Nymphomaniac (2013) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Lars von Trier
Avec Charlotte Gainsbourg, Shia LaBeouf et Stellan Skarsgård

Édité par Potemkine Films

Voir la fiche technique

Avatar Par
Le 09/07/2014
Critique

La folle et poétique histoire du parcours érotique d’une femme, de sa naissance jusqu’à l’âge de 50 ans, racontée par le personnage principal, Joe, qui s’est auto-diagnostiquée nymphomane. Par une froide soirée d’hiver, le vieux et charmant célibataire Seligman découvre Joe dans une ruelle, rouée de coups. Après l’avoir ramenée chez lui, il soigne ses blessures et l’interroge sur sa vie. Seligman écoute intensément Joe lui raconter en huit chapitres successifs le récit de sa vie aux multiples ramifications et facettes, riche en associations et en incidents de parcours.

Depuis ses conneries déblatérées au Festival de Cannes en 2011 pour, selon ses dires, faire de l’humour, Lars von Trier n’a jamais été autant inspiré au cinéma. Après son magnifique Melancholia qui a prouvé que le bougre demeurait l’un des auteurs indispensables de l’histoire du cinéma contemporain, Nymphomaniac, oeuvre scindée en deux parties, en deux volumes plus précisément, permet au réalisateur danois de retrouver Charlotte Gainsbourg pour une troisième collaboration successive.

Si Nymphomaniac n’a pas la force envoûtante et n’émeut pas autant que Melancholia, le spectateur ne peut rester indifférent devant ce diptyque, surtout le deuxième volet nettement plus incisif, inspiré… et surtout plus drôle que n’importe quel autre film du cinéaste.

En revanche, ce qui refroidit avant même que les films démarrent, c’est le frustrant panneau indiquant en introduction que les versions sorties au cinéma - ainsi qu’en DVD pour leur première exploitation - sont les versions courtes et censurées des films originaux de Lars von Trier - deux fois deux heures au lieu des 5h30 initiales - qui ont été finalisées avec l’approbation, mais sans autre implication de ce dernier. Cela se ressent durant la première partie, longue, manquant de souffle, marquée par des dialogues souvent pompeux, qui peinent à nous attacher aux personnages, en particulier celui pourtant impeccablement interprété par le fidèle Stellan Skarsgård.

Charlotte Gainsbourg, qui passe tout le premier film en pyjama avec un bol de soupe, dégoise (en plusieurs chapitres) telle Shéhérazade dans Les Mille et une nuits - dans l’espoir d’une possible rédemption - sur l’enfance puis l’adolescence de son personnage placé sous le signe du sexe, sa version « jeune » étant incarnée par Stacy Martin, révélation du film. Et les scènes s’enchaînent sur un rythme de croisière… Les images sont superbes, il n’y a rien à redire là-dessus, la photo signée Manuel Alberto Claro (Melancholia) subjugue du début à la fin. Si la chair est présente, il manque un supplément d’âme pour parvenir à nous embarquer dans ce voyage sur la sexualité, jamais excitante, mais froide et mécanique.

Malgré les coupes certaines dirigées par le producteur Peter Aalbaek Jensen, le montage demeure fluide et comprend tout de même quelques séquences largement explicites, interprétées par des acteurs porno qui ont doublé les comédiens dits « traditionnels » dont les « performances » ont ensuite été greffées sur les corps de ces derniers. Mais le principal est ailleurs, surtout dans le volume II.

Tout se met littéralement en place dès la première séquence de Nymphomaniac volume II, qui prend le spectateur à la gorge - pour ne pas dire autre chose - jusqu’à la fin. Charlotte Gainsbourg sort enfin de son lit pour faire vivre son propre personnage au-delà de sa version adolescente, et offre une fois de plus une prestation ahurissante, habitée, libre et subjuguante. Lars von Trier aime créer la polémique. On se souvient que les affiches du long-métrage montraient les acteurs principaux en plein orgasme et que le sujet faisait déjà grincer des dents avant même le premier tour de manivelle. Cette fois encore, le réalisateur a su créer le buzz et est parvenu à déjouer les attentes de la critique et des spectateurs puisque après l’exposition de l’inégal premier volet, le deuxième opus dévoile réellement l’enjeu de Nymphomaniac : le portrait d’une femme accro au sexe, en perdition, en souffrance puisqu’elle baise sans plaisir jusqu’à être dépassée par quelque chose d’inattendu : l’amour.

Les deux films se complètent donc tout en étant radicalement différents. Le confident de Joe, Seligman, laisse de côté sa philosophie « lourdingue » et ses métaphores liées à la pêche à la mouche, pour parler « normalement », ce qui créé une empathie qui lui manquait jusqu’à maintenant. Si Uma Thurman retenait l’attention dans le volume I avec une scène tragi-comique, dans le volume II, tout le reste du casting est l’avenant : Shia LaBeouf, toujours impeccable quand il n’est pas « dirigé » par Michael Bay, mais aussi Jamie Bell, glacial et tranchant comme un scalpel, ainsi que Willem Dafoe dans un rôle certes moins marquant, mais tout aussi primordial dans le parcours de Joe. Le récit fleuve prend donc tout son sens à la lecture du volume II, fascinant, choquant, radical, dérangeant, sulfureux, violent, superbe et envoûtant, qui pour le coup revalorise la première partie.

Si on ressortait fatigué du premier opus, on ressort cette fois lessivé par le second, tout en étant conscient d’avoir assisté à quelque chose de grand, de très grand, une expérience sensorielle indispensable.

Présentation - 4,0 / 5

La jaquette reprend le titre typographié Nymph()maniac, écrit noir sur fond blanc. Elle est glissée dans un boîtier digipack classique de couleur noire, lui-même glissé dans un fourreau cartonné. Le menu principal propose de visionner le volume 1 ou le volume 2 et change selon le choix du spectateur. Les deux films, proposés dans leur version censurée, sont donc réunis sur la même galette !

Bonus - 2,5 / 5

L’édition Collector de Nymphomaniac est attendue pour octobre 2014 et comprendra les versions longues et non-censurées des deux films.

En attendant, il faudra se contenter d’entretiens avec Stacy Martin (10’), Shia LaBeouf (9’), Charlotte Gainsbourg (12’), Stellan Skarsgard (11’) et Jørgen Leth, coréalisateur de Five Obstructions avec Lars von Trier, par Philippe Rouyer de Positif et Psychologies Magazine (10’). Les comédiens évoquent la première fois que Lars von Trier (évidemment absent de cette interactivité) leur a parlé de Nymphomaniac, leur réaction à la découverte du scénario, la psychologie des personnages et leur évolution d’un film à l’autre, le tournage des scènes de sexe, les thèmes abordés, le travail avec le réalisateur. Dans son interview (très mal réalisée), Jørgen Leth se penche sur la mise en scène de Lars von Trier, son rapport avec les comédiens et déclare que pour lui les deux volumes de Nymphomaniac s’apparentent à un testament et se dit curieux de savoir ce que le réalisateur danois nous réserve pour la suite.

Image - 4,0 / 5

Pour son passage en Haute Définition, le diptyque de Lars von Trier est proposé en Blu-ray au format 1080i (AVC) ! Cela est d’autant plus flagrant sur les séquences tournées en extérieur, plus particulièrement sur les quelques séquences se déroulant en pleine nature où le relief déçoit ainsi que la colorimétrie qui se révèle assez pâle. La photo sensiblement ouatée et plutôt bien restituée, la clarté est de mise, l’image propre et l’apport HD finalement probant sur quelques plans larges. Cependant, le piqué n’est pas aussi pointu qu’espéré, même sur les plans plus rapprochés, la profondeur de champ manque d’envergure et de mordant, des fourmillements et flous intempestifs s’invitent à la partie, les noirs manquent d’épaisseur et un grain occasionnel reste constatable sur les éclairages tamisés ou les séquences sombres. Curieusement, l’image du volume II s’avère plus nette et un poil plus précise, notamment sur les scènes très éclairées.

Son - 3,5 / 5

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 5.1 peinent à créer une spatialisation autre que musicale. L’ensemble reste focalisé sur les dialogues (abondants) - qui auraient pu être plus relevés sur la centrale - et les enceintes frontales, qui distillent habilement des effets éloquents, à l’instar de la pluie lors de la première séquence. De son côté, le subwoofer exsude ses basses avec économie mais avec ardeur, notamment lors du morceau Führe Mich de Rammstein. Etonnamment, la piste française l’emporte du point de vue ardeur. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale et le changement de langue peut se faire à la volée.

Crédits images : © Potemkine

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm