Jacques Tati - L'intégrale

Jacques Tati - L'intégrale (1949) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Jacques Tati
Avec et Jacques Tati

Édité par Studiocanal

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Le 27/02/2014
Critique


© Les Films de Mon Oncle

Ce coffret contient non seulement tous les longs métrages de Jacques Tati pour le cinéma, de Jour de fête à Trafic et sa dernière réalisation pour la télévision, Parade, mais aussi la plupart des courts métrages qu’il a réalisés ou dans lesquels il a joué. En prime, une avalanche de suppléments avec les versions alternatives de Jour de fête, des Vacances de Monsieur Hulot et de Mon Oncle et les analyses inspirées de Stéphane Goudet, critique et universitaire.


© Les Films de Mon Oncle

Cinq longs métrages seulement, mais qui ont créé un cinéma singulier et universel à la fois.

Singulier par le regard du cinéaste sur ses congénères (parfois caustique, mais le plus souvent tendre), par le style d’écriture avec des plans larges dans lesquels il laisse au spectateur la liberté d’observer des personnages pour passer à d’autres et suivre de plus près ce qui se trame dans un autre coin de l’écran, un peu comme dans ces dessins où l’on recherche le même individu caché à plusieurs endroits dans la foule. Singulier par le traitement du son qui a tant d’importance dans des films où, pourtant, les dialogues, souvent hors cadre, n’en ont guère…

Cinéma universel, aussi, qui a échappé à l’usure du temps et est largement sorti de nos frontières en glanant les prix les plus prestigieux à Hollywood, à Venise, à Cannes…

Après une expérience de mime (et de rugbyman !), le talent de Jacques Tati pour le cinéma se révèle en 1949 avec Jour de Fête qui conte les aventures du facteur François, tout autant benêt que dégourdi quand, dans sa tournée à l’américaine, il réussit à stupéfier les deux policiers militaires US en leur faisant croire que son vélo est équipé d’un téléphone.


© Les Films de Mon Oncle

Mais il faudra patienter quatre ans, avec l’arrivée pétaradante des Vacances de Monsieur Hulot, pour faire connaissance, en 1953, avec ce personnage emblématique du cinéma de Jacques Tati.

Pantalon « feu de plancher » dévoilant sans pudeur des chaussettes rayées, court imperméable mastic, parapluie, petit chapeau au bord arrière relevé et pipe dont le poids semble attirer le haut du corps vers l’avant. Voilà campé pour les trois autres films qui allaient suivre, le grand dégingandé à la démarche si particulière qu’on ne peut jamais savoir si ses pas vont le conduire à gauche, ou bien à droite, le faire avancer ou, au contraire, reculer.

Sans la moindre malice, Hulot a une fâcheuse propension à déclencher des catastrophes à chaque fois qu’il essaie de contrôler une situation, lui qui n’aime ni le désordre, ni le laisser-aller. Ce besoin d’ordre est brillamment illustré, sans un mot, par son obsession à éviter que la pâte de guimauve tombe sur le sable de la petite plage bretonne où il passe ses vacances.


© Les Films de Mon Oncle

Cinq ans plus tard, quatre petits chiens, un teckel au pédigrée certifié et quatre bâtards des rues introduisent le thème de Mon oncle : la mise en parallèle de deux mondes séparés, celui de la bourgeoisie cossue et celui du petit peuple entre lesquels Hulot fait le trait d’union.

Encore une assez longue attente pour voir réapparaître Hulot, en 1967, dans Playtime, le film le plus ambitieux et le plus abouti de Tati, tourné en 70 mm dans des décors qui semblent préfigurer La Défense, alors qu’une seule tour n’avait encore été érigée dans ce quartier d’affaires. Tout se passe autour de l’impossibilité pour Hulot, toujours à la recherche problématique d’un emploi, de trouver Monsieur Giffard avec lequel il a rendez-vous pour un entretien d’embauche. Ce film, aux plans larges grouillant de personnages et de gags (à l’aéroport, dans un immeuble de bureaux, dans une vaste salle de restaurant) est bourré de trouvailles visuelles et sonores, avec des personnages qui ne sont pas là où des reflets trompeurs semblent les avoir placés, où les portes font un bruit d’enfer quand elles sont supposées se refermer délicatement, alors qu’elles n’émettent aucun son quand elles sont violemment claquées.


© Les Films de Mon Oncle

La destruction par Hulot de la porte de verre d’un restaurant chic, le soir de son inauguration modifie le cours du scénario : le lieu, soudain ouvert à tous les vents, laisse entrer des passants de tout poil, favorisant une mixité sociale qui verra son apogée quand, à la fermeture du restaurant, au petit matin blême, smokings, robes longues et étoles de vison se mêlent aux bleus de travail dans la rue ou les bistros avoisinants.

Dans le dernier film pour le grand écran, Trafic (1971), Hulot a évolué : il a non seulement trouvé un emploi, celui de dessinateur de l’aménagement, dans la carrosserie d’une Renault 4L, d’un camping-car dans lequel rien ne manque. Mais, plus encore, il semble avoir renoncé à tenter de contrôler le cours des événements pour se borner au rôle de spectateur presque indifférent d’un enchaînement de fiascos.


© Les Films de Mon Oncle

À côté de ces films majeurs figurent Parade, un bel hommage au music-hall et au cirque et sept courts-métrages, d’un intérêt variable, dont L’École des facteurs, une ébauche de Jour de Fête.

Colette a, en quelques lignes, joliment défini l’art de Jacques Tati : « Je crois que nulle fête, nul spectacle d’art et d’acrobatie, ne pourront se passer de cet étonnant artiste qui a inventé quelque chose. Quelque chose qui participe du sport, de la danse, de la satire et du tableau vivant. Il a inventé d’être ensemble le joueur, la balle et la raquette ; le ballon et le gardien de but, le boxeur et son adversaire, la bicyclette et son cycliste. En Jacques Tati, cheval et cavalier, tout Paris verra vivante la créature fabuleuse : le Centaure ! »

Jacques Tati a réussi à faire de Monsieur Hulot un personnage universel : « Bien sûr Hulot, c’est un peu moi, mais c’est aussi un peu vous tous. »


© Les Films de Mon Oncle

Présentation - 5,0 / 5

Les 7 disques sont logés dans un coffret noir d’une sobre élégance. On y trouve également un livret illustré de 52 pages, contenant une biographie puis, pour les longs-métrages, les génériques artistiques et techniques, ainsi qu’une relation détaillée de la restauration de l’image et du son.

Sous-titres anglais (et français pour malentendants) disponibles pour chaque film et pour les suppléments).

Chaque disque est discrètement sérigraphié avec le personnage principal (le facteur François ou Monsieur Hulot) en silhouette noire.

Un bel hommage de Studiocanal à Jacques Tati, après celui rendu par Carlotta Films à Alain Robbe-Grillet et par Potemkine/agnès b. DVD à Éric Rohmer.


© Les Films de Mon Oncle

Bonus - 5,0 / 5

L’éditeur n’a pas lésiné, ni sur la quantité des suppléments près de douze heures, sans compter les courts-métrages - ni sur leur qualité. On vous renvoie à une consultation de la fiche du coffret pour la liste détaillée de tous les bonus.

Rien à couper dans les analyses de Stéphane Goudet qui fournissent beaucoup d’anecdotes de tournage et, surtout, d’utiles clés pour une relecture de chacun des films. Il dresse un portrait complet du personnage de Monsieur Hulot et retrace son évolution au long de la quadrilogie.

Toutes les versions des longs-métrages sont présentées ici : les trois versions de Jour de fête et les deux versions de Mon Oncle, avec My Uncle. Bravo ! Vous avez deviné que c’était la version en anglais destinée aux USA où le film remporta l’Oscar du meilleur film étranger.

Beaucoup d’autres suppléments intéressants : un reportage télévisé pour la chaîne américaine ABC sur Tativille, le ruineux décor en béton construit pour le tournage de Playtime, l’hommage rendu par David Lynch, Olivier Assayas, Wes Anderson, Patrice Leconte et Michel Gondry, les vues d’architectes renommés (Henri Gaudin, Jean Nouvel…) sur l’architecture dans le cinéma de Tati, notamment dans Mon oncle, etc., etc.


© Les Films de Mon Oncle

Image - 4,0 / 5

La qualité de l’image peut varier d’un film à l’autre. Mais l’ensemble des longs-métrages bénéficie d’une excellente rénovation.

Un bémol pour Jour de fête qui pâtit d’un certain manque de contrastes et, également, de blancs brûlés et un peu ternes. À éviter la version en couleurs, même c’était le souhait de Tati. Malheureusement, le négatif Thomsoncolor ne put jamais être utilisé et le film ne fut sauvé que par la copie de secours en noir et blanc ! La version en couleurs « reconstituée » en 1978 n’est qu’une méchante colorisation qui aurait pu rester au placard. Net progrès pour l’image des Vacances de Monsieur Hulot, bien que l’image manque de contraste dans les scènes en basse lumière.

Mon oncle et Playtime s’en sortent à la perfection avec un piqué et une propreté remarquable, une belle restitution du grain et des couleurs délicatement étalonnées. Un cran au-dessous pour Trafic et, surtout, pour Parade dont la netteté varie en fonction du support utilisé pour les prises de vue, 35 mm ou 16 mm.

Pour les courts-métrages, les différences sont plus accusées. Mais la restauration procure une qualité acceptable, bien qu’à la limite pour Gai dimanche et, surtout, pour Forza Bastia, rongé par un horrible fourmillement.


© Les Films de Mon Oncle

Son - 5,0 / 5

L’encodage DTS-HD MA 1.0 a fait des miracles en ravivant un son percutant, pratiquement sans souffle et sans saturation. Une bonne démonstration du soin apporté à la restauration est donnée par les bruitages des Vacances de Monsieur Hulot et l’explosion du jazz qui sème encore la panique dans l’Hôtel de la Plage, plus de 60 ans après le tournage !

La restauration du son de Mon oncle et de Playtime atteint la perfection.


© Les Films de Mon Oncle

Crédits images : © Studiocanal

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm