Réalisé par Christian-Jaque
Avec
Harry Baur, Raymond Rouleau et Renée Faure
Édité par Pathé
Le soir du 24 décembre, dans un petit village de Savoie enfoui sous la neige, le bon père Cornusse, fabricant de globes terrestres, s’apprête à jouer comme chaque année le rôle du père Noël, tandis que Catherine, sa fille, rêve d’un prince charmant en cousant des robes de poupées. Le mystérieux retour au château du baron Roland alimente quant à lui bien des conversations. Puis, un homme en habit de Père Noël est retrouvé mort…
Tournée en pleine période de l’Occupation, cette adaptation du fascinant roman de Pierre Véry mêle mystère et poésie. Sur les dialogues de Charles Spaak (La Fin du jour, La Grande illusion), l’immense Harry Baur (Les Misérables, Poil de carotte) interprète le père Cornusse, qui depuis des lustres revêt la panoplie du Père Noël le 25 décembre. Sensible et touchant, Harry Baur est magnifique dans la peau de cet artisan-ébéniste dont la spécialité demeure les mappemondes, qui garde auprès de lui sa fille Catherine, jeune femme à la santé très fragile. Tout le petit village recouvert de neige est en émoi le jour où un intrigant jeune baron fait son retour imprévu après un tour du monde de plusieurs années. Froid, austère, la main droite étrangement recouverte d’un gant de cuir, il semble en vouloir à quelques habitants en particulier.
A l’instar des Les Disparus de Saint-Agil, Christian-Jaque instaure un climat singulier, entre féerie, cauchemar éveillé et surprenante intrigue policière. L’Assassinat du Père Noël ressemble à une boule à neige que l’on secoue, dont on admire le paysage et les moindres détails dans le petit globe. A ce titre, les décors de Guy de Gastyne flattent constamment les mirettes, la photographie d’Armand Thirard (Les Diaboliques, Le Salaire de la peur, Quai des Orfèvres) donne au film un aspect quasi-fantastique. Une pléiade de comédiens et surtout de « gueules » du cinéma de l’époque épaulent Harry Baur. C’est le cas de Raymond Rouleau, Renée Faure, Fernand Ledoux et même Bernard Blier dans un petit rôle de brigadier de gendarmerie.
Du point de vue historique, L’Assassinat du Père Noël est le premier long métrage réalisé par un cinéaste français pour la firme allemande Continental-Films. Cette société de production cinématographique française créée en 1940 par Joseph Goebbels fut financée par des capitaux allemands durant l’Occupation. Jusqu’à la Libération, certains grands classiques et chefs-d’oeuvre seront issus de cette maison de production comme La Main du diable de Maurice Tourneur et Le Corbeau d’Henri-Georges Clouzot. Cependant, malgré ces conditions, L’Assassinat du Père Noël n’est pas une oeuvre de propagande Allemande, mais plutôt un désir d’évasion sur un sujet néanmoins grave, où se mêle poésie, intrigue policière, l’innocence des enfants, avec une réelle virtuosité.
Cependant, à bien y réfléchir et en décodant certains dialogues, il n’est pas interdit d’y apercevoir quelques métaphores sur la situation du pays, meurtri, blessé, qui finira bien par guérir (voir la maladie de l’enfant alité), tout comme celle de la princesse qui sera bientôt sauvée par un héros attendu.
Le Blu-ray et le DVD de L’Assassinat du Père Noël reposent dans un superbe Digipack dans la collection Version restaurée par Pathé, glissé dans un fourreau cartonné du plus bel effet. Le menu principal est très élégant, animé et musical.
A l’occasion de la sortie de L’Assassinat du Père Noël en Haute Définition, Pathé nous propose un petit tour passionnant dans les coulisses des Laboratoires Eclair (20’). Les responsables des chefs de projets patrimoine, de la restauration numérique de l’image et du son, nous exposent les différents stades nécessaires à la résurrection des oeuvres, y compris des Les Disparus de Saint-Agil et de Goupi Mains Rouges. Signalons que ce documentaire est le même présent sur les éditions HD pour les trois films mentionnés.
S’ensuit une conversation (10’) avec Jean-Pierre Bertin-Maghit, historien et professeur d’études cinématographiques à Sorbonne Nouvelle Paris III, Noël Véry, fils du romancier Pierre Véry et Eric Le Roy, chef de service aux Archives françaises du film du CNC. Nos trois interlocuteurs replacent le film de Christian-Jaque dans la filmographie du réalisateur, mais aussi dans son contexte historique puisque L’Assassinat du Père Noël a été produit par la société allemande Continental.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
Difficile de faire mieux que cette restauration 2K réalisée par Pathé en 2015 ! Fort d’un master au format 1.33 respecté et d’une compression solide comme un roc, ce Blu-ray en met plein les yeux dès l’introduction avec une définition étincelante du N&B qui laisse souvent pantois. Les contrastes sont d’une densité impressionnante, les noirs profonds, les blancs lumineux et le grain original préservé. En dehors d’une ou deux séquences peut-être moins définies, cela demeure franchement anecdotique car les très nombreuses séquences sombres sont tout aussi soignées que les scènes plus claires, le piqué est tranchant, la stabilité de mise, les détails étonnent par leur précision et la profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de Christian-Jaque et la photo du chef opérateur Armand Thirard. On ne peut qu’applaudir devant la beauté de la copie !
L’éditeur est aux petits soins avec le film de Christian-Jaque puisque la piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. Si quelques saturations demeurent inévitables surtout sur les quelques dialogues aigus, l’écoute se révèle fluide, limpide et surtout saisissante. Aucun craquement ou souffle intempestifs ne viennent perturber l’oreille des spectateurs, la musique d’Henry Verdun (Les Disparus de Saint-Agil) est admirablement restituée et les échanges sont clairs. Les sous-titres destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.
Les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiovision.
Crédits images : © Pathé