Dragon Inn (1967) : le test complet du Blu-ray

Long men kezhan

Réalisé par King Hu
Avec Lingfeng Shangguan, Chun Shih et Pai Ying

Édité par Carlotta Films

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Le 03/10/2016
Critique

Dragon Inn

Le puissant eunuque Cao Shaoqin sème la terreur parmi son peuple. La police secrète vient d’exécuter le loyal Yu Qian, précepteur du prince et ministre de la Défense, accusé à tort d’avoir aidé des étrangers. Ses trois enfants sont, eux, condamnés à l’exil hors du pays. Mais Cao Shaoqin prévoit en réalité d’exterminer ces fugitifs dissidents en chemin : il ordonne à ses deux fidèles commandants de préparer une embuscade à l’Auberge du dragon, située près de la frontière. Cet endroit, habituellement désert en la saison, est bientôt envahi par les membres de la police secrète et par de mystérieux combattants, venus protéger les jeunes Yu…

Engagé par la Shaw Brothers depuis 1958, King Hu (1937-1997) réalise L’Hirondelle d’or (Come Drink with me) en 1966. Il renouvelle le wuxia (« film de sabre chinois ») avec une virtuosité, un ton, une forme alors uniques hérités de ses études à l’Institut National des Beaux-arts de Pékin. Malgré le triomphe du film, King Hu est remercié par la Shaw Brothers, excédée par le perfectionnisme du réalisateur et la durée interminable de ses tournages. A Taïwan, libre d’exercer son travail comme il le souhaite, King Hu enchaîne avec Dragon Inn, peut-être son film le plus populaire en Asie. Passé par la case dessinateur et décorateur, King Hu imprègne son oeuvre de couleurs et crée un véritable univers graphique rempli de chorégraphies surréalistes et magnifiques. Il s’agit du deuxième volet de sa trilogie dite « des auberges », initiée par L’Hirondelle d’or et qui connaîtra son dernier opus en 1973 avec L’Auberge du printemps.

Dragon Inn

Après le logo qui n’est pas sans rappeler celui de 20th Century Fox, une voix-off annonce d’emblée que l’intrigue se passe en 1457. Les eunuques se sont emparés du pouvoir de la Cour et contrôlent les deux grandes agences d’espionnage. La Chambre orientale et la Garde Impériale. Ces hommes sont impitoyables, dépourvus de scrupules et tous maîtres dans les arts martiaux. Passée cette introduction, King Hu est libre de se faire affronter le bien contre le mal. C’est un cinéma d’archétypes mais que King Hu transcende par sa mise en scène toujours inspirée, ses combats au sabre démentiels, ses touches d’humour omniprésentes. Les bases de A Touch of Zen sont posées, même si le rythme n’est certes pas aussi languissant et le récit envoûtant. Dragon Inn est plus « conventionnel » dans le sens où il se rapproche du western, en particulier le genre transalpin initié par Sergio Leone. King Hu filme ses comédiens en gros plans, capte les réactions, les regards, les tics nerveux avant les affrontements.

À la croisée des genres (récit d’espionnage, aventure, huis clos, drame, action), le cinéaste joue également avec les ruptures de ton et le rythme. C’est le cas de cette longue et exceptionnelle séquence dans l’auberge, microcosme qui reflète l’ensemble de la société, qui invite l’audience à s’interroger sur la politique de la Chine contemporaine. Les fans de Quentin Tarantino reconnaîtront ce qui a nourri les histoires de Kill Bill, mais surtout des Huit Salopards avec tous les personnages réunis dans l’auberge, l’intrigue du poison, sans oublier la tension qui n’a de cesse de monter entre les adversaires, jusqu’à l’explosion de violence.

Dragon Inn est un film profondément chinois, mais également imprégné de références cinématographiques européennes. La complexité de l’intrigue apparaît en filigrane des oppositions verbales et physiques. Le spectateur est invité à construire lui-même l’histoire et les enjeux pendant que se déroulent les combats à l’écran.

Comme il n’aura de cesse de le faire jusqu’à A Touch of Zen, King Hu réinvente le film d’arts martiaux tout en repensant sa propre mise en scène et son approche stylistique. Aujourd’hui, Dragon Inn apparaît en septième position sur les cent plus grands films chinois dans le classement réalisé par l’académie des Hong Kong Awards.

Dragon Inn

Présentation - 5,0 / 5

Le Blu-ray de Dragon Inn, édité chez Carlotta Films, repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui cartonné du plus bel effet. Le visuel de la jaquette est on ne peut plus élégant et attractif. Le menu principal est animé et musical.

Bonus - 2,0 / 5

Né en 1936, Pierre Rissient est réalisateur, scénariste et producteur associé. Il est aussi connu pour avoir découvert et valorisé le talent de nombreux cinéastes et fait aussi figure de pionnier pour la diffusion et la reconnaissance des cinématographies asiatiques à partir des années 1970. Il réalise ici une préface de Dragon Inn (6’) durant laquelle il évoque la situation du cinéma asiatique à la fin des années 60, qui pour le monde entier se résumait alors aux films de Bruce Lee, Kurosawa et Mizoguchi. Pierre Rissient indique que personne n’avait alors conscience du cinéma coréen et chinois. Notre interlocuteur indique que King Hu, qu’il a rencontré à plusieurs reprises, lui a toujours déclaré s’être inspiré des James Bond pour Dragon Inn. Il en vient ensuite au film proprement dit, qu’il a découvert après A Touch of Zen, sur le tard grâce à des sous-titres fidèles, mais qui pour lui n’a pas la magnificence ou la dimension de l’autre titre.

Journaliste, écrivain et même musicien britannique, David Cairns propose une analyse et offre plusieurs pistes d’interprétation sur Dragon Inn dans le segment intitulé Hostel Forces (15’). Proposé en version originale sous-titrée en français, cet essai lu par David Cairns lui-même sur des images du film, propose quelques clés pour mieux appréhender le cinquième long métrage de King Hu. Le film est replacé dans son contexte historique, politique et cinématographique, les liens sont faits avec L’Hirondelle d’or, le fond et la forme sont habilement croisés. Quelques spoilers sont annoncés et donc cette présentation n’est à écouter qu’après avoir vu Dragon Inn !

Un autre supplément, très singulier, mais tout aussi intéressant, est également disponible. Il s’agit d’images d’actualités (2’), qui dévoilent les files d’attente gigantesques devant les cinémas de Taipei proposant Dragon Inn en 1967. Les spectateurs patientent sous des dizaines de parapluies en raison des intempéries.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce 2015.

Dragon Inn

Image - 4,5 / 5

La restauration de Dragon Inn s’inscrit dans le cadre du « Projet de restauration des classiques » confié au Taïwan Film Institute en 2013 par le ministère de la culture de Taïwan. La restauration numérique 4K effectuée par l’Immagine Ritrovata de Bologne est impressionnante et Dragon Inn subjugue pour son arrivée dans les salons et en Haute Définition. Un master HD quasi-irréprochable au transfert immaculé. La copie, stable, se révèle un petit bijou technique alliant des teintes chaudes, ambrées et dorées comme le sable, avec le bleu azur du ciel, le tout étant soutenu par un encodage AVC de haute volée. Le cadre large offre un lot conséquent et inédit de détails aux quatre coins, surtout sur les scènes de combat en plein jour dans le dernier acte. Le piqué est souvent tranchant et seules les séquences sombres aux noirs bouchés déçoivent quelque peu. Les gros plans sont ciselés à souhait, la colorimétrie aux teintes pastelles ravit les yeux. Les séquences de jour décriées pour leur étalonnage jaunâtre ne sont jamais déplaisantes - bien au contraire - et le grain original est respecté. Les fondus enchaînés entraînent quelques décrochages, mais rien d’important.

Dragon Inn

Son - 4,0 / 5

Seule la version originale est disponible sur cette édition. Le mixage DTS-HD Master Audio 1.0. est correct, même si le poids des années se fait souvent ressentir. Le rendu acoustique est un peu restreint et manque surtout de vivacité. Les dialogues semblent parfois trop pincés, la musique est à la fois trop couverte ou au contraire trop criarde, mais heureusement les séquences d’action profitent mieux de cette restauration avec des ambiances riches quant aux lames qui se croisent. Si un très léger souffle est présent, l’ensemble est propre, mais les aigus peuvent irriter les tympans.

Dragon Inn

Crédits images : © CARLOTTA FILMS. Tous droits réservés.

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Franck Brissard
Le 19 octobre 2016
Dragon Inn est un film profondément chinois, mais également imprégné de références cinématographiques européennes. La complexité de l’intrigue apparaît en filigrane des oppositions verbales et physiques. Le spectateur est invité à construire lui-même l’histoire et les enjeux pendant que se déroulent les combats à l’écran.Comme il n’aura de cesse de le faire jusqu’à A Touch of Zen, King Hu réinvente le film d’arts martiaux tout en repensant sa propre mise en scène et son approche stylistique. Aujourd’hui, Dragon Inn apparaît en septième position sur les cent plus grands films chinois dans le classement réalisé par l’académie des Hong Kong Awards.

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