M le maudit (1931) : le test complet du Blu-ray

M

Version intégrale restaurée

Réalisé par Fritz Lang
Avec Peter Lorre, Otto Wernicke et Gustaf Gründgens

Édité par Films sans Frontières

Voir la fiche technique

Avatar Par
Le 08/06/2015
Critique

Photo M le maudit (1931)

Berlin, au début des années 30. Un tueur d’enfants vient de faire une nouvelle victime. La police multiplie alors les rafles dans les bas-fonds. Gênée par toute cette agitation, la pègre décide de retrouver elle-même le criminel…

M le maudit est un de ces rares films inoubliables, oppressants, imprévisibles, qu’on ressent comme un coup de poing dans l’estomac. Un film qui laisse des souvenirs indélébiles, dont deux courtes phrases prononcées par le tueur qui s’imposent à toute évocation du film.

« Du habst aber einen schönen Ball. Wie heißt du denn? »

Parmi les images qui restent gravées dès le premier visionnage, celle, au début du film, de cette affiche promettant une récompense à qui donnerait des informations permettant l’arrestation du tueur, sur laquelle une fillette, Elsie, fait rebondir son ballon et sur laquelle, l’instant d’après, se profile l’ombre d’un homme qui lui dit : « Tu as un bien joli ballon. Comment t’appelles-tu ? » L’autre vision ineffaçable est celle du reflet sur la vitrine d’une coutellerie où l’image des couteaux se superpose d’abord à celle du tueur, puis à celle d’une fillette.

« Aber ich kann nicht! Kann mir nicht entkommen! »

Mais l’empreinte la plus forte est certainement laissée par la peur primale qui se lit sur le visage de Peter Lorre. Animal capturé par une foule qui veut le lyncher, il tente d’expliquer que ce n’est pas lui le tueur, mais cet autre homme qui le suit, qui l’habite probablement, à la volonté duquel il ne peut résister : « Mais je ne peux pas ! Je ne peux pas m’échapper ! ».

Photo M le maudit (1931)

Des sons, également, restent à jamais gravés dans la mémoire : « Elsie ! », l’appel angoissé d’une mère qui résonne dans la cage d’escalier vide filmée en une vertigineuse plongée. Et, bien sûr, le thème du Peer Gynt D’Edvard Grieg, annonçant l’approche du tueur avec variations de rythme et saccades traduisant l’état des pulsions qui l’assaillent.

Le scénario, coécrit par Fritz Lang avec Thea von Harbou, sa compagne d’alors, s’inspire librement de l’affaire de Peter Kürten, un tueur en série arrêté en 1930, qui fut surnommé le « vampire de Düsseldorf ».

M le maudit sera l’avant-dernier film que Fritz Lang tournera en Allemagne qu’il fuira devant la montée en puissance du nazisme. Le Testament du Docteur Mabuse (1933) sera le dernier, suivi de Liliom (1934), tourné en France, puis de Furie (1936), la première oeuvre de sa période américaine. Il ne reviendra en Allemagne qu’en 1959 pour le tournage du diptyque Le Tigre du Bengale et Le Tombeau hindou.

M le maudit a plusieurs dimensions. Celle, anecdotique, d’un film noir, sur la traque du meurtrier, occupant la première partie du récit, filmée et montée avec une grande maîtrise de l’écriture cinématographique.

Cette première partie laisse poindre une seconde dimension, assez cachée, celle des drames causés par la crise économique, révélée dans la séquence de la descente de police dans le dortoir et le réfectoire d’un abri de sans-logis, puis dans celle où le prix des sandwiches affichés à la craie dans une brasserie est réactualisé dans la journée pour rattraper une inflation encore galopante.

Une troisième dimension est l’humanisme qui imprègne, dans la deuxième partie du film, la parodie de procès dans laquelle un « avocat », désigné d’office par le « président du tribunal » (un truand auteur de trois meurtres), s’évertue à plaider que son « client » ne peut être condamné pour des actes qu’il a été poussé à commettre par une force qu’il ne peut maîtriser.

Ce sont ces deux dernières dimensions du film qui lui vaudront d’être banni par le régime hitlérien.

Photo M le maudit (1931)

Édition - 6,5 / 10

Le Blu-ray simple couche, d’une durée de 109 minutes, est présenté à la vente par Films sans Frontières dans le traditionnel boîtier bleu, dans son format originel de 1.20:1, qui était celui des premiers films parlants, l’image devant céder un espace suffisant à la piste sonore. Le menu, animé de quelques courtes séquences emblématiques du film, propose une interactivité limitée au choix des sous-titres : français ou anglais.

Impossible de ne pas se sentir frustré par l’absence de tout supplément, particulièrement pour un film de cette importance. Une seule édition française, celle du coffret M le maudit + Le testament du Docteur Mabuse sorti par Opening en 2003, dans lequel on pouvait trouver le documentaire de Jorge Dana, Fritz Lang, le cercle du destin (55’), puis Image par image, une analyse de M le maudit (40’), un entretien avec Noël Simsolo et Alfred Eibel et un documentaire sur les décors d’Emil Hasler. On trouve beaucoup mieux encore en région A dans l’édition Criterion de 2010, dans laquelle figure, notamment, un entretien sur le film avec Claude Chabrol.

Si l’absence de bonus influe nécessairement notre note, saluons néanmoins l’initiative de Films sans Frontières qui remet dans les bacs, sous les deux formats, Blu-ray et DVD, la copie restaurée du film devenue introuvable.

La restauration de l’image (1.20:1, 1080p, AVC) procure, dans l’ensemble, une excellente définition (on voit, par exemple, tous les détails d’un plan de la ville étalé sur une table ou placardé au mur), mais aussi des contrastes marqués et une bonne finesse du dégradé de gris, dans les scènes de jour comme dans les clairs-obscurs des scènes de nuit. On relève toutefois quelques défauts, taches, rayures ou pompage, assez occasionnels pour ne pas gâcher notre plaisir.

Le son Dolby Digital 2.0 ne s’est pas mis au diapason de la haute définition. Il est cependant d’une qualité d’ensemble plutôt satisfaisante avec une dynamique adéquate pour un film de cet âge et une relative propreté : très peu de craquements se font entendre, mais le souffle, parfois très faible, se fait plus fort à l’occasion. Les voix, toujours clairement audibles, sont trop réverbérées. Signe des temps du début du parlant, les scènes sans dialogues peuvent être muettes.

Photo M le maudit (1931)

Crédits images : © Films Sans Frontières

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
6,5 / 10
Avis

Moyenne

5,0
5
2
4
0
3
0
2
0
1
0

Je donne mon avis !

Avatar
Philippe Gautreau
Le 8 juin 2015
Un des chefs-d’œuvre du début du parlant, une des réalisations majeures de Fritz Lang. À l’intensité poignante du scénario s’ajoute une grande beauté formelle. Un film essentiel qu’on voit et revoit, sans jamais se lasser !
Avatar
Franck Brissard
Le 17 avril 2015
Pas de commentaire.

Lire les avis »

Multimédia
M le maudit
Bande-annonce VOST

Proposer une bande-annonce

Du même auteur
(publicité)

(publicité)