Réalisé par Jack Clayton
Avec
Deborah Kerr, Peter Wyngarde et Megs Jenkins
Édité par Potemkine Films
Angleterre, à la fin du XIXe siècle. Miss Giddens est engagée pour assurer l’éducation de deux orphelins, Flora et Miles. Les enfants, charmants au premier abord, manifestent bientôt un comportement étrange. Miss Giddens découvre que la maison fut le théâtre d’une relation malsaine entre l’intendant Peter Quint et la précédente gouvernante, Miss Jessel, tous deux mystérieusement décédés.
Les nouvelles de Henry James ont inspiré de nombreux scénaristes et réalisateurs. The Turn of the Screw (le tour d’écrou), l’une des plus connues, a été adaptée pour l’écran une bonne vingtaine de fois, sans compter les réalisations qui, sans avouer leur filiation, ont ouvertement repris le même schéma comme Les Autres (Alejandro Amenábar, 2001).
Les Innocents, réalisé en 1961, est la lecture qu’en ont faite Truman Capote (à partir de l’adaptation pour le théâtre par William Archibald) et Jack Clayton. Elle entretient l’ambiguïté de l’oeuvre originale : la maison est-elle hantée par l’esprit des deux morts ou les phénomènes étranges sont-ils seulement le fruit de l’imagination de la gouvernante ?
Il est évident, dès la première scène, que Miss Giddens, fille d’un pasteur, sa sexualité étouffée, ne connaissant rien de la vie (la garde des enfants est son premier emploi), est influençable et très peu sûre d’elle. Cela est confirmé, peu après son arrivée dans le manoir quand, inquiétée par un bruit que n’a pas entendu Flora, elle se résigne à admettre que » parfois, on ne peut s’empêcher d’imaginer des choses « .
Ce qui rend Les Innocents inoubliable, c’est qu’il réussit à installer un climat angoissant sans contenir la moindre image choquante. Les » fantômes » des serviteurs n’apparaissent que très brièvement et seulement au loin, à l’unique exception du visage de Peter Quint derrière une fenêtre, pendant une nuit d’orage. Si quelques bruits inquiétants se font entendre dans la maison (ou dans la tête de Miss Giddens), on nous évite toutes les grosses ficelles à trois sous qui font sursauter. Le silence de la grande demeure victorienne n’est troublé que par quelques craquements de la charpente, par le sifflement du vent, le crépitement de la pluie et l’envoûtant accompagnement musical composé par Georges Auric.
C’est cette réserve et le choix du noir et blanc qui font de Les Innocents un film à part dans le cinéma gothique du Royaume Uni, dans ces années de gloire des Hammer Films.
Les Innocents doit aussi beaucoup à l’interprétation de Deborah Kerr et à la photo de Freddie Francis qui venait de recevoir en 1960 l’Oscar de la meilleure photographie en noir et blanc pour Sons and Lovers de Jack Cardiff, toujours absent de nos bacs.
Potemkine Films/agnès B. propose Les Innocents dans une édition combo avec Blu-ray + DVD (boîtier Blu-ray et livret, non fournis pour le test). Un beau menu animé et musical propose le film (100’) dans sa seule version originale, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono.
Présentation de Nicolas Saada (9’). Après avoir rappelé que l’adaptation de Truman Capote n’a pas retenu l’option du roman de faire raconter l’histoire par un narrateur, Nicolas Saada passe rapidement en revue d’autres films de Jack Clayton : Les Chemins de la haute ville (Room at the Top, 1959) et Gatsby le magnifique (1974, avec Robert Redford et Mia Farrow) et deux autres films moins connus, The Pumpkin Eater (1964) et Chaque soir à neuf heures (Our Mother’s House, 1967). Il souligne également l’apport de la photo de Freddie Francis, avec des contrastes accentués et des contre-jours.
Suit un Entretien avec Jean-Pierre Maugrette (21’), plus intéressant. Il rappelle que The Turn of the Screw fut initialement publié, sous forme de feuilleton, comme un conte de Noël, alors que Clayton transpose l’action en plein été. Il voit dans la réalisation une influence néo-gothique (déjà présente dans le Rebecca d’Alfred Hitchcock en 1940) faisant de la nouvelle de Henry James un conte de fées assez noir, à l’opposé des histoires où une gouvernante vient mettre de l’ordre dans la maison, comme le fait Julie Andrews dans Mary Poppins ou La Mélodie du bonheur (The Sound of Music, 1965). Par la projection de ses propres fantasmes nourris par des troubles sexuels, que le film a choisi d’estomper, Miss Giddens sème en réalité le désordre.
Pour finir, une découverte, un moyen métrage, The Bespoke Overcoat (1956, 36’), une adaptation de la nouvelle de Gogol, Le Manteau, un étrange conte fantastique, dans une version assez soigneusement restaurée. C’est le tout premier film indépendant de Jack Clayton, après Naples Is a Battlefield, un court métrage de propagande commandé par l’armée en 1944.
L’image (2.35:1, 1080p, AVC) est un autre bel exemple de restauration réussie. Elle a été pratiquement débarrassée du léger bruit vidéo qui subsistait sur l’édition Opening de 2006.
En ayant évité un lissage excessif, elle a préservé le grain argentique et offre de solides contrastes avec des blancs lumineux et des noirs denses.
Le son DTS-HD Master Audio 2.0 mono été débarrassé de tous bruits parasites et du souffle, pratiquement inaudible. Le spectre, très ouvert vers les aigus, un peu moins vers le grave, sert parfaitement la musique de Georges Auric et assure la clarté des dialogues. Quelques saturations dans les passages forte.
Crédits images : © Potemkine