond aux questions qui lui sont posées sur le sens et l’émotion du film, son financement, le montage, les rapports entre hommes et femmes, l’improvisation, la construction des personnages en particulier celui de Mabel, leur environnement, la direction d’acteurs, l’équipe technique, l’usage de la caméra à l’épaule, son avis sur l’industrie hollywoodienne. On apprend également que la durée originale du film dépassait les 3h30 et que le cinéaste a préféré couper les scènes qui révélaient un peu trop à son goût les personnages aux spectateurs, notamment dans leur intimité. Cet extraordinaire entretien aurait seulement mérité d’être mis en valeur par plus de photos de tournage plutôt que par des images tirées du film.

Bonus de Meurtre d’un bookmaker chinois :

Meurtre d’un bookmaker chinois par Claude Miller (10’)
Le cinéaste français disparu en 2012, faisait part ici de sa passion pour John Cassavetes et déclarait que ce film en particulier s’adressait en priorité aux aficionados du réalisateur américain. Il se souvenait avoir vu en premier ses films faits pour les studios, jusqu’à sa découverte choc d’Une femme sous influence et de Meurtre d’un bookmaker chinois. Ensuite, Claude Miller dressait un portrait du personnage incarné par Ben Gazzara et explorait les thèmes du film. Pour lui, Meurtre d’un bookmaker chinois était un film terriblement poignant et pessimiste, teinté de fantastique, d’étrangeté caractérisée par l’exotisme des décors. Il y voyait enfin une métaphore de la position de John Cassavetes au sein de l’industrie cinématographique américaine.

Entretien avec John Cassavetes par Michel Ciment (17’)
Le journaliste et critique français ouvre une fois de plus ses archives pour notre plus grand plaisir. Cet entretien réalisé en 1978 au Festival de Berlin permet d’entendre John Cassavetes s’exprimer sur l’utilisation des codes du polar afin de traiter d’un sujet personnel. Il y parle de la performance de Ben Gazzara, de la genèse du projet, de la phase d’écriture, des mauvaises critiques reçues aux Etats-Unis pour le film.

Conversation avec Ben Gazzara (acteur) et Al Ruban (monteur, directeur de la photographie et producteur) (18’)
Ben Gazzara (décédé en 2012), comédien et complice de John Cassavetes, se penche sur le fruit de leur collaboration. Il se souvient des deux premières séances pleines à craquer, mais surtout de la réaction unanimement négative de l’audience. Les critiques négatives ayant rapidement pris le relais, le film est conspué de partout pour la première fois dans la carrière de John Cassavetes. Bien qu’attaché au film, Al Ruban se remémore des désaccords survenus entre le cinéaste et lui. C’est en voyant à quel point le film était cher à John Cassavetes que Ben Gazzara est parvenu à aborder son rôle qu’il voyait au départ comme un simple gangster. L’aspect technique est largement disséqué ainsi que la collaboration entre acteurs professionnels et amateurs. Pareil que pour Claude Miller, les deux interlocuteurs déclarent qu’il est nécessaire de posséder un certain bagage pour visionner Meurtre d’un bookmaker chinois, incompris à sa sortie, mais considéré par beaucoup de cinéphiles comme étant un des meilleurs films de John Cassavetes.

Scènes commentées par Peter Bogdanovich (réalisateur, critique) et Al Ruban (acteur, directeur de la photographie et producteur) (52’)
Il est fort à parier que les deux hommes ont regardé le film dans son intégralité, mais seules certaines scènes demeurent commentées. On en retient d’ailleurs finalement peu de choses et les propos d’Al Ruban font écho à ceux entendus dans le segment précédent. Peter Bogdanovich passe son temps à dire qu’il est un grand admirateur du cinéma de John Cassavetes. Les lieux de tournage et l’ensemble du casting sont passés en revue, tandis qu’Al Ruban détaille l’éclairage des scènes clés. Il n’empêche que les deux compères paraphrasent bougrement ce qui se déroule à l’écran et même quelques silences viennent plomber l’ensemble.

Bonus de Opening Night :

Le film vu par Xavier Durringer, metteur en scène, réalisateur et auteur (6’)
C’est au tour du réalisateur de Chok-Dee et de La Conquête de faire partager sa passion pour John Cassavetes dans un entretien un peu trop court. Il évoque l’interaction entre le théâtre et le cinéma, le style de John Cassavetes, le rapport avec le public et les thèmes du film.

Conversation entre Gena Rowlands et Ben Gazzara (23’)
Dans cette suite et fin de l’entretien débuté dans la section consacrée à Meurtre d’un bookmaker chinois, nos deux interlocuteurs se remémorent avec émotion le tournage d’Opening Night et ses aléas. Ils débutent par le mauvais accueil reçu aux Etats-Unis (le film est resté 2 semaines à l’affiche) et de celui toujours plus chaleureux en Europe. C’est le système D d’un tournage de John Cassavetes qui est ici longuement examiné, à l’instar de certaines suspensions du tournage en raison du manque d’argent, l’engagement presque gratuit des comédiens et les quelques improvisations survenues lors des scènes de théâtre. Le reste des acteurs est évoqué (Joan Blondell, John Tuell) tout comme la psychologie du personnage de Myrtle et l’élément surréaliste survenant pour la première fois dans le cinéma de John Cassavetes.

Interview d’Al Ruban, producteur et directeur de la photographie (8’ et non pas 17’ comme mentionne le dossier de presse)
Pour son dernier entretien, Al Ruban se souvient de l’aventure d’Opening Night dans sa carrière. C’est pour lui aussi l’occasion de parler de John Cassavetes quand il s’impliquait dans tous les départements techniques, des costumes aux couleurs, en passant par le maquillage. Pour lui, le cinéaste demeure rare dans le cinéma puisqu’il n’hésitait pas à demander quelques conseils à tous ceux présents sur le plateau, faisant appel à leurs idées et au point de vue de chacun. Dans un second temps, Al Ruban aborde le côté technique.

Entretien avec John Cassavetes par Michel Ciment (30’)
Réalisé au Festival de Berlin en 1978, cet entretien (audio) est une fois de plus mené par Michel Ciment qui interroge John Cassavetes sur la pièce jouée dans le film, l’interaction entre le cinéma et le théâtre, son rapport avec les comédiens, le fait de jouer avec sa femme Gena Rowlands devant un véritable public, et la nouvelle expérience que représentait Opening Night dans sa carrière.

Image - 4,0 / 5

Tous les Blu-ray sont au format 1080p. Les copies N&B de Shadows (1.33, 4/3) et de Faces (1.77) ont été restaurées à partir d’un négatif 16 mm d’origine, d’un négatif 35 mm et d’un positif 35 mm. Autant dire que le grain d’origine a été fortement accentué lors de leur gonflage en respectant toutefois les oeuvres originales. Curieusement, Shadows, disposant de moyens techniques rudimentaires et d’un coût de production moindre, s’avère plus net que Faces. Les éléments d’origine étaient certes en mauvais état, mais le master de Shadows est on ne peut plus convenable même si les griffures et points noirs sont plus récurrents que sur Faces. Pour ces deux copies, on note de nombreux flous. Toutefois, la luminosité est bien présente. De ce fait, les parties claires accentuent le grain, plus chronique sur Faces. Shadows est légèrement plus instable avec des tremblements, mais les contrastes paraissent plus denses que sur le deuxième film. Quelques scories subsistent. L’image de Faces est donc sensiblement plus altérée avec des blancs cassés, le 16/9 accroissant les diverses anomalies. Le tournage caméra à l’épaule accentue légèrement les défauts de compression (codec AVC) heureusement limités par la présence des suppléments sur un autre disque.

Des trois films en couleur proposés par Orange Studio, Une femme sous influence s’avère moins net que Meurtre d’un bookmaker chinois et Opening Night. Certes la copie est aussi propre que les deux autres films, mais les couleurs paraissent fanées et altérées. Pour Meurtre d’un bookmaker chinois, contrairement au DVD édité par Océan, les scènes se déroulant dans le cabaret éclairé par les couleurs criardes, rouge et rose sont ici propres et nettes, soutenues par un encodage AVC de haute volée. Les fourmillements sont limités, contrairement aux déséquilibres constatables en DVD. La caméra, constamment en mouvement, pose souvent quelques problèmes vis-à-vis de la mise au point et des plans flous sont à déplorer dans les scènes d’intérieur. Les séquences diurnes se révèlent éclatantes et malgré les prises de vue sur le vif, les gros plans restent soignés. Les noirs sont denses, les ambiances feutrées bien restituées et la stabilité d’ensemble est on ne peut plus satisfaisante. Certaines scènes voient leurs contrastes trop poussés comme lors du plan élaboré dans la voiture où seules paraissent les ombres des personnages.

Pour l’ensemble des trois films, quelques scories subsistent. Bien que la mise en scène de John Cassavetes donne du fil à retordre à la compression, celle-ci se montre solide tout du long. Un grain cinéma se ressent lors des plans rapprochés, notamment pour Une femme sous influence, les ambiances nocturnes sont très soignées pour les deux films, les contrastes bien gérés, bien que les visages des comédiens tirent visiblement sur le rose. L’image d’Opening Night est superbe, la plus belle du lot avec des couleurs lumineuses, principalement celles du théâtre avec les teintes rouges éblouissantes de la robe de Gena Rowlands, y compris le sol de la pièce.

Dans l’ensemble, l’apport HD demeure limité, il faut bien l’avouer. Seul Opening Night, et dans une moindre mesure Meurtre d’un bookmaker chinois profitent de cette élévation. Shadows est également très beau durant le premier tiers, mais cela se gâte après malheureusement. Les deux autres sont plus stables qu’en DVD…

Son - 4,0 / 5

Tous les films disposent d’une piste anecdotique DTS-HD Master Audio 5.1 anglaise aux sous-titres français imposés. Les mixages de Shadows et de Faces sont les plus sourds du lot et sans véritable relief. Il n’est pas rare que le volume change au cours d’une même scène. Si l’écoute de Shadows se révèle plutôt agréable et fluide (à part un petit ronronnement), celle de Faces est parasitée par un souffle constant et une saturation lors des nombreux cris des personnages. Les ambiances ne sont pas vraiment restituées à leur juste valeur, mais les dialogues sont honnêtement délivrés. Le mixage d’Une femme sous influence propose des dialogues corrects, clairs, mais flanqués d’un souffle chronique agaçant.

Même chose concernant Meurtre d’un bookmaker chinois, dont les dialogues apparaissent même plus éloignés que sur les autres Blu-ray. La séquence d’ouverture contient son lot d’effets divers et la musique est agréable. Enfin, Opening Night est un plaisir de chaque instant bien que le fameux souffle perturbe encore une fois nos oreilles délicates. Les séquences de théâtre possèdent un écho naturel agréable, mais diverses saturations parsèment ce dernier mixage.

Crédits images : © Orange Studio

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm