Bruno Dumont : 1997 - 2014

Bruno Dumont : 1997 - 2014 (1997) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Bruno Dumont
Avec Marjorie Cottreel, Emmanuel Schotté et Katia Golubeva

Édité par Blaq Out

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Le 10/02/2015
Critique

Le coffret contient tous les films écrits et réalisés par Bruno Dumont pour le grand écran : La Vie de Jésus (1997), L’Humanité (1999), Twentynine Palms (2003), Flandres (2006), Hadewijch (2009), Hors Satan (2011) et Camille Claudel 1915 (2013). Pour avoir son oeuvre complète à ce jour, il faut ajouter P’tit Quinquin, une minisérie policière récemment critiquée sur DVDFr par Franck Brissard.

Bruno Dumont, à 21 ans, après avoir été recalé au concours de l’IDHEC (devenue la Fémis), étudie la philosophie à Lille, qu’il enseigne à Hazebrouck à partir de 1982, avant de revenir au cinéma en réalisant quelques courts métrages et des films institutionnels et publicitaires.

Dès son premier long métrage, La Vie de Jésus, il affiche son particularisme : un scénario épuré, obéissant le plus souvent à la règle des trois unités du théâtre classique - unité d’action, unité de temps et unité de lieu - un récit chronologique, sans flashbacks, le recours à des acteurs non professionnels, une économie de dialogues qui doivent pouvoir s’adapter aux acteurs, des éclairages naturels, des mouvements de caméra très contrôlés.

Le vrai n’est pas visible

Tout cela doit conduire à un cinéma naturaliste. Pourtant, Bruno Dumont entrouvre les portes d’un univers insolite, nous surprend en révélant, au-delà des premières impressions, l’étrangeté de ses personnages : l’homme de Hors Satan n’est pas le simple vagabond des dunes qu’il paraît être… Mais qui est-il vraiment ?

Tout à coup, dans la paisible lenteur du récit, comme un coup de tonnerre dans un ciel sans nuages, la violence éclate. Présente dans presque tous les films, elle n’est jamais étalée, mais fortement ressentie, notamment à travers le regard des personnages, par exemple dans Twentynine Palms ou La Vie de Jésus.

Mieux vaut ressentir que comprendre

Si le scénario et les dialogues sont écrits, ils doivent toutefois se soumettre aux aléas du tournage et aux limites des acteurs. Le cinéaste peut retenir dans le montage final une séquence dans laquelle l’acteur, ayant oublié son texte, reste muet, ou une autre avec une élocution défaillante. L’essentiel, avec ou sans mots, est que le spectateur puisse ressentir ce qui se passe.

Une bonne illustration de cette obsession est donnée avec Camille Claudel 1915 : rarement un film a autant réussi à faire partager la douleur d’un personnage avec une telle économie de mots, grâce aussi au talent de Juliette Binoche.

Ne pas avoir peur de la disgrâce, du laid, de l’obscénité

Les personnages du cinéma de Bruno Dumont sont souvent assez frustres, souvent laids, les hommes particulièrement. Leurs idées sont parfois à l’avenant, comme le racisme rampant qui hante La Vie de Jésus.

Le sexe est montré, sans insistance, mais sans fard ni visées esthétiques, crûment.

Présentation - 5,0 / 5

Blaq Out propose cette intégrale Bruno Dumont dans un solide étui noir. À l’intérieur, sept digipacks, un par film. En couverture, une photo emblématique du film. En page deux, un court texte, propre à chaque film. Mis bout à bout, ces textes résument l’approche toute personnelle de son art par le réalisateur.

Un menu fixe et musical offre, pour chaque film, l’accès à des sous-titres pour malentendants et, parfois, le choix entre deux formats audio : la mono d’origine ou la stéréo (DTS-HD Master Audio 1.0 ou 2.0).

Bonus - 5,0 / 5

Près de sept heures de suppléments, souvent inédits, sans rien à jeter !

Un entretien d’une trentaine de minutes entre Bruno Dumont et Philippe Rouyer, critique à Positif, historien de cinéma et chroniqueur radio et télé, complète chacun des films, à l’exception de Camille Claudel 1915. Ces entretiens, bien conduits, permettent au réalisateur de s’exprimer, en profondeur et avec une grande clarté, sur sa conception du cinéma, avec provocation parfois : « Je ne crois pas au scénario. (…) Je ne dirige pas, je surveille. (…) Moi, c’est le chaos que je préfère. (…) Je crée un environnement et je ne sais pas ce qui va se passer. » Bruno Dumont dit aussi son admiration pour Jean Epstein, dont il a récemment découvert le cinéma, qui a beaucoup de points communs avec le sien. Une invitation à explorer Jean Epstein - Coffret de 14 films édité il y a quelques mois par Potemkine Films.

Ces entretiens facilitent la découverte du cinéma de Bruno Dumont, en révèlent la complexe richesse cachée derrière un apparent dénuement. Le modèle de ce que devrait être tout complément d’un film, exempt de toute la flagornerie promotionnelle qui encombre trop souvent les disques.

Un entretien entre Bruno Dumont, Jean Bréhat et Muriel Merlin (31’), les producteurs du cinéaste (avec Rachid Bouchareb) rappelle le tournage de La Vie de Jésus, les difficultés rencontrées avec les jeunes acteurs…

En complément de Flandres, une fin alternative du film (8’), terriblement plus dramatique que celle finalement retenue. Puis le commentaire audio du film par Bruno Dumont permet de prendre la mesure concrète, images à l’appui, de l’impact de ses choix d’écriture cinématographique. En plus, un documentaire de tournage de 47 minutes montre, à l’occasion du tournage des scènes de guerre en Tunisie, l’aptitude du cinéaste à s’adapter aux circonstances, à faire avec les moyens du bord et à tirer parti des imprévus.

En complément de Twentynine Palms, les projets d’affiches du film et un documentaire de tournage (34’) insiste sur la direction des deux acteurs professionnels, décontenancés par le peu d’indications qui leur étaient données, sur les efforts faits par Bruno Dumont pour éviter qu’ils surjouent.

En supplément de Hadewijch, un documentaire sur le tournage (30’), au cours duquel le réalisateur confie que, « un peu fatigué par la philosophie », il a voulu explorer « le mystique » dans un film où les ors d’un somptueux hôtel particulier du Quai de Bourbon contrastent violemment avec les modestes intérieurs de Bailleul, village natal de Bruno Dumont qui sert de toile de fond à la plupart des autres films. Autre particularité du film : l’importance qu’y prennent les dialogues.

Camille Claudel 1915, tourné à la demande insistante de Juliette Binoche, s’attache à trois jours de la vie de l’artiste dans l’asile d’aliénés où sa famille l’a fait enfermer. Ce film, particulièrement émouvant, est complété par un passionnant Regards sur le tournage (52’ et non 30’ comme indiqué au verso du digipack) montrant la méthode du réalisateur, son approche de la direction d’acteurs, les difficultés du tournage avec des malades mentaux, la bonne idée de faire jouer, avec eux, les infirmières…

Pour clore ce long inventaire, il faut citer Le fracas des pattes de l’araignée (37’) sur le travail du son de Hors Satan. Ce titre paradoxal est révélateur du traitement particulier que Bruno Dumont réserve à la bande sonore. Peu de musique dans ses films, mais une exploitation parfois audacieuse du son. Alors qu’on distingue à peine un personnage courant dans l’arrière-plan, comme dans la première séquence de L’Humanité, on entend parfaitement le bruit de ses pas sur l’herbe et son souffle haletant. Dans Hors Satan, c’est le vent, pourtant faible, qui déchaîne un vrai vacarme. À l’inverse, le son peut être totalement étouffé. Cela participe de la confusion entre le réel et l’irréel, entre le visible et l’invisible qui caractérise le cinéma, selon Bruno Dumont : « Tout ce qu’il montre est faux ! »

Image - 5,0 / 5

Bruno Dumont a opté pour le format 2.35:1 pour tous ses films, à l’exception de Hadewijch. Ce format lui permet, notamment, de donner au paysage la place qu’il souhaite lui assigner. Mais le format large permet aussi à plusieurs personnages de se partager l’écran sans recours à l’alternance champ/contre-champ que le réalisateur dit ne pas aimer.

L’image est, dans l’ensemble, bien définie, sur une grande profondeur de champ. Le transfert sur Blu-ray (1080p, AVC) respecte la texture originale et restitue fidèlement les couleurs des paysages adoucies par la lumière laiteuse des Flandres.

Le grain assez fort qui s’invite dans les scènes de Flandres tournées en Tunisie en 16mm, par souci d’économie, n’est pas si mal venu, en leur donnant des allures d’un reportage sur des événements qui se sont déroulés bien loin de Bailleul.

Son - 4,5 / 5

Le son mono DTS-HD Master Audio 1.0 ou 2.0 est celui de la version originale des films en salle, que le réalisateur dit préférer au remixage stéréo disponible pour Flandres, Hadewijch et Hors Satan.

Que certains dialogues soient un peu confus ne tient pas tant à la prise de son ou à son transfert qu’à d’occasionnels difficultés d’articulation ou achoppements d’acteurs amateurs. Bruno Dumont en a conscience, mais n’y attache pas d’importance dès lors que le spectateur est capable de ressentir la situation.

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 10 février 2015
Avec cette intégrale de son œuvre pour le grand écran, Bruno Dumont entrouvre les portes d’un univers insolite, nous surprend en révélant, au-delà des premières impressions, l’étrangeté de ses personnages. Dans la paisible lenteur du récit, comme un coup de tonnerre dans un ciel sans nuages, la violence éclate.

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