Nymphomaniac (2013) : le test complet du Blu-ray

Director's Cut

Réalisé par Lars von Trier
Avec Charlotte Gainsbourg, Shia LaBeouf et Stellan Skarsgård

Édité par Potemkine Films

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Le 20/01/2015
Critique

La folle et poétique histoire du parcours érotique d’une femme, de sa naissance jusqu’à l’âge de 50 ans, racontée par le personnage principal, Joe, qui s’est auto-diagnostiquée nymphomane. Par une froide soirée d’hiver, le vieux et charmant célibataire Seligman découvre Joe dans une ruelle, rouée de coups. Après l’avoir ramenée chez lui, il soigne ses blessures et l’interroge sur sa vie. Seligman écoute intensément Joe lui raconter en huit chapitres successifs le récit de sa vie aux multiples ramifications et facettes, riche en associations et en incidents de parcours.

Peut-être que la seule différence entre moi et les autres, c’est que j’en demande plus au soleil couchant. Des couleurs plus spectaculaires quand le soleil touche l’horizon. C’est peut-être mon seul péché.

Depuis ses conneries au Festival de Cannes en 2011 pour, selon ses dires, faire de l’humour, Lars von Trier n’a jamais été autant inspiré au cinéma. Après son magnifique Melancholia qui a prouvé que le bougre demeurait l’un des auteurs indispensables de l’histoire du cinéma contemporain, Nymph()maniac, oeuvre scindée en deux parties, en deux volumes plus précisément, permet au réalisateur danois de retrouver Charlotte Gainsbourg pour une troisième collaboration successive.

Exit le frustrant et refroidissant panneau indiquant en introduction que les versions « soft » sorties au cinéma - ainsi qu’en DVD pour leur première exploitation - sont les versions courtes et censurées des films originaux de Lars von Trier qui ont été finalisées avec l’approbation, mais sans autre implication de ce dernier. Nous nous trouvons ici devant LA version originale, interdite aux moins de 18 ans, un montage de 5h15, 25 minutes en plus pour le premier volume, 47 minutes pour le second, à la place des deux fois deux heures exploitées dans les salles.

Si les coupes se ressentaient souvent, surtout durant la première partie, longue, manquant de souffle, marquée par des dialogues souvent pompeux, qui peinaient à nous attacher aux personnages, en particulier celui pourtant impeccablement interprété par le fidèle Stellan Skarsgård, tout est ici plus cohérent (le split-screen à la fin du premier volet), plus dense, plus violent. La discussion philosophique entre Charlotte Gainsbourg et Stellan Skarsgård est plus longue et étoffée.

Disons-le, ceux qui attendent une version « porno » de Nymph()maniac risquent d’être déçus car ce Director’s Cut n’est en rien un film hard. Il y a certes des plans et scènes explicites, tournées par des acteurs porno dont l’anatomie et les « performances » ont ensuite été « greffées » sur les corps des comédiens du film (trucage invisible), mais en aucun cas l’oeuvre originale de Lars Von Trier peut être cataloguée dans le registre pornographique. Les scènes hard sont utilisées à des fins cinématographiques, jamais dans le but d’exciter ou masturbatoire. C’est surtout le second volume qui gagne en séquences remontées (toute la première partie) ou inédites, dont une que nous tairons mais qui s’impose comme étant probablement la scène la plus éprouvante de tout le cinéma de Lars Von Trier. A ne pas mettre devant tous les yeux et âmes sensibles s’abstenir, vraiment, c’est insoutenable. Quoi qu’il en soit voici la véritable version de Nymph()maniac, celle à découvrir, sans se coltiner celle censurée sortie dans les salles.

Charlotte Gainsbourg, qui passe tout le premier film en pyjama avec un bol de soupe, dégoise (en plusieurs chapitres) telle Shéhérazade dans Les Mille et une nuits - dans l’espoir d’une possible rédemption - sur l’enfance puis l’adolescence de son personnage placé sous le signe du sexe, sa version « jeune » étant incarnée par Stacy Martin, révélation du film. Et les scènes s’enchaînent sur un rythme de croisière… Les images sont superbes, il n’y a rien à redire là-dessus, la photo signée Manuel Alberto Claro (Melancholia) subjugue du début à la fin. La chair est présente, le supplément d’âme qui faisait cruellement défaut au montage censuré nous apparaît enfin ici, tout comme le rapport de Joe à la nature qui se déploie enfin réellement.

Tout se met littéralement en place dès la première séquence de Nymph()maniac volume II, qui prend le spectateur à la gorge - pour ne pas dire autre chose - jusqu’à la fin. Charlotte Gainsbourg sort enfin de son lit pour faire vivre son propre personnage au-delà de sa version adolescente, et offre une fois de plus une prestation ahurissante, habitée, libre, noire et subjuguante. Lars von Trier aime créer la polémique. On se souvient que les affiches du long-métrage montraient les acteurs principaux en plein orgasme et que le sujet faisait déjà grincer des dents avant même le premier tour de manivelle. Cette fois encore, le réalisateur a su créer le buzz et est parvenu à déjouer les attentes de la critique et des spectateurs puisqu’après la longue exposition du premier volet, le deuxième opus dévoile réellement l’enjeu de Nymph()maniac : le portrait d’une femme accro au sexe, en perdition, autodestructrice, en souffrance puisqu’elle baise sans plaisir jusqu’à être dépassée par quelque chose d’inattendu : l’amour.

Les deux films se complètent donc tout en étant radicalement différents. Si Uma Thurman retenait l’attention dans le volume I avec une scène tragi-comique, dans le volume II, tout le reste du casting est l’avenant : Shia LaBeouf, toujours impeccable quand il n’est pas « dirigé » par Michael Bay, mais aussi Jamie Bell, glacial et tranchant comme un scalpel, ainsi que Willem Dafoe dans un rôle certes moins marquant, mais tout aussi primordial dans le parcours de Joe. Le récit fleuve prend donc tout son sens à la lecture du volume II, fascinant, choquant, radical, dérangeant, sulfureux, violent, superbe et envoûtant, qui pour le coup revalorise la première partie, pour n’en faire qu’une oeuvre fleuve de plus de 5 heures.

Si on ressortait fatigué du premier montage, on ressort cette fois lessivé par le Director’s Cut, tout en étant conscient d’avoir assisté à quelque chose de grand, de très grand, une expérience sensorielle indispensable.

Présentation - 5,0 / 5

L’édition Blu-ray de Nymphomaniac Director’s Cut nous est livrée au format Digipack. Les couleurs du visuel sont inversées par rapport à celui de l’édition Blu-ray de la version cinéma sortie en 2014 chez le même éditeur Potemkine, écrit blanc sur fond noir avec la mention Director’s Cut en rouge et le nom du réalisateur en gris. Ce digipack comprend cette fois deux disques, un alloué à chaque film, contrairement à l’autre édition où les deux films étaient réunis sur le même Blu-ray. L’ensemble est glissé dans un fourreau cartonné. Les menus principaux sont animés et musicaux.

Bonus - 3,5 / 5

Tout d’abord, Potemkine reprend les entretiens déjà disponibles sur la précédente édition HD de Nymphomaniac : Stacy Martin (10’), Shia LaBeouf (9’), Charlotte Gainsbourg (12’), Stellan Skarsgard (11’) et Jørgen Leth, coréalisateur de Five Obstructions avec Lars von Trier, par Philippe Rouyer de Positif et Psychologies Magazine (10’). Les comédiens évoquent la première fois que Lars von Trier (évidemment absent de cette interactivité) leur a parlé de Nymph()maniac, leur réaction à la découverte du scénario, la psychologie des personnages et leur évolution d’un film à l’autre, le tournage des scènes de sexe, les thèmes abordés, le travail avec le réalisateur. Dans son interview (très mal réalisée), Jørgen Leth se penche sur la mise en scène de Lars von Trier, son rapport avec les comédiens et déclare que pour lui les deux volumes de Nymph()maniac s’apparentent à un testament et se dit curieux de savoir ce que le réalisateur danois nous réserve pour la suite.

Le supplément inédit de cette édition Director’s Cut est un module intitulé Plus c’est long, plus c’est bon ? (27’) qui s’avère un commentaire comparé des deux versions par Philippe Rouyer, à voir évidemment après que vous ayez découvert le montage original du film. Pertinent et passionné, notre interlocuteur revient sur sa découverte du Director’s Cut, met en parallèle les deux montages du film, les changements les plus flagrants et les apports, y compris de LA scène dont tout le monde se souviendra, mais que nous ne dévoilerons pas. Âmes sensibles s’abstenir.

Image - 4,0 / 5

Même si les films se trouvent cette fois répartis sur deux disques, rien ne change, ou presque. Pour son passage en Haute Définition, le diptyque Director’s Cut de Lars von Trier est toujours proposé en Blu-ray au format 1080i (AVC) ! Cela est d’autant plus flagrant sur les séquences tournées en extérieur, plus particulièrement sur les quelques séquences se déroulant en pleine nature où le relief déçoit ainsi que la colorimétrie qui se révèle assez pâle. La photo sensiblement ouatée et plutôt bien restituée, la clarté est de mise, l’image propre et l’apport HD finalement probant sur quelques plans larges.

Cependant, le piqué n’est pas aussi pointu qu’espéré, peut-être un chouia plus ferme que sur la précédente édition, même sur les plans plus rapprochés, la profondeur de champ manque d’envergure et de mordant, des fourmillements et flous intempestifs s’invitent à la partie, les noirs manquent d’épaisseur et un grain occasionnel (la séquence avec Jean-Marc Barr) reste constatable sur les éclairages tamisés ou les séquences sombres. Curieusement, l’image du volume II s’avère plus nette et un poil plus précise, notamment sur les scènes très éclairées. Les textures diverses proviennent des prises de vues effectuées soit avec la caméra Arri Alexa Plus, soit avec l’appareil photo Canon EOS 5D Mark II. Signalons que les intégrations « porno » sur les comédiens sont particulièrement bluffantes.

Son - 3,5 / 5

Exit la version française de l’ancienne édition, nous ne trouvons ici que le mixage anglais DTS-HD Master Audio 5.1 puisque les scènes supplémentaires n’ont jamais été doublées dans la langue de Molière. Ce mixage peine à créer une spatialisation autre que musicale. L’ensemble reste focalisé sur les dialogues (abondants) - qui auraient pu être plus relevés sur la centrale - et les enceintes frontales, qui distillent habilement des effets éloquents, à l’instar de la pluie lors de la première séquence. De son côté, le subwoofer exsude ses basses avec économie mais avec ardeur, notamment lors du morceau Führe Mich de Rammstein. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © Potemkine

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm