Les Désarrois de l'élève Toerless (1966) : le test complet du Blu-ray

Junge Törless, Der

Réalisé par Volker Schlöndorff
Avec Mathieu Carrière et Barbara Steele

Édité par Gaumont

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Le 11/08/2015
Critique

Les Désarrois de l'élève Toerless

Au début du XXème siècle, en Autriche, le jeune Thomas Törless intègre un internat militaire. Durant une nuit, un vol a lieu. Deux élèves, Reiting et Beineberg, démasquent le coupable et menacent de le dénoncer s’il ne satisfait pas leurs désirs. Le pauvre Basini va ainsi subir toutes sortes de sévices, sous l’oeil de Törless, observateur passif mais troublé.

Les Désarrois de l’élève Toerless (Der junge Törless) est le tout premier long métrage de Volker Schlöndorff. Il est aussi l’auteur du scénario, une adaptation du roman écrit en 1906 par Robert Musil. Dans l’entretien en complément du film, le réalisateur dit avoir aussi puisé dans les souvenirs de ses années de pension chez les jésuites à Vannes, où j’usais aussi mes fonds de culotte au même moment.

Un premier film à l’écriture maîtrisée. Rien d’étonnant à cela : Volker Schlöndorff a suivi un sérieux apprentissage. Il fut, de 1961 à 1965, l’assistant de plusieurs réalisateurs, et pas des moindres : d’Alain Resnais pour L’année dernière à Marienbad, de Louis Malle pour Zazie dans le métro, Vie privée, Le Feu follet et Viva Maria, et de Jean-Pierre Melville pour Léon Morin prêtre et Le Doulos.

« Papas Kino ist tot »

« Le cinéma de papa est mort ». C’était le message lancé par le manifeste Oberhausen, signé en 1962 par 26 cinéastes allemands, dont Alexander Kluge et Edgar Reitz, le futur auteur de l’extraordinaire saga Heimat, pour dénoncer la banalité du cinéma allemand des années 50 et du début des années 60, les « années de plomb » qui éludait soigneusement tout ce qui pouvait évoquer la période noire du nazisme. Les Désarrois de l’élève Toerless, avec Anita G. (Abschied von gestern - Anita G.) d’Alexander Kluge, est un des films fondateurs du nouveau cinéma allemand, qui ouvrirent la voie à Werner Herzog et Rainer Werner Fassbinder.

Les Désarrois de l'élève Toerless

« Manque d’assurance, trop rêveur »

C’est ainsi que son père décrit Thomas à Beineberg auquel il demande de veiller sur lui. Comme le jeune Oskar, personnage principal d’un autre chef-d’oeuvre de Volker Schlöndorff, Le Tambour (Die Bleichtrommel, 1979), l’élève Törless, encore innocent, dans une sorte de rituel de passage, à l’intérieur du microcosme d’un collège militaire perdu dans un immense paysage vide, à l’abri de cachettes où peuvent s’exprimer toutes les pulsions, loin du regard des enseignants, observe attentivement ce qui se passe autour de lui, découvre les choses de la vie, le bien et le mal. Cette petite communauté d’élèves, isolée de toute autorité, se soumettant sans broncher aux règles édictées par quelques meneurs, rappelle le film de Peter Brook, Le Seigneur des Mouches (1963).

Dans sa traduction du roman de Musil, Volker Schlöndorff utilise les états d’âme de Törless et son attitude vis-à-vis de la violence comme un moyen d’expliquer ce qu’allait devenir l’Allemagne pendant la montée du nazisme. Comme beaucoup, Törless, finalement troublé, voire écoeuré, s’est contenté d’observer, sans jamais s’opposer vraiment aux humiliations et aux sévices infligés à Basini, simplement parce qu’il était différent, juif, issu d’un milieu modeste,  » un autre  » en somme, dont les élèves, les gens ordinaires, « normaux », pouvaient disposer. À l’instar d’une grande majorité d’Allemands de toutes classes sociales qui, en laissant faire, ont facilité l’accession de Hitler à un pouvoir sans partage.

L’homosexualité, composante importante du roman de Musil, est totalement occultée dans le film. À peine peut-on croire la déceler, furtive, dans une scène où Törless regarde avec admiration Beineberg rouler une cigarette. Volker Schlöndorff dit, dans l’entretien en bonus, n’avoir pas osé braver la censure et le regretter maintenant.

La sombre partition originale avant-gardiste pour orchestre de chambre de Hans Werner Henze (1926-2012), un des grands compositeurs du XXe siècle, vient utilement en contrepoint de l’image.

Les Désarrois de l'élève Toerless

Présentation - 3,0 / 5

Test effectué sur un check disc. Le menu, fixe et muet, offre le choix entre la version originale (avec sous-titres français optionnels) et un doublage en français. Sort simultanément une édition DVD avec le même contenu.

Sous-titres pour malentendants et sous-titres anglais.

Bonus - 5,0 / 5

En plus d’une bande annonce, un documentaire de 35 minutes, Aux sources du mal, donne la parole à Volker Schlöndorff et à Mathieu Carrière. Le réalisateur revient sur ses deux années d’internat à Vannes (qui lui donneront plus tard l’idée de tourner Les Désarrois de l’élève Toerless), ses débuts à Paris comme assistant, sa décision, sur les conseils de Louis Malle, de tourner son premier film en Allemagne, l’achat à New York des droits d’adaptation du roman de Musil que Luchino Visconti briguait également… Mathieu Carrière, dont c’était le premier rôle au cinéma (il n’était apparu, deux ans plus tôt que dans un rôle secondaire) rappelle que, lui aussi, fut pensionnaire dans le même collège de jésuites. Il voyait en Louis Malle, coproducteur du film, « le colonel du cinéma » pour ses capacités d’organisateur.

Volker Schlöndorff rappelle l’essor du nouveau cinéma allemand en réaction contre la frileuse médiocrité du cinéma des années 50/60, son regret d’avoir caché l’homosexualité présente dans le roman, de n’avoir pas eu les moyens de tourner le film en couleurs, l’appel de dernière minute à Barbara Steele pour retourner la scène du premier baiser de Törless…

Image - 5,0 / 5

L’image (1.66:1, noir et blanc, 1080p, AVC) est impeccable, absolument propre, avec des blancs lumineux, des noirs denses et un délicat dégradé de gris.

Une restauration exemplaire !

Son - 5,0 / 5

Le format DTS HD Master Audio 2.0, pour les deux versions, restitue les dialogues avec clarté et donne à la musique une belle ampleur, malgré la relative étroitesse du spectre que la restauration n’aurait pu corriger qu’au prix de manipulations hasardeuses.

Le doublage en français est, dans l’ensemble, de bonne qualité.

Les Désarrois de l'élève Toerless

Crédits images : © Gaumont

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 11 août 2015
Coup d’essai, coup me maître de Volker Schlöndorff pour sa première réalisation, un des films fondateurs du nouveau cinéma allemand. Jusque-là inédit en vidéo, il nous arrive enfin avec, en supplément, les précieux commentaires du réalisateur et de Matthieu Carrière, titulaire du rôle-titre.

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