Le Souffle au coeur (1971) : le test complet du Blu-ray

Laurent, 15 ans, vit à Dijon entre un père gynécologue absorbé par son travail, et sa mère Clara, une belle Italienne. Tandis que ses deux frères aînés vivent leur adolescence sans trop se poser de questions, Laurent, lui, n’accepte pas les préjugés bourgeois et religieux qu’on lui inculque. Cette façade familiale de moralité se fissure quand il découvre que sa mère a un amant. Lorsque le médecin de famille décèle chez Laurent un souffle au coeur, l’épouse volage redevient une mère attentive et protectrice. Elle accompagne son fils en cure. À la faveur de ce voyage, une complicité très forte se noue entre Clara et Laurent.

Le Souffle au coeur a conservé, 45 ans après sa réalisation, sa fraîcheur et sa spontanéité originelles. Il confirme le talent Louis Malle révélé par son premier film, Le Monde du silence, documentaire couronné par la Palme d’Or en 1956, et ses deux premières fictions, Ascenseur pour l’échafaud (1956) et Les Amants (1958).

Louis Malle a attendu d’approcher la quarantaine pour rassembler ses souvenirs d’adolescent dans un scénario et porter Le Souffle au coeur à l’écran en 1971. Sélectionné au Festival de Cannes, il repartit sans un prix en raison, notamment, de l’opposition de Michèle Morgan, présidente du Jury, choquée par la scène d’inceste.

Pourtant, cette scène, traitée avec pudeur, n’est qui épiphénomène dans le récit. Elle suffit, néanmoins à susciter une polémique qui aurait pu conduire à l’interdiction aux moins de 18 ans. Le film échappa à cette forme de condamnation à mort grâce à l’intervention d’André Malraux. Les contestations soulevées par le film suivant, Lacombe Lucien, finiront par inciter Louis Malle à s’exiler aux États-Unis pendant une dizaine d’années jusqu’à ce qu’il revienne en France pour y tourner Au revoir les enfants, salué par de nombreux prix dont le Lion d’Or à Venise.

On imagine sans peine que la révolte de Laurent contre l’ordre établi était celle du jeune Louis Malle. Bien dirigé par le cinéaste, Benoît Ferreux donne une image réaliste du personnage dont il avait exactement l’âge au moment du tournage. Lea Massari est ineffaçable de la mémoire des cinéphiles dans son interprétation de la mère de Laurent. On n’oubliera pas, non plus, Daniel Gélin dans le rôle de son père et la courte prestation de Michael Lonsdale dans la soutane d’un confesseur équivoque.

Comédie douce-amère, Le Souffle au coeur, réalisé avec le soin minutieux auquel tenait tant Louis Malle, n’a pas pris une ride. Il recrée avec réalisme l’ambiance assez légère des années d’après-guerre, au début des trente glorieuses, dans une insouciance pourtant troublée par le tragique dénouement de la guerre d’Indochine à Diên Biên Phù.

Comme souvent dans le cinéma de Louis Malle, le jazz s’invite en contrepoint du récit : Charlie Parker et Dizzy Gillespie prennent ici le relais de Miles Davis qui avait accompagné Ascenseur pour l’échafaud.

Le Souffle au coeur appartient à une vague de 3 films de Louis Malle que Gaumont édite en DVD et Blu-ray. Test effectué sur check disc. Le disque (BD-50) de cette première édition sur Blu-ray est proposé dans le traditionnel boîtier bleu. On retrouve sur le menu fixe et muet le même style graphique que celui de Le Souffle au coeur (également testé) et d’Au revoir les enfants, testé en 2011 par Sabrina Piazzi, complété dans cette édition par un supplément inédit de 31 minutes.

Les formats d’image (1.66:1) et du son mono sont respectés (DTS-HD Master audio 2.0). Sous-titres pour malentendants et sous-titres anglais disponibles pour le film, pas pour le supplément.

En supplément, Portrait de famille (49’, HD), réalisé en 2015 par Dominique Maillet, recueille les souvenirs de Ghislain Uhry, ami d’enfance et collaborateur de Louis Malle (notamment pour la direction artistique de Black Moon et pour les costumes de Viva Maria ! et Le Voleur). Et aussi les souvenirs de Benoît Ferreux, l’interprète de Laurent, de Jean-Claude Laureux et Ricardo Aronovich, respectivement ingénieur du son et directeur de la photo du film. D’une grande densité, complément idéal au film, ce document nous révèle des anecdotes de tournage qui nous éclairent sur les méthodes de travail de Louis Malle, sur ses doutes sur son talent qui pouvaient le pousser à tourner de nombreuses prises d’une même scène : un plan-séquence dans l’établissement thermal aurait été pris… 24 fois !

Le film a été tourné avec une Caméflex 35, souvent choisie par la Nouvelle Vague pour sa légèreté qui procurait l’impression (illusoire d’après le chef op’ Ricardo Aronovich) de pouvoir s’affranchir des contraintes liées au poids des autres caméras. Revers de la médaille : la caméra était si bruyante qu’elle interdisait le son direct. Tous les dialogues ont donc été postsynchronisés.

Un modèle de bonus !

L’image (1.66:1, 1080p, AVC), parfaitement nettoyée sans recours à un réducteur de bruit, conserve la texture argentique originelle au prix d’une certaine douceur et d’un léger fourmillement occasionnel, parfaitement acceptables.

Dans le supplément, le directeur de la photographie atteste que l’étalonnage respecte le choix de couleurs plus froides dans la première partie du film tournée à Dijon, légèrement plus chaudes dans la seconde partie, tournée à Saint-Honoré-les-Bains, dans la Nièvre. Les contrastes sont impeccables.

Le son DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, exempt du moindre souffle, assure aux dialogues et à l’accompagnement musical une parfaite clarté, sans aucune saturation.

Crédits images : © 1971 Nouvelles Editions de Films NEF / Marianne Productions (France) / Cristaldifilms (Italie) / Franz Seitz Filmproduktion (Allemagne) - Collection Musée Gaumont