Réalisé par Shôhei Imamura
Avec
Shôichi Ozawa, Sumiko Sakamoto et Ganjirô Nakamura
Édité par Elephant Films
Ogata, un tantinet obnubilé par le sexe, joint l’utile à l’agréable : il tourne des petits films pornographiques en 8 mm commandés par ses clients dont les goûts lui semblent devenir de plus en plus bizarres. Les choses se compliquent encore quand les yakuzas s’intéressent à son commerce. Ogata aime sa femme, mais encore un peu plus Keiko, sa belle-fille… sous l’oeil réprobateur du père de celle-ci, réincarné en carpe ! N’existerait-il pas une voie plus simple pour l’assouvissement de son appétit sexuel ?
Le Pornographe, réalisé par Shôhei Immamura en 1966, a un seul fil conducteur, usuel dans le cinéma nippon : le sexe. Avec ici une variante revenant comme un leitmotiv, l’inceste, qui hantait déjà La Femme insecte, réalisé trois ans plus tôt. Le Pornographe ne montre pourtant aucune image érotique, à peine quelques furtives images de nudité partielle, plus suggérée que dévoilée.
Shôhei Imamura affiche avec Le Pornographe, encore mieux qu’avec ses films précédents, sa maîtrise du format cinémascope : dans des plans larges, il fait entrer ensemble dans le cadre de nombreux personnages. À l’opposé, un seul peut paraître confiné dans le cadre, comme écrasé par le manque de hauteur. Dans des cadres toujours construits, les personnages sont souvent montrés dans des intérieurs, au travers de vitrages qui reflètent l’extérieur, quand leur image n’est pas renvoyée par un miroir.
Si l’on retrouve dans Le Pornographe l’humour caustique et la dérision grinçante qui imprégnaient ses autres films, Shôhei Imamura y a ajouté une dimension surréaliste qui culmine avec l’invention finale de la femme idéale, le robot peaufiné au terme de cinq ans d’une active réclusion.
Une approche très originale du thème de la « femme créée » souvent exploité par le cinéma depuis le Metropolis de Fritz Lang (1927), notamment par Une Créature de rêve (Weird Science, 1985), par Simone (S1m0ne, 2002)… La femme idéale pourra même être prosaïquement réduite à l’état d’une simple poupée gonflable, comme celle de Michel Piccoli dans Grandeur nature de Luis García Berlanga (1974).
Les deux disques de l’édition combo Blu-ray + DVD du film Le Pornographe sont présentés dans un boîtier Blu-ray de 11 mm dans le style de la Collection : Cinéma MasterClass d’Elephant Films, riche de près d’une centaine de titres trois ans après sa création, en décembre 2012. Aux couleurs de la collection, un menu animé et musical propose le film (128’) dans sa seule version originale avec sous-titres optionnels.
Tourné en 1966, Le Pornographe est sorti dans la Collection : Cinéma MasterClass avec deux autres films réalisés par Shôhei Imamura dans les années 1960, Cochons et cuirassés (1961) et La Femme insecte (1963), tous inédits en France.
En supplément, commun à ces trois éditions, Imamura : le libre-penseur (60’), un documentaire de Paulo Rocha en 1995 pour une diffusion dans l’émission de Janine Bazin et André Labarthe Cinéma de notre temps. Il dresse, par une suite de conversations à bâtons rompus et d’extraits de films, un portrait impressionniste du réalisateur qui fut, aux côtés de Nagisa Oshima, Masahiro Shinoda et Yoshishige Yoshida, un des porte-drapeaux de la Nouvelle vague japonaise, avant de remporter deux fois la Palme d’or, en 1983, pour La Ballade de Narayama (épuisé, qu’il serait urgent de rééditer) et, en 1997, pour L’Anguille.
Toujours en complément commun aux trois titres, un livret de 12 pages contenant deux notices biographiques insistant sur la jeunesse dissipée du réalisateur et une courte analyse (+ fiche technique) des trois films.
Suit une présentation du film (15’) par Stephen Sarrazin, enseignant spécialisé dans le cinéma japonais et Julien Sévéon, qui fut le rédacteur en chef du magazine Mad Asia, l’ex-hors-série de Mad Movies. Ils nous disent qu’au vu des faibles recettes de ses précédents films, Shôhei Imamura a dû créer sa propre société de production pour financer le tournage du film, mais en obtenant la participation de la firme Nikkatsu, jusque-là sa seule maison de production.
Pour finir, galerie de photos et bandes annonces.
L’image (2.35:1, 1080p, AVC) en noir et blanc a été débarrassée des principaux défauts dus à son âge, taches et pompage. Elle est bien contrastée, avec des noirs assez denses mais qui tendent à se boucher dans les scènes sombres.
Le son DTS-HD Master Audio est propre, avec un souffle très discret, parfois imperceptible. Un spectre plutôt ouvert pour un film de cet âge, assure une bonne restitution des dialogues et de l’accompagnement musical, mises à part quelques saturations.
Crédits images : © Imamura Productions, Nikkatsu