Réalisé par Lee Daniels
Avec
Forest Whitaker, Oprah Winfrey et John Cusack
Édité par Metropolitan Film & Video
Le jeune Cecil Gaines, en quête d’un avenir meilleur, fuit,
en 1926, le Sud des États-Unis, en proie à la tyrannie
ségrégationniste. Tout en devenant un homme, il acquiert les
compétences inestimables qui lui permettent d’atteindre une
fonction très convoitée : majordome de la Maison Blanche.
C’est là que Cecil devient, durant sept présidences, un témoin
privilégié de son temps et des tractations qui ont lieu au
sein du Bureau Ovale.
À la maison, sa femme, Gloria, élève leurs deux fils, et la
famille jouit d’une existence confortable grâce au poste de
Cecil. Pourtant, son engagement suscite des tensions dans son
couple : Gloria s’éloigne de lui et les disputes avec l’un de
ses fils, particulièrement anticonformiste, sont
incessantes.
À travers le regard de Cecil Gaines, le film retrace l’évolution de la vie politique américaine et des relations entre communautés. De l’assassinat du président Kennedy et de Martin Luther King au mouvement des Black Panthers, de la guerre du Vietnam au scandale du Watergate, Cecil vit ces événements de l’intérieur, mais aussi en père de famille…
Le Majordome offre sans nul doute la distribution la plus prestigieuse parmi tous les films sortis en 2013. Tenez-vous bien, Forest Whitaker, Oprah Winfrey, David Oyelowo, John Cusack, Robin Williams, Cuba Gooding Jr., Lenny Kravitz, Terrence Howard, Alan Rickman, James Marsden, Liev Schreiber, Jane Fonda, Vanessa Redgrave, Mariah Carey et Alex Pettyfer réunis devant la caméra de Lee Daniels, réalisateur de Precious et Paperboy dans une fresque humaniste, mélodramatique, historique (et académique) librement inspirée de la vie d’Eugene Allen (1919-2010).
Cet homme Afro-Américain a pour particularité d’avoir été le majordome de sept Présidents des Etats-Unis à la Maison Blanche, entre les années 1950 et 1980, de 1952 à 1986 plus précisément. Cette histoire a été relatée dans un article du Washington Post à l’approche de l’élection de Barack Obama en 2009.
Rebaptisé Cecil Gaines - interprété par Forest Whitaker - dans Le Majordome, Lee Daniels prend cet homme comme témoin de la période houleuse et violente des mouvements des droits civiques aux Etats-Unis. Servant auprès des Présidents qui se sont succédé, Cecil Gaines « ne doit rien entendre, ni ne rien voir, à peine respirer, juste servir », mais assiste bel et bien aux doutes, espoirs, désillusions, aux promesses des autorités quant à l’évolution de l’égalité des droits.
Soyons honnêtes, Le Majordome est tout d’abord une oeuvre réalisée dans le but de récolter le plus possible d’Oscars. La réalisation de Lee Daniels n’a rien d’extraordinaire, révèle d’ailleurs un classicisme dont on ne croyait pas capable le cinéaste, qui d’ailleurs s’en remet totalement à ses comédiens en mode « performance ». Avec sa démarche courbée et la larme toujours prête à couler, Forest Whitaker n’a pas grand-chose à faire pour emporter l’adhésion dans un rôle taillé sur mesure. A ses côtés, Oprah Winfrey, symbole de la réussite américaine et de l’insertion de la communauté Afro-Américaine (productrice et présentatrice milliardaire), confirme un beau talent de comédienne que l’on avait pu déjà remarquer dans La Couleur pourpre de Steven Spielberg, qui lui avait valu d’être citée aux Oscars. Les autres comédiens se délectent à représenter une ère spécifique de l’Histoire des Etats-Unis, notamment ceux qui incarnent les Présidents se succédant dans le Bureau Ovale.
Malgré ses défauts, manque de rythme, montage basique, voix-off poussive, il est clair que nous ne pouvons pas rester de marbre devant Le Majordome, surtout lorsqu’on connaît l’engagement de Lee Daniels pour la défense de la cause inhérente à la communauté Afro-Américaine, thème récurrent de ses films. Si le metteur en scène ne trouve pas vraiment l’équilibre entre les séquences politiques et celles montrant l’intimité de Cecil avec son lot de problèmes - une femme qui lui reproche de ne pas être assez présent, son fils aîné très engagé qui n’hésite pas à manifester auprès de Martin Luther King, un autre fils qui s’engage au Vietnam - l’histoire du Majordome parvient facilement à atteindre le coeur tout en renseignant sur la situation sociale des Etats-Unis de ces 50 dernières années, sur ce qui a permis à la communauté Afro-Américaine d’obtenir le droit de vote, de prendre le même bus que les WASP, de s’asseoir sur les mêmes banquettes que les blancs dans un fastfood, en s’attachant au plus près à la véracité historique.
Dommage cependant que Lee Daniels, d’une sobriété « trop » étonnante, s’embourbe quelque peu et dès le départ en racontant l’enfance de Cecil dans les champs de coton, puis dans les rapports père-fils, qui relâchent souvent la tension plutôt que la maintenir. Nous n’échappons pas au vieillissement des personnages et du concours de prothèses en latex durant une dernière partie quelque peu caricaturale. Ce film au budget plutôt mince (25 millions de dollars) malgré son parterre de stars, a connu un succès foudroyant aux Etats-Unis au point de dépasser la barre fatidique des 100 millions de dollars. La France est également et étonnamment un des pays qui l’ont également le mieux accueilli dans le reste du monde avec près de 2 millions de spectateurs dans les salles.
Le test a été réalisé sur check-disc. Le disque vendu dans le commerce est un Blu-ray avec fourreau cartonné. Le menu principal est élégamment animé et musical.
Le segment intitulé Une histoire de l’Amérique (22’) cache en réalité le making of promotionnel du Majordome. De facture classique, mixant énergiquement les images de tournage avec les entretiens des comédiens, du réalisateur et des producteurs, ce documentaire brasse les thèmes du film, l’historique de la lutte pour les droits civiques, l’histoire d’Eugene Allen qui a inspiré celui de Cecil Gaines. Mais ce making of met aussi Oprah Winfrey, l’une des personnalités les plus populaires aux Etats-Unis, mais également une des plus riches, bien en avant, chacun y allant de son passage de pommade qui devrait hydrater la gente dame jusqu’à la fin de ses jours. Le défilé de stars est ensuite passé au peigne fin avec un ahurissant concours de louanges et de superlatifs.
Les Freedom Riders, les premiers militants (4’) bénéficient d’un petit module historique afin de rappeler les actions de ces militants du mouvement des droits civiques aux États-Unis qui utilisaient des bus inter-Etats afin de tester l’arrêt de la Cour suprême qui rendait illégale la ségrégation dans les transports. D’anciens Freedom Riders témoignent à l’occasion de la sortie du Majordome aux Etats-Unis.
Nous passons ensuite aux scènes coupées (21’) qui méritent qu’on s’y attarde puisqu’elles développent plus l’enfance de Cecil, notamment de l’apprentissage de son métier mais également de la lecture auprès d’Annabeth Westfall (Vanessa Redgrave). C’est d’ailleurs cette dernière qui l’encourage à partir le plus loin possible, voyant les capacités du jeune homme. Ces séquences coupées prolongent ensuite le chemin parcouru par Cecil et ses rencontres sur la route. D’autres scènes valent le coup d’oeil à l’instar de Cecil qui lit une histoire à la petite Caroline Kennedy dans les cuisines de la Maison Blanche, une autre montrant JFK dans l’intimité avec sa femme quand un coup de téléphone interrompt brutalement ces ébats présidentiels suite à la découverte de photos satellites au-dessus de Cuba.
Lors de leur passage au Festival de Deauville, Forest Whitaker et Lee Daniels présentent Le Majordome en se pliant au jeu de l’interview (6’). Quelques images de tournage viennent illustrer les propos des deux hommes, qui reviennent principalement sur le côté historique du film et le caractère symbolique du personnage de Cecil. Ils évoquent également l’évolution des droits sociaux de la communauté afro-américaine, Lee Daniels déclarant froidement que malgré la double élection de Barack Obama à la Maison Blanche, la lutte est encore loin d’être terminée.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces, des liens internet, un bêtisier (5’) car oui ça se marrait beaucoup sur le tournage, ainsi qu’un petit clip vidéo (2’) de Gladys Knight, accompagnée au piano par Lenny Kravitz, pour un très bel extrait de la bande originale du Majordome intitulé You and I Ain’t Nothin’ No More.
Avec sa photographie marquée par des contrastes sensiblement ouatés, Le Majordome peut souvent laisser dubitatif en Haute Définition. Heureusement, le film de Lee Daniels (AVC, 1080p) est savamment pris en charge par l’éditeur au cheval ailé. Dès la première séquence, l’image affiche une colorimétrie tirant sur le brun et le sépia, clinquante aux moments opportuns, autrement dit à la Maison Blanche où les teintes paraissent plus saturées. Ce master respecte les partis pris esthétiques du directeur de la photographie Andrew Dunn (Le Monde de Charlie, Precious) découverts dans les salles. Ceux qui attendent un piqué incisif rechigneront peut-être car les détails manquent parfois à l’appel et l’ensemble n’est pas aussi mordant qu’attendu. Toutefois, le transfert demeure élégant.
Les versions anglaise et française (au doublage soigné) DTS-HD Master Audio 5.1 font quasiment match nul en ce qui concerne la délivrance des ambiances sur les enceintes latérales, la restitution des dialogues et la balance frontale. L’immersion se fait ressentir à plusieurs reprises, la spatialisation reste solide. Le caisson de basses n’a pas vraiment l’opportunité de faire parler de lui, mise à part la séquence où le KKK s’en prend au bus des Freedom Riders (53e minute).
L’éditeur joint également une piste française en Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
Crédits images : © Metropolitan