Aguirre, la colère de Dieu (1972) : le test complet du Blu-ray

Aguirre, der Zorn Gottes

Blu-ray + DVD - Version Restaurée

Réalisé par Werner Herzog
Avec Klaus Kinski, Helena Rojo et Del Negro

Édité par Potemkine Films

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Le 11/12/2014
Critique

En 1560, une troupe de conquistadors espagnols descend de la montagne à la recherche de l’Eldorado. Mais l’équipée s’enlise dans les marais. Une plus petite expédition est alors constituée, placée sous la conduite de Pedro de Ursua et de son second, Lope de Aguirre, qui devra reconnaître l’aval du fleuve sur des radeaux. Aguirre, aventurier ambitieux et brutal, manoeuvre habilement pour proposer à ses compagnons un nouveau chef, le falot Fernando de Guzman, promu solennellement « empereur du Pérou et de l’Eldorado »…

Aguirre, la colère de Dieu est le film qui a fait connaître Werner Herzog dans le monde entier et qui l’a définitivement installé sur la scène du cinéma international. C’est aussi la première collaboration mouvementée entre le réalisateur et le comédien Klaus Kinski, dont les relations à la fois houleuses et passionnelles allaient devenir mythiques au fil de leurs cinq expériences en commun, Aguirre, la colère de Dieu (1972), Nosferatu, fantôme de la nuit (1979), Woyzeck (1979), Fitzcarraldo (1982), Cobra Verde (1987).

Insupportable, hystérique et dangereux sur le plateau, au point d’ailleurs de tirer sur la tente des figurants avec une carabine Winchester, Klaus Kinski menaça un jour de quitter le tournage, déjà bien avancé. Afin de l’obliger à rester, Werner Herzog aurait menacé de mort Kinski en le visant avec un revolver. Une anecdote confirmée par le réalisateur des années plus tard. Il n’empêche que ce premier chef-d’oeuvre demeure réellement hypnotique, à tel point que l’on ressort littéralement en transe d’Aguirre, la colère de Dieu. Outre cette relation conflictuelle et les conditions de tournage extrêmes et périlleuses qui ont éprouvé physiquement, pour ne pas dire aussi mentalement, toute l’équipe, cette expérience sensorielle laisse pantois d’admiration.

Klaus Kinski demeure impérial et son charisme magnétique, jusque dans sa démarche de crabe, électrise de la première à la dernière image. Tourné pour un budget modeste de 360.000 dollars, dans les extraordinaires et grandioses décors naturels du Pérou, l’oeuvre de Werner Herzog happe le spectateur dès la première séquence avec cette descente à flanc de montagne, réalisée sans filets, de plus de 450 figurants. Une sensation d’étouffement nous prend alors à la gorge et ne se relâche jamais. Au contraire, l’emprise se resserre au fil du récit épuré, des scènes qui ne cessent de s’étirer, alors que la forêt amazonienne se referme sur ce microcosme, ces fourmis qui s’agitent, notamment Aguirre lui-même, lieutenant illuminé et mégalomane, qui souhaite s’élever de sa condition humaine et donc mortelle, mais qui doit se plier devant le gigantisme de Dame Nature, qui reprend ses droits sans ménagement.

Magnifiquement photographié par Thomas Mauch, fidèle chef opérateur de Werner Herzog, porté par la composition aérienne de Popol Vuh, Aguirre, la colère de Dieu s’insinue dans nos esprits et la dernière séquence plaçant Aguirre, seul survivant sur ce qui reste de son radeau, de son empire autoproclamé donc, entouré de singes, perdu dans ses délires - mis en relief par un travelling circulaire - n’en finit pas de triturer les méninges, sans doute à jamais. C’est absolument fascinant et furieusement poétique.

Présentation - 3,5 / 5

Le test a été réalisé sur un check-disc. Le menu principal est animé et musical. Nous ne l’avons pas eu entre les mains, mais cette édition comprend également un livret de 120 pages comprenant un entretien de Werner Herzog tiré du livre Manuel de Survie, précédé de Combien de fois dans le même fleuve par Emmanuel Burdeau. Ce combo comprend le DVD et le Blu-ray d’Aguirre, la colère de Dieu.

Bonus - 4,0 / 5

L’historien du cinéma Hervé Aubron présente Aguirre, la colère de Dieu (6’). Notre interlocuteur replace le film dans la carrière de Werner Herzog en revenant également sur les thèmes abordés, les conditions de tournage, l’accueil de ce chef-d’oeuvre qui a largement contribué à faire connaître le cinéaste à travers le monde à sa sortie.

Mené par le journaliste Norman Hill, le commentaire audio de Werner Herzog, disponible en version anglaise sous-titrée en français, s’avère évidemment indispensable pour les cinéphiles passionnés par l’oeuvre du réalisateur. Pendant 1h30, l’échange est dense et informatif. Le metteur en scène en dit long sur les conditions et les lieux de tournage, croise habilement le fond avec la forme, la genèse d’Aguirre, la colère de Dieu, ses multiples confrontations avec Klaus Kinski, le casting, sa collaboration avec son chef opérateur. Le tout sans cesse marqué par de nombreuses anecdotes de tournage à l’instar du pétage de plomb de Klaus Kinski, qui excédé par le bruit de l’équipe dans la tente voisine de la sienne, est sorti en hurlant et en tirant à coup de Winchester à travers la toile… ne tuant personne mais en arrachant quelques doigts ici et là. Il était comme ça Klaus !

Dernières paroles - court métrage (1968, 13’) : Sur l’île grecque de Spinalonga, un vieil homme a longtemps vécu seul. Arraché à son royaume, il refuse dorénavant de parler à quiconque. Les habitants du village témoignent. Ce court-métrage en N&B (magnifique d’ailleurs) basé sur la répétition (volontaire) a été tourné en Crête au moment de la réalisation de Signes de vie. Les témoignages des habitants de l’île sont entrecoupés de musique traditionnelle et le comique naît de la même scène répétée à satiété par les intervenants, notamment deux membres des forces de l’ordre qui s’expriment sur l’arrestation du « vieil homme de l’île ». Comme souvent dans le cinéma d’Herzog, celui que la majorité rejette et déclaré fou, s’avère finalement - grâce au montage et aux répétitions donc - celui qui n’a pas voulu suivre le mouvement de masses pour défendre sa singularité.

Mesures contre les fanatiques - court métrage (1969, 11’) : Les employés d’un hippodrome de Munich témoignent face-caméra sur leur passion des chevaux qui semble leur avoir fait perdre la raison. Grâce au même procédé que Dernières paroles, Mesures contre les fanatiques use du montage et de la répétition pour mettre en relief la folie ordinaire de l’âme humaine. Ce film en couleurs marqué par une musique de carrousel - un manège circulaire donc - est totalement décalé, surtout lors de l’intervention d’un homme qui ne cesse de s’incruster en demandant à la personne interrogée de dégager, persuadé qu’il est le seul à savoir s’occuper des chevaux.

L’éditeur joint également un entretien passionnant avec Pierre-Henri Deleau (22’), co-fondateur et Délégué Général de la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes de 1969 à 1998. Notre interlocuteur dresse un portrait fascinant de Werner Herzog et se penche sur son cinéma fondé selon lui sur « la surréalité ». Pierre-Henri Deleau se souvient de la découverte des Nains aussi ont commencé petits, puis de sa rencontre avec le cinéaste devenu son ami. Les thèmes récurrents de l’oeuvre de Werner Herzog sont finement analysés avec une passion contagieuse, le tout marqué par de sensationnelles anecdotes de tournage.

Image - 4,0 / 5

Le Blu-ray est au format 1080i. Néanmoins, la qualité de ce nouveau et superbe master restauré HD (format respecté 1.33) est plutôt exceptionnelle et le chef d’oeuvre de Werner Herzog renaît littéralement devant nos yeux ébahis. Les contrastes affichent d’emblée une gestion solide, la copie est stable, d’une propreté quasi-immaculée, le piqué souvent impressionnant sur les gros plans et les détails fourmillent surtout sur les costumes et les plans diurnes en extérieur qui sont à couper le souffle. Alors certes, tout n’est pas parfait, quelques flous sporadiques font leur apparition (imputables aux conditions de tournage), une ou deux séquences sont plus altérées, mais ces menus accrocs sont bien trop anecdotiques compte tenu de la clarté, des noirs concis, des blancs scintillants ou éthérés, du grain cinéma respecté, de la colorimétrie qui retrouve une nouvelle fraîcheur et du relief inattendu. Enfin, l’ensemble est consolidé par une compression AVC de haute tenue. Un lifting de premier ordre.

Son - 4,5 / 5

Ce nouveau mixage DTS-HD Master Audio 5.1, frôle la perfection. En effet, à part quelques sensibles saturations dans les aigus, la magnifique partition de Popol Vuh trouve ici un coffre inédit, un nouvel écrin acoustique dynamique et même percutant (les coups de canon, soutenus par le caisson de basses), jamais entaché par un souffle quelconque. Ce mixage éclatant combine la musique et les dialogues avec une fluidité et une ampleur quasi-exemplaires. Les latérales soutiennent solidement l’ensemble et instaurent un vrai confort phonique avec de multiples ambiances naturelles qui participent réellement à la plongée dans le chef-d’oeuvre de Werner Herzog. La piste française Stéréo s’en tire également avec tous les honneurs, bien que plus altérée et moins homogène dans son rendu. Les sous-titres français ne sont pas imposés et le changement de langue non verrouillé à la volée.

Crédits images : © Potemkine

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm
Note du disque
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Franck Brissard
Le 9 décembre 2014
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