La Dernière caravane (1956) : le test complet du Blu-ray

Todd, un blanc avec du sang comanche, recherché pour le meurtre de trois hommes, est capturé par un sheriff. Les deux rencontrent une caravane de colons en route pour Tucson. Une attaque nocturne de guerriers apaches ne laissera que sept survivants : six des enfants et Todd.

La Dernière caravane (The Last Wagon, 1956) est un des grands westerns que Delmer Daves réalisa en une dizaine d’années, de La Flèche brisée (Broken Arrow, 1950) à La Colline des potences (The Hanging Tree, 1959). Frappé par un infarctus en plein tournage de ce dernier film, il fut contraint d’abandonner le western, son genre préféré, pour se consacrer à des drames ou des romances au tournage physiquement moins éprouvant.

Les premières dix minutes de La Dernière caravane, pratiquement sans dialogues (Todd le Comanche ne desserre pas les lèvres et les hommes à sa poursuite n’ont que quatre ou cinq courtes répliques), montrent à elles seules l’extraordinaire talent de Delmer Daves. Oak Tree Canyon n’a jamais été aussi spectaculairement photographié. Les mouvements de caméra, les cadrages en cinémascope et le montage donnent à la chasse à l’homme une tension dramatique qui ne se relâche jamais.

En contrepoint de l’action, parfaitement mise en scène en extérieur, racontant la survie de femmes et d’enfants sans armes et sans nourriture, perdus, loin de tout refuge, dans un territoire hostile occupé par des Apaches sur le sentier de la guerre, La Dernière caravane est aussi, comme les autres westerns de Delmer Daves, qui a participé à l’écriture du scénario, un plaidoyer contre le racisme et les préjugés : le meurtrier au sang mêlé sera le sauveur des orphelins, alors que le sheriff, gardien de la justice, est la pire des brutes.

Richard Widmark réussit à donner au personnage de Todd, mi-ange, mi-démon, une réelle épaisseur, malgré l’économie de dialogues. Il est solidement secondé par bon groupe d’acteurs : trois jolies femmes, Stephanie Griffin (ce fut sa seule apparition au cinéma), Susan Kohner, au début d’une carrière, principalement sur les écrans de télévision, mais qu’on reverra au cinéma dans Le Mirage de la vie de Douglas Sirk (Imitation of Life, 1959) et Felicia Farr que Delmer Daves réemploiera dans ses deux prochains westerns, L’Homme de nulle part (Jubal, 1956) et 3H10 pour Yuma (1957). Il faut citer la performance de George Mathews, l’horrible sheriff. Et on reconnaîtra Tommy Rettig, le jeune héros de l’excellent film de Roy Rowland, Les 5000 doigts du Dr. T et dont la série Les Aventures de Lassie allait faire une vedette à partir de 1957.

Sans la fin, un peu trop dégoulinante de bons sentiments, La Grande caravane, ferait jeu égal avec les meilleurs westerns de Delmer Daves, La Flèche brisée, 3H10 pour Yuma et La Colline des potences.

La Dernière caravane (98’) tient sur un Blu-ray double-couche, présenté dans un boîtier bleu de 11 mm, glissé dans un fourreau aux couleurs des autres titres de la collection de Sidonis Calysta Western de légende.

Le menu animé et musical propose le film en version originale, avec sous-titres imposés, et un doublage en français, les deux au format DTS-HD Master Audio 2.0.

On retrouve sur cette première édition Blu-ray les deux suppléments du DVD sorti en 2010 :

Présentation par Bertrand Tavernier (27’). Le cinéaste, grand amateur de westerns, confie que La Dernière caravane fut un de ses chocs d’adolescence qu’il voit encore comme un des meilleurs westerns. Il va jusqu’à dire en admirer la fin. Il évoque des conversations avec Delmer Daves qu’il a rencontré à quelques reprises et souligne la contribution importante au film des personnages féminins pour défendre la morale et, aussi, braver les interdits.

Suit une présentation de Patrick Brion (15’). Il tient Delmer Daves pour un des meilleurs réalisateurs de westerns avec John Ford, Budd Boetticher, Raoul Walsh et William A. Wellman. Dans une rapide revue de ses huit westerns, il souligne le passage d’un certain romantisme à une croissante âpreté.

L’image (2.35:1, 1080p, AVC) frise la perfection. Un excellent piqué permet de distinguer tout le détail des arrière-plans, tout en préservant la texture argentique. Lumineuse, solidement contrastée, y compris dans les scènes de nuit, avec une riche palette de couleurs, elle restitue délicatement les tons de peau. Cela vaudrait la note maximale si quelques occasionnelles petites taches n’avaient pas échappé à la restauration.

Le son DTS-HD Master Audio 2.0, lui aussi soigneusement restauré, donne à la musique une belle ampleur, avec très peu de saturations. Certains bruitages ont manifestement été réenregistrés, notamment les coups de feu tirés par les winchesters. Difficile de faire mieux.

La version originale est à préférer au doublage en français : ridiculement théâtral, il étouffe l’accompagnement musical, rétrécit son spectre et place les dialogues beaucoup trop en avant.

Crédits images : © Sidonis Calysta