La Théorie des dominos (1977) : le test complet du Blu-ray

Roy Tucker est un homme brisé. Vétéran du Viêt-Nam où il a acquis une adresse incroyable au tir, il a tout perdu de retour à la vie civile, en tuant le mari violent d’Ellie, la femme qu’il aime. Résigné à passer sa vie en prison, la chance semble enfin lui sourire quand un mystérieux représentant du gouvernement lui offre la liberté en échange d’une unique mission, de sa totale collaboration et de son silence absolu. Il embarque pour l’Amérique du Sud avec pour consignes de tuer une figure politique locale importante. Mais sa cible a aussi des ressources insoupçonnées et les choses ne vont pas se passer comme prévu pour le mercenaire, qui va se retrouver malgré lui au coeur d’une conspiration tentaculaire.

Nous sommes manipulés, programmés, endoctrinés, depuis le jour de notre naissance.

Thriller paranoïaque et politique emblématique du cinéma engagé des années 1970, La Théorie des dominos est l’avant-dernier film du réalisateur Stanley Kramer (La Chaîne, Jugement à Nuremberg, Un monde fou, fou, fou, fou, Devine qui vient dîner ?). Porté par un casting prestigieux, Gene Hackman, Richard Widmark, Mickey Rooney, Candice Bergen et Eli Wallach, salué comme l’une des plus belles réussites de Stanley Kramer, La Théorie des dominos est adapté du roman d’Adam Kennedy, The Dominos Principle, publié en 1975. Conspirations, manipulations, secrets d’état, tous les ingrédients du genre sont réunis ici pour notre plus grand plaisir.

Gene Hackman est absolument génial et n’a que peu à faire pour imposer son personnage, vétéran du Vietnam, revenu de tout, emprisonné et contacté par un étrange émissaire, qui lui propose de le faire évader s’il accepte un « contrat », être un pion sur un échiquier, le premier domino que l’on pousse pour faire tomber les autres et arriver à ses fins. S’il refuse, la femme qu’il aime (Candice Bergen) risque bien d’être assassinée. Pris malgré lui dans une machination qui le dépasse - on ne saura rien des véritables commanditaires ni de leur réelle motivation - il devra s’acquitter de la tâche qui lui est confiée (tuer un homme), mais un piège semble se refermer sur lui petit à petit, jusqu’au point de non-retour.

La Théorie des dominos est une des résultantes d’une décennie marquée par les scandales politiques (le Watergate), l’assassinat des frères Kennedy et de Martin Luther King, la guerre du Vietnam. Le traumatisme est encore bien vivace et l’Amérique n’a de cesse de se triturer les méninges sur le pourquoi du comment. Le géant américain s’est révélé être aux pieds d’argiles et tout peut alors s’écrouler du jour au lendemain, surtout que le citoyen lambda, pétri de doutes, soupçonneux, ne croit plus aux pouvoirs imminents de ses dirigeants.

Si Stanley Kramer arrive un peu après la bataille, surtout trois ans après Conversation secrète de Francis Ford Coppola, on ne pourra pas lui reprocher l’efficacité de La Théorie des dominos, oeuvre redoutablement pessimiste, passionnante et complexe qui suit le courant du Nouvel Hollywood. Avec sa mise en scène carrée, sa superbe photographie, le compositeur Billy Goldenberg à la baguette, le film se penche sur la part d’ombre des Etats-Unis, émet une théorie sur le meurtre de JFK, et montre que malgré les années qui passent - on est ici plus de dix ans après l’épisode de Dallas - le pays devra désormais vivre comme s’il se réveillait d’une mauvaise gueule de bois, l’haleine chargée, le mal de tête, avec un souvenir énervant qui trotte d’une oreille à l’autre, en tentant de vivre normalement tout en sachant pertinemment que quelque chose cloche.

À sa sortie, La Théorie des dominos est un échec cinglant, tant critique que public. S’il n’a finalement pas le prestige des Trois jours du Condor, Un crime dans la tête, Les Hommes du Président ou À cause d’un assassinat, ce thriller d’espionnage ne démérite pas et mérite d’être réhabilité.

La Théorie des dominos est édité en combo par Elephant Films, avec un joli fourreau cartonné et un boîtier plastique contenant le Blu-ray et le DVD du film. Le visuel de la jaquette, estampillée  Cinema MasterClass, est vraiment très élégant, tout comme le menu principal, animé et musical.

En plus d’un lot de bandes-annonces, d’une galerie de photos, de liens internet et des credits, nous trouvons une excellente présentation de La Théorie des dominos par Jean-Pierre Dionnet (10’). Producteur, scénariste, journaliste, éditeur de bande dessinée et animateur de télévision, notre interlocuteur se montre plus critique que d’habitude, en soulignant par exemple le côté parfois lourd du cinéma de Stanley Kramer. Les thèmes, mais aussi les personnages, la mise en scène, le réalisateur, le casting, la photo, tout ceci est abordé avec une passion contagieuse !

Le master HD au format 1080p de La Théorie des dominos participe à sa redécouverte. Le cadre affiche d’emblée une propreté remarquable et une restitution incroyable des nombreux gros plans. La stabilité est de mise, les contrastes et la colorimétrie sont raffermis, la clarté convaincante, le piqué aiguisé. Le grain a sans doute été trop lissé à notre goût, mais le transfert demeure impeccable et les séquences sombres s’avèrent aussi riches et détaillées que les scènes diurnes. Une superbe et élégante édition, une élévation HD indispensable.

La Théorie des dominos est disponible en version originale et française DTS Master Audio HD Dual Mono. La première instaure un confort acoustique plaisant avec une délivrance suffisante des dialogues, des effets annexes convaincants et surtout une belle restitution de la musique. La piste française se focalise souvent sur les voix - accompagnées parfois d’écho - au détriment des ambiances environnantes, même si le doublage est particulièrement réussi. Certaines séquences au doublage vraisemblablement perdu ou ayant été coupées pour la sortie française du film, passent automatiquement en version originale sous-titrée en français. Les deux options acoustiques sont propres, efficaces, dépourvues de souffle et dynamiques.

Crédits images : © Elephant Films