Lettre d'une inconnue (1948) : le test complet du Blu-ray

Letter from an Unknown Woman

Réalisé par Max Ophüls
Avec Joan Fontaine, Louis Jourdan et Mady Christians

Édité par Carlotta Films

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Le 09/04/2014
Critique

Vienne, années 1900. À la veille d’une provocation en duel, Stefan Brand, un célèbre et séduisant pianiste sur le déclin, reçoit la lettre d’une certaine Lisa Berndle. Il découvre alors que celle-ci lui a voué toute sa vie un amour sans limites. Lisa revient sur ses différentes rencontres avec Stefan, depuis le jour où celui-ci s’installa à côté de chez elle et où elle tomba follement amoureuse de lui, pour ne jamais s’en défaire. Sa vie sera dès lors tragiquement liée à celle de Stefan…

Ayant fui son pays marqué par la montée du nazisme et l’avènement au pouvoir d’Adolf Hitler, le cinéaste allemand Max Ophüls arrive en France en 1933 et devient citoyen français cinq ans plus tard, tout en continuant son travail dans l’Hexagone. Après la défaite française de 1940, Max Ophüls s’exile finalement aux Etats-Unis. Après quelques contrats ici et là, le réalisateur met en boîte son premier long métrage sur les terres de l’Oncle Sam en 1947, L’Exilé. Mais c’est en 1948 qu’il réalise son chef d’oeuvre américain pour le compte des studios Universal, Lettre d’une inconnue, librement adapté de la nouvelle éponyme de Stefan Zweig (1922) par le scénariste Howard Koch (Casablanca, Sergent York).

Le metteur en scène renoue avec ses thèmes de prédilection qu’il n’aura de cesse de développer tout au long de sa carrière : la passion amoureuse destructrice, le hasard, le déchirement, le renoncement. Magnifiquement mis en scène, photographié (par Franz Planer), cadré, interprété, dialogué, mis en musique, on ne peut qu’admirer la méticulosité technique éblouissante de chaque plan-séquence, la merveilleuse chorégraphie des personnages dans le cadre (la séquence du faux train sur fond de toiles peintes est à se damner), chaque déplacement de la caméra qui virevolte littéralement en passant d’un personnage à l’autre.

Cette somptueuse transposition de Lettre d’une inconnue place le personnage de Lisa (Joan Fontaine, bouleversante) au centre de l’histoire, sa propre histoire, son autoportrait couché sur papier dix ans plus tard. Lisa retrace sa vie en se mettant en scène, comme dans un spectacle dans lequel elle joue son propre rôle à n’importe quel âge - vous avez dit Lola Montès ? - uniquement à travers son point de vue. Comme bien souvent, Max Ophüls s’approprie un roman ou une nouvelle et y apporte les modifications nécessaires à son adaptation pour dresser un nouveau et inoubliable portrait de femme. Le personnage de Stefan (superbe Louis Jourdan), est un écrivain dans le livre et devient un pianiste chez le cinéaste. Jugeant la fin tire-larmes, Max Ophüls procède également à quelques modifications.

Aujourd’hui encore, on reste subjugué par la somptuosité des images, par cette passion unique, profondément mélancolique, tragique et déchirante qui nous laisse le coeur en miettes.

Présentation - 5,0 / 5

La superbe jaquette est glissée dans un boîtier classique de couleur noire, lui-même recouvert d’un surétui. Le menu principal est animé et musical. N’oublions pas la sérigraphie soignée du disque. Encore un superbe objet made in Carlotta.

Bonus - 3,0 / 5

Dans le segment intitulé Mémoires d’un producteur (16’), le comédien Jacques Bouanich se met dans la peau du producteur John Houseman (1902-1988), s’adresse à la caméra, dans un bureau reconstitué, et « se remémore » certains aspects du tournage de Lettre d’une inconnue et ses rapports avec Max Ophüls. Librement inspiré des mémoires de John Houseman (Front and Center), publiés en 1979, le procédé et les partis pris de ce petit film mis en scène peuvent agacer car trop pompeux, mais heureusement, l’intérêt est ailleurs. En effet, on en apprend beaucoup sur la relation entre le producteur et Max Ophüls, la mise en scène de ce dernier, tout en écoutant de nombreuses anecdotes de production (le directeur de la photographie, le compositeur, le décorateur), l’adaptation de l’oeuvre de Stefan Zweig (Ophüls trouvait la fin larmoyante), les doutes du réalisateur quant à son propre travail, les rapports avec la censure, la mise en place des plans-séquences (notamment celui de l’opéra), le tout parfois illustré par des photos issues du plateau.

Le module suivant, Triomphe de la passion (24’), propose une analyse filmique du personnage de Lisa, véritable meneuse de jeu de ce mélodrame ophülsien, à travers cet autoportrait de femme dévorée par un amour-passion indestructible, par l’historien du cinéma et critique américain Tag Gallagher. Cette dissection en voix-off de l’oeuvre de Max Ophüls laisse à désirer dans sa première partie, d’autant plus que ce documentaire se compose de nombreux et longs extraits du film. Heureusement, l’analyse tend à s’améliorer et on parvient à en tirer quelques arguments perspicaces sur la mise en scène de Max Ophüls. Tag Gallagher met judicieusement en parallèle Lettre d’une inconnue avec d’autres films du cinéaste, afin de mettre en relief ses thèmes et partis pris récurrents.

L’interactivité se clôt sur une galerie de photos (film, tournage) et les credits du Blu-ray.

Image - 4,5 / 5

En 2003, Wild Side avait édité Lettre d’une inconnue en DVD avec de nombreux suppléments intéressants, dont un commentaire audio. Le chef d’oeuvre de Max Ophüls renaît de ses cendres chez Carlotta. Le nouveau master HD (codec AVC) au format respecté 1.33 et restauré 2K de Lettre d’une inconnue se révèle extrêmement pointilleux en terme de piqué, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés, de stabilité, de clarté et de relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de Max Ophüls, la photo signée par le grand Franz Planer (Vacances romaines, 20 000 lieues sous les mers, Diamants sur canapé) retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé. Seuls petits accrocs constatés : de très légers décrochages sur les fondus enchaînés. Mais c’est ce qu’on appelle chipoter !

Son - 4,5 / 5

Comme pour l’image, le son a subi également un dépoussiérage de premier ordre. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage anglais DTS-HD Master Audio Mono, pas même un souffle parasite ou un craquement. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets, toujours bien distincts, les ambiances présentes. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Carlotta Films

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 30 mars 2023
Le chef-d’œuvre de la période américaine de Max Ophüls envoûte par le remarquable achèvement de sa mise en scène, par la composition de ses cadrages, la fluidité des mouvements de caméra et la beauté de la photographie de Franz Planer. Une ressortie attendue du film, récemment restauré.
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Franck Brissard
Le 22 mars 2014
Pas de commentaire.

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Lettre d'une inconnue
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