Coffret Nagisa Oshima - 9 films (1972) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Nagisa Oshima

Édité par Carlotta Films

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Le 12/05/2015
Critique

Photo La pendaison

Porte-drapeau de la nouvelle vague japonaise aux côtés de Kijû Yoshida, Nagisa Ôshima a commencé à réaliser des films en 1959. Ce coffret propose neuf films tournés de 1961 à 1972, encore inédits sur disque optique en France. Ils sont, par des approches différentes, des protestations du cinéaste contre l’ordre établi.

Les tous premiers films de Nagisa Ôshima ont été produits par les grands studios de la Shochiku, jusqu’à ce que Nuit et brouillard au Japon le confronte à la censure. Il choisit alors, pour s’assurer plus de liberté, de se rapprocher d’une petite structure, ATG (Art Theatre Guild, filiale de Tôhô), spécialisée dans les productions à budget modéré.

Passons très rapidement en revue les neuf films, dans l’ordre chronologique :

Le Piège (1961, 2.35, noir et blanc, 101’, DVD) : à l’été 1945, un parachutiste noir américain, la cheville prise dans un piège, est capturé par les habitants d’un petit village qui le regardent d’abord comme un bête curieuse, puis comme un bouc émissaire, le tenant pour responsable de toutes leurs infortunes. Ôshima souligne l’opposition de deux générations : les adultes ne croient pas à l’annonce de la fin de la guerre qui ne peut être marquée que par la victoire du Japon ; les jeunes sont beaucoup plus circonspects vis-à-vis de l’impérialisme nippon.

Photo Le Piège

Le Journal de Yunbogi (1965, 1.33, noir et blanc, 24’, DVD). Seul documentaire du coffret (parmi les nombreux réalisés par Nagisa Ôshima). En suivant le récit autobiographique d’un jeune Coréen, ce petit film, présenté comme un roman-photo, assemble un stock de clichés pris par le réalisateur lors d’un séjour en Corée en 1965. Dans un style qui rappelle ouvertement La Jetée de Chris Marker, Nagisa Ôshima jette à la figure du spectateur la profonde misère à laquelle tant d’enfants étaient alors condamnés. Impressionnant !

Photo Le journal de Yunbogi

Carnets secrets des Ninjas (1967, 1.33, noir et blanc, 113’, DVD) : au XVIe siècle, soutenus par les pratiquants d’un nouvel art martial aux pouvoirs magiques, le ninjutsu, les paysans se révoltent contre le seigneur de Fushikage. Ôshima adapte ici pour l’écran un célèbre manga. Les images, filmées au banc-titre, avec commentaire, bruitage et accompagnement musical, sont montées en plans très courts, avec quelques travellings latéraux ou avant, simulés par une rapide succession de plans de plus en plus rapprochés. La révolte contre l’ordre établi a dû motiver ce film, pas indispensable.

Photo Carnets secrets des Ninjas

La Pendaison (1968, 1.78, noir et blanc, 118’, Blu-ray) : un jeune Coréen est pendu pour le meurtre et le viol de deux jeunes filles. Problème : il survit à son exécution, mais reprend conscience sans plus savoir qui il est, ni où il est. Peut-il être exécuté s’il n’a plus aucun souvenir des crimes dont il est accusé ? Voilà le point de départ d’un débat philosophique et burlesque entre les officiels présents, le procureur, un médecin, un avocat et un prêtre, où se mêlent des discussions sur la peine de mort, sur le sentiment de culpabilité généré par l’occupation japonaise en Extrême-Orient, sur les Coréens, etc.

Photo La pendaison

Le Journal d’un voleur de Shinjuku (1969, 1.33, noir et blanc et couleurs, 92’, DVD). À Tokyo, dans le quartier de Shinjuku, haut lieu de la culture underground, un étudiant, surpris à voler des livres dans une librairie, est conduit dans le bureau du directeur par une jeune fille, Umeko. Dans la rue, des manifestations contre la guerre du Vietnam, des représentations de théâtre kabuki. Ailleurs, des discussions sur la liberté sexuelle… Filmé par une caméra portée à l’épaule, ce parcours alambiqué, au contenu symbolique, est le moins facilement abordable des films proposés dans le coffret, mais peut-être le plus emblématique de tous ceux réalisés par Nagisa Ôshima dans sa période  » nouvelle vague « .

Photo Le Journal d'un voleur de Shinjuku

Le Petit garçon (1969, 2.35, couleurs, 97’, Blu-ray) : un couple, accompagné de deux enfants gagne sa vie en extorquant de l’argent à des automobilistes qu’ils accusent, faussement, d’avoir renversé et blessé leur fils âgé de 10 ans. Dans ce road movie de facture classique, qui nous emmène d’une île méridionale à l’extrême nord de l’archipel, Nagisa Ôshima s’attaque, comme souvent, à la famille, structure sociale essentielle, ici complètement dysfonctionnelle, dont les membres s’entredéchirent. Les pérégrinations de la famille sont l’occasion de coups d’oeil furtifs et critiques sur le Japon d’alors.

Photo Le Petit garçon

Il est mort après la guerre (1970, 1.33, noir et blanc, 90’, DVD) : un étudiant en cinéma se fait voler sa caméra alors qu’il filmait dans la rue. Il voit, plus tard, le voleur se tuer en tombant d’un toit. La police confisque la caméra qui révélera peut-être la raison d’un apparent suicide. Sur fond de contestation étudiante, ce film (dont titre se réfère à  » la guerre de Tokyo « , une suite d’affrontements urbains dans les années 1969 et 1970) est un autre témoin du cinéma expérimental de Nagisa Ôshima, sur un scénario déstructuré, brouillant les pistes à l’envi.

Photo Il est mort après la guerre

La Cérémonie (1971, 2.35, couleurs, 123’, Blu-ray). Masuo et sa cousine Ritsuko ont reçu un télégramme leur annonçant la mort imminente d’un de leurs proches, Terumichi. Cet argument est un prétexte pour nous faire entrer dans le clan familial Sakurada, composé de quatre générations, avec des liens de filiation incertains (il flotte dans l’air un parfum d’inceste). À l’occasion des mariages ou enterrements et par une série de flashbacks, nous levons un peu le voile sur certains membres de la famille, inféodés à un patriarche despotique. Nagisa Ôshima fait ici de fascinantes variations sur un leitmotiv de son cinéma, la famille, pilier de la société nipponne, sur laquelle il porte un regard caustique. Une grande oeuvre classique.

Photo La Cérémonie

Une petite soeur pour l’été (1972, 1.33, couleurs, 91’, DVD). Nous revoilà plongés dans une autre histoire de famille : Sunaoko, une adolescente tokyoïte, se rend à Okinawa dans l’espoir d’y retrouver Tsuruo, un frère qu’elle n’a jamais vu. Là encore, rien n’est transparent. Sunaoko est très attirée par Tsuruo, ce qui peut poser un sérieux problème s’il est son frère. Mais l’est-il vraiment ? Réalisé peu après la restitution de l’île d’Okinawa au Japon, ce film, léger en apparence, égratigne sérieusement la société nippone.

Cette offre variée, mélangeant cinéma expérimental et films de facture plus classique, permet de découvrir, d’un coup, tout un pan de l’oeuvre de Nagisa Ôshima, dont la connaissance se limite souvent à ses films les plus réputés, L’Empire des sens (1976) et L’Empire de la passion (1978), Furyo (Merry Christmas Mr. Lawrence) (1983) et Max mon amour (1985).

Photo Une petite soeur pour l'été

À noter la qualité de la musique, particulièrement celle des films Le Petit garçon (Hikaru Hayashi) et La Cérémonie (Tôru Takemitsu).

Cette nouvelle édition par Carlotta Films double, d’un seul coup, le nombre de films de Nagisa Ôshima désormais disponibles sur disque optique. L’éditeur avait déjà sorti en 2008 un premier lot, dont La Trilogie de la jeunesse, puis une autre série en 2009.

Présentation - 4,0 / 5

Test effectué sur check discs. Les neuf films sont proposés dans un solide coffret rouge et noir sur 6 DVD. S’y ajoutent 3 Blu-ray pour La Pendaison, Le Petit Garçon et La Cérémonie. Un menu musical au graphisme sobre et harmonisé offre la seule version originale des films avec sous-titres français optionnels.

La Pendaison, Le Petit Garçon et La Cérémonie peuvent être obtenus séparément, mais uniquement sur DVD.

Bonus - 3,5 / 5

Photo Coffret Nagisa Ôshima

Chaque film est présenté par Mathieu Capel, docteur en études cinématographiques, spécialiste du cinéma japonais. Chaque présentation, d’une durée d’environ 5 minutes, insiste essentiellement sur le contexte historique de chaque film. Intéressant, mais on reste sur sa faim, privés d’une analyse un peu plus fouillée de chaque oeuvre.

S’ajoute à cela la bande-annonce des films, en version originale sous-titrée.

Image - 4,0 / 5

Tous les films ont été remasterisés : un sérieux nettoyage a éliminé toute tache et griffure et assuré une bonne stabilité et des contrastes assez fermes.

La définition n’est toutefois pas très poussée (probablement en raison du matériel de tournage) et l’image peut occasionnellement devenir confuse dans certaines scènes en basse lumière où les noirs ont tendance à se boucher.

Son - 4,5 / 5

Le son mono (Dolby Digital 1.0 sur les DVD, DTS-HD Master Audio 1.0 sur les Blu-ray), lui aussi manifestement restauré, est pratiquement exempt de souffle. Les dialogues sont clairs et l’accompagnement musical assez bien mis en valeur, malgré un spectre sonore inévitablement étroit, pauvre en graves.

Photo Il est mort après la guerre

Crédits images : © Ôshima Productions

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 12 mai 2015
Ce précieux coffret, d’un seul coup, double le nombre de films de Nagisa Ôshima disponibles sur disque. Il contient une œuvre majeure, La Cérémonie, des films emblématiques de la nouvelle vague japonaise et la drôle histoire d’un pendu qui s’accroche à la vie.

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