Fedora (1978) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Billy Wilder
Avec William Holden, Marthe Keller et Hildegard Knef

Édité par Carlotta Films

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Le 05/05/2014
Critique

Fedora, grande star hollywoodienne désormais retirée en Europe, met fin à sa vie en se jetant sous un train. Lors de ses funérailles, le producteur Barry Detweiler se remémore sa dernière rencontre avec elle deux semaines auparavant à Corfou. Il s’était alors rendu sur l’île dans l’espoir de convaincre la célèbre actrice de revenir sur le devant de la scène, en la faisant jouer dans une adaptation d’Anna Karénine. Mais Fedora, bien mystérieuse et difficile à atteindre, vivait recluse et sous la surveillance de la vieille comtesse Sobryanski, du docteur Vando et de ses domestiques…

Fedora est l’avant-dernier long métrage de l’immense cinéaste Billy Wilder, mais ce chef-d’oeuvre est souvent considéré comme son dernier grand film puisqu’il ne réalisera ensuite que le remake honteux de L’Emmerdeur, Victor la gaffe, plus connu sous son titre anglais Buddy Buddy.

Réalisée en 1978, loin des studios américains, Fedora est avec Boulevard du crépuscule, l’autre déconstruction du mythe hollywoodien réalisé par Billy Wilder. Ce conte vertigineux, cruel et sombre permet au metteur en scène de Certains l’aiment chaud de revenir avec un saisissant réquisitoire contre le star system hollywoodien et son mythe de l’éternelle jeunesse.

Alors que le Nouvel Hollywood a petit à petit mis au placard les plus grands noms qui avaient jusqu’alors fait le bonheur des studios, Billy Wilder livre un objet filmique presque non identifié, merveilleusement photographié par le chef opérateur Gerry Fisher (Cérémonie secrète, The Offence), parfois à la limite du fantastique et teinté d’humour noir. Fedora est une oeuvre foudroyante, cynique, cruelle et mal aimée.

Considéré comme éculé, has-been même au moment de sa sortie à l’aube des années 1980, ce magistral diamant noir affûté qui en dit long sur le regard désabusé que porte le metteur en scène sur les réalisateurs américains du Nouvel Hollywood (« des barbus » comme il est dit dans le film), offre à Billy Wilder l’occasion de régler une dernière fois ses comptes avec une industrie sans foi ni loi, dans laquelle il ne se reconnaît plus, en mettant également en relief l’égocentrisme et le narcissisme des acteurs et actrices.

Presque trente ans après Boulevard du crépuscule et près de 25 ans après leur dernière collaboration (Sabrina, 1954), William Holden retrouve Billy Wilder et fait indéniablement le lien avec leur premier film en commun. Le spectre de Sunset Boulevard rôde constamment dans Fedora, dont le personnage peut être vu comme la fille cachée de Norma Desmond (inoubliable Gloria Swanson) tant les similitudes s’avèrent troublantes. Ravagé par l’alcool et vieillit avant l’âge, William Holden, 60 ans, renforce l’aspect sépulcral distillé tout au long du film à travers ce personnage de producteur indépendant américain sur le déclin. Le comédien décédera 3 ans plus tard.

Expérience troublante et même franchement dérangeante sur l’identité, Fedora repose sur le(s) jeu(x) de Marthe Keller et Hildegard Knef, dont l’ambiguïté ne cesse de tarauder l’esprit longtemps après la projection. Il est d’ailleurs difficile d’examiner plus en détails la thématique de Fedora, merveilleux et diabolique scénario écrit par Billy Wilder et I.A.L. Diamond, adapté d’une nouvelle de Tom Tryon, sans révéler les multiples rebondissements de cette réflexion aiguisée (comme le bistouri du chirurgien esthétique) sur la célébrité. Nous préférons laisser aux spectateurs le soin de découvrir ce chef d’oeuvre oublié, plutôt que d’analyser plus en profondeur ce film abyssal et virtuose (plusieurs flashbacks s’entrecroisent) que nous pourrions analyser pendant des heures.

Longtemps invisible, toujours méconnu, Fedora apparaît pourtant comme étant un film tout aussi important, amer, désabusé, paranoïaque et fascinant que Boulevard du crépuscule et Assurance sur la mort du même auteur. Film testament, indispensable donc.

Présentation - 5,0 / 5

La superbe jaquette est glissée dans un boîtier classique de couleur noire, lui-même recouvert d’un surétui liseré rose. Le menu principal est élégant, animé et musical. Encore un superbe objet made in Carlotta.

Bonus - 4,5 / 5

On commence par un exceptionnel documentaire fleuve intitulé Le Chant du cygne : l’histoire de Fedora de Billy Wilder (1h27). Réalisé par Robert Fischer, ce film chapitré propose un retour sur l’aventure de Fedora, de la genèse du projet au tournage à travers l’Europe (Grèce, Allemagne, France), avec les témoignages des comédiens Marthe Keller (sans langue de bois sur la direction de Billy Wilder), Mario Adorf et Michael York, du directeur de la photographie Gerry Fisher et de nombreux autres participants, à l’instar du fils du scénariste I.A.L. Diamond. Comme l’indique un carton en présentation, certains éléments majeurs de l’intrigue de Fedora sont révélés dans ce documentaire, y compris son dénouement. Evitez alors de le visionner avant d’avoir découvert le film de Billy Wilder !

Les propos tenus dans ce documentaire sont passionnants, les photos et images de tournage montrant Billy Wilder à l’oeuvre avec ses comédiens sont plutôt rares, les thèmes de Fedora sont finement analysés. Les intervenants se penchent également sur la collaboration de Billy Wilder avec son coscénariste I.A.L. Diamond, l’adaptation de la nouvelle de Tom Tryon, le casting (Katharine Hepburn et Audrey Hepburn avaient été envisagées pour jouer Fedora âgée et jeune), le travail de Billy Wilder avec les acteurs, le caractère indépendant du film (finalement tourné en Europe), la sortie de Fedora (conspué aux Etats-Unis, merveilleusement accueilli par la critique française) sont également passés au peigne fin. Nous y voyons également Billy Wilder donner une conférence de presse dans les studios de la Bavaria à Munich. Tout cela agrémenté par d’innombrables anecdotes liées au tournage ! Enfin, signalons que les interviews présentées dans ce documentaire ont été enregistrées entre 2007 et 2013.

C’est un supplément que l’on aime bien retrouver sur les éditions HD des grands classiques du cinéma, Carlotta joint un module centré sur la restauration du film, avec un comparatif du contretype non traité et de la version restaurée (4’).

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce de la ressortie du film en 2013, une superbe galerie de photos et les credits.

Image - 4,5 / 5

Pour la restauration de Fedora réalisée en 2013 par CinePostproduction pour la Bavaria Media et Global Screen, un négatif 35mm d’origine était disponible. Cet élément a été scanné à 2K, puis l’image traitée sur le « pipeline » ReFine, développé spécialement pour cette occasion. De nombreux éléments de contretype insérés dans le négatif original présentaient des voiles chimiques et des symptômes d’usure plus marqués qui ont nécessité un travail plus approfondi. De cette restauration ont été fabriqués un DCP 2K pour l’exploitation en salles et un master pour une diffusion à la télévision. Fedora est ainsi restitué au public dans sa beauté première.

La qualité de ce nouveau et magnifique master restauré HD (format respecté 1.85) est exceptionnelle et le film de Billy Wilder renaît littéralement devant nos yeux ébahis. Les contrastes affichent d’emblée une densité inédite, la copie est d’une propreté immaculée, le piqué souvent impressionnant sur les gros plans et les détails fourmillent surtout sur les plans diurnes en extérieur qui sont à couper le souffle. Alors certes, tout n’est pas parfait, quelques flous sporadiques font leur apparition (dans la partie parisienne notamment), une ou deux séquences sont plus altérées, mais ces menus accrocs sont bien trop anecdotiques compte tenu de la clarté éblouissante, des noirs concis, des blancs scintillants ou éthérés conformes aux partis pris de la photo de Gerry Fisher, du grain cinéma respecté (« le teint lustré des vieux classiques » comme le voulait le cinéaste), de la colorimétrie vive et du relief inattendu pour ce film qui était jusqu’alors oublié. Enfin, l’ensemble est consolidé par une compression AVC de haute tenue. Un lifting qu’aurait approuvé le personnage de Fedora.

Son - 4,0 / 5

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 1.0 distillent parfaitement la musique de Miklós Rózsa. La piste anglaise manque peut-être un brin de dynamisme, mais se révèle nettement suffisante. Au jeu des différences, la version française, à la postsynchronisation médiocre même si Marthe Keller se double elle-même, se focalise parfois trop sur les dialogues au détriment des ambiances et effets annexes, mais le rendu musical est élevé.

La piste originale, souvent exemplaire et limpide, s’accompagne d’un très léger souffle, le niveau des dialogues est aléatoire, certains échanges sont un peu pincés et le mixage manque souvent d’harmonie. Toutefois, cette version est évidemment celle à privilégier, le confort acoustique étant plus probant et les effets annexes plus riches.

Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue, impossible à la volée, se fait via le menu contextuel.

Crédits images : © Carlotta

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm