Sicario (2015) : le test complet du Blu-ray

La zone frontalière entre les USA et le Mexique est devenue un territoire de non-droit. Kate, une jeune recrue du FBI, est désignée pour suivre un groupe d’intervention du gouvernement dans une opération contre le trafic de drogues.

Le scénario de Sicario suit chronologiquement l’action qui tient dans un laps de temps réduit. Un commando américain sous les ordres de Matt Graver se joint aux forces locales de police pour exfiltrer un baron de la drogue de Juárez vers les USA. Deux personnages participent à l’aventure : Kate Pacer chargée par le FBI d’attester, si besoin était, que tout s’est déroulé dans le respect des procédures,  » by the book « , et Alejandro, ex-procureur mexicain, officiellement présenté comme un  » consultant « .

Sicario exploite le thème rebattu de la guerre contre les cartels de la drogue, mais avec une extraordinaire efficacité. Scénario et prises de vue et montage entretiennent une tension sans répit. Les scènes d’action, chorégraphiées avec précision, s’enchaînent à un bon rythme les unes derrière les autres, soutenues par la musique efficace de Jóhann Jóhannsson qui signa auparavant la partition d’un autre film de Denis Villeneuve, Prisoners. On est dans le bain dès la première scène, brutale et inattendue.

Film d’action inspiré de faits divers, Sicario donne aussi une vision réaliste, quasi-documentaire, du sujet, magnifiquement capturée par le chef opérateur Roger Deakins dans le désert du Nouveau Mexique et dans le Mexico suburbain (Juárez était trop dangereux, nous dit-on dans les suppléments).

Sicario ajoute une autre dimension en opposant deux approches de la lutte contre la criminalité. Celle, respectueuse des lois et des procédures, qu’attendait Kate. Et celle, privilégiant l’efficacité, mise en oeuvre par Matt et Alejandro. Kate ne peut qu’observer les dérives et sera entraînée, impuissante, dans l’équipée sauvage du commando sans états d’âme, pour qui la fin justifie les moyens, tous les moyens.

Le personnage d’Alejandro est tenu par Benicio Del Toro, plus sombre que jamais, imprévisible, et celui de Kate par Emily Blunt, ici dans un de ses meilleurs emplois, tous deux efficacement dirigés.

Une belle réussite de Denis Villeneuve après Polytechnique (2009) et trois films testés pour vous : Incendies (2011), Prisoners et Enemy (2013). L’infatigable Québécois s’affaire aujourd’hui à la postproduction d’un film de science-fiction, Story of Your Life.

Sicario, d’une durée de 121 minutes, tient sur un Blu-ray BD-50 présenté dans un boîtier SteelBook (non fourni pour le test effectué sur un check disc) avec une sérigraphie de l’affiche du film. Le menu animé et musical propose le choix entre version originale, avec sous-titres optionnels, et doublage en français, les deux au format DTS-HD Master Audio 5.1.

Piste d’audiodescription et sous-titres pour malentendants également présents.

Cinq suppléments, d’une durée cumulée de près d’une heure :

Entretien avec Denis Villeneuve (12’) Le réalisateur dit, en français, avoir été attiré vers le scénario par la confrontation des points de vue de Kate et Alejandro, le dernier inspiré par un personnage réel. Il a toutefois souhaité retarder la découverte des raisons qui le poussent à agir. Il dit consacrer beaucoup de temps à la préparation du tournage, ce qui lui donne plus de liberté sur le plateau. Il loue le talent du chef op’ Roger Deakins avec lequel il avait déjà collaboré pour Prisoners, et rappelle les dures conditions de tournage en plein été avec d’impressionnants orages qui ont contribué à créer l’ambiance du film. Il apprécie la musique dure et brutale de Jóhann Jóhannsson. Il dit se sentir à l’aise aux USA, tout en souhaitant garder une distance vis-à-vis de certaines des valeurs américaines, ce qui doit se ressentir dans le film.

L’aspect visuel (17’). Denis Villeneuve, en anglais cette fois, considère que le cinéma est un magnifique outil pour explorer la complexité du monde. Sicario, sorte de voyage au fond des ténèbres, montre jusqu’où on peut aller pour protéger la société. Il a voulu s’assurer que le film serait aussi réaliste que possible en tournant au Nouveau Mexique, en bordure de la frontière avec le Mexique,  » à un jet de frisbee du chaos (…) d’une terre de loups « . Impossible de tourner à Juárez, trop violent : les scènes urbaines ont été filmées dans un quartier de Mexico City.

Les personnages (14’), le supplément le moins intéressant, se limite à une esquisse des trois personnages principaux.

Les origines (8’) : ce supplément, notamment grâce à l’intervention de deux journalistes, brosse un rapide tableau de la puissance des cartels avant la guerre que leur a déclaré le gouvernement mexicain en 2007 et 2012 : cadavres mutilés exposés dans les rues pour intimider la concurrence, menaces de mort adressées aux forces de l’ordre, enlèvements de jeunes filles pour compenser par le commerce du sexe la baisse du chiffre d’affaires sur la drogue, corruption de la police…

La musique : le pouls du désert (6’) : inquiétante,  » comme une menace sortant de la terre  » selon Denis Villeneuve, elle a été composée par Jóhann Jóhannsson, une fois le film monté. Le leitmotiv de trois notes descendantes, séparées d’un, puis de deux demi-tons, est lancinant.

Pour finir, les bandes annonces (en VO ou VF, au choix) de Régression, American Ultra, La Sentinelle, Hors de portée et Dangerous People.

L’image (2.35:1, 1080p, AVC) a une excellente définition qui assure une lisibilité de tous les détails des arrière-plans (y compris de celui, horrifique, où pendent des cadavres mutilés attachés par les pieds au tablier d’un pont). Les couleurs, parfaitement étalonnées, reproduisent finement les nuances beiges et vert amande du désert. Les contrastes sont fermes avec des noirs profonds.

Le format DTS-HD Master Audio 5.1 (le 7.1 de l’édition US n’a pas tenté la traversée vers l’Europe) assure, dans la version originale comme dans le doublage, permet aux dialogues de se détacher clairement. Ceux du doublage sont cependant trop mats et placés trop en avant.. Les voies gauches et droites, bien séparées à l’avant et sur les voies surround, donnent une belle profondeur à l’image sonore et une sensation cohérente d’immersion.

Crédits images : © Metropolitan Films