Exorcisme tragique (1972) : le test complet du Blu-ray

A l’âge de huit ans, Marialé assiste aux meurtres de sa mère et de son amant par son père. Adulte, elle vit recluse dans un château avec Paolo, son mari. Sans l’en avertir, et pour briser la monotonie dans laquelle elle se confine, elle décide d’inviter plusieurs amis à passer un week-end festif. Revêtant la robe blanche et tachée de sang que sa mère portait à sa mort, Marialé décide d’affronter les démons de son passé, tandis que les occupants du château meurent un par un autour d’elle.

Drame psychologique, thriller-slasher baignant dans une atmosphère gothique, huis clos étouffant et baroque marqué par quelques touches érotiques, Exorcisme tragique, titre français d’Un Bianco vestito per Marialé, réalisé par Romano Scavolini en 1972 et également sorti chez nous sous le titre Les monstres se mettent à table, est une oeuvre quasi-inclassable, mais qui demeure bien connu des amateurs du giallo, même si le film n’en est pas vraiment un. Exorcisme tragique se penche sur le trauma d’une jeune trentenaire, Marialé, témointe du meurtre de sa mère et de son amant par son père, qui s’est ensuite suicidé devant sa fille, quand elle avait à peine dix ans.

Cloîtrée chez elle, dans son un château isolé, Marialé s’ennuie. Son mari Paolo (Luigi Pastilli), plus âgée qu’elle, et son majordome Osvaldo la forcent à prendre des tranquillisants et des sédatifs. En douce, elle parvient à inviter une bande d’anciens amis à venir passer un week-end. Les convives arrivent les uns après les autres, dont Massimo (Ivan Rassimov), un ancien amant de Marialé, malgré la réticence de Paolo, pris au dépourvu. Très vite, les apparences et les convenances de ce petit monde aisé laissent place aux vraies personnalités. Le dîner se transforme en véritable orgie, placée sous le signe du sexe, de la boustifaille et de l’alcool. Chacun revêt un déguisement. Marialé décide d’enfiler la robe blanche tâchée de sang dans laquelle sa mère a été assassinée. C’est alors que les invités sont tous sauvagement tués à la façon des Dix Petits nègres d’Agatha Christie.

Plus connu pour film d’horreur Cauchemars à Daytona Beach, Romano Scavolini brouille les pistes en usant des codes du giallo (superbe photo signée Scavolini lui-même), pour finalement dresser le portrait d’une âme torturée, blessée, instable. Sous ses airs sereins et angéliques, la comédienne Ida Galli restitue toute l’ambiguïté de son personnage, rongé par la tristesse et l’isolement. Après une ouverture violente et saisissante, le rythme languissant agit de manière quasi-hypnotique sur les spectateurs, qui deviennent alors les témoins d’une étrange soirée où les conventions sont balayées. Jusqu’au jeu de massacre du troisième acte qui transforme le film en une véritable partie de Cluedo sanglant, où chaque participant est froidement assassiné par une main inconnue.

Exorcisme tragique est un titre à moitié trompeur. S’il ne s’agit en aucun cas d’un exorcisme réalisé pour faire fuir une entité démoniaque, c’est en revanche un acte à travers lequel s’expriment les démons du passé gardés en soi. Sans révéler la conclusion, disons que Brian De Palma et Paul Schrader ont dû se souvenir du film de Romano Scavolini pour le final d’Obsession. Une valeur ajoutée non négligeable à Un bianco vestito per Marialé. Exorcisme tragique demeure un film étrange, rare, souvent oublié, à la croisée des genres, radical, engagé, bercé par la composition de Fiorenzo Carpi, qui met souvent les nerfs de l’audience à rude épreuve et qui ne laisse jamais indifférent. Incontournable donc.

Quel bel objet que voilà ! Le Chat qui fume a de nouveau sorti la grosse artillerie pour la sortie d’Exorcisme tragique ! L’éditeur récidive en livrant un superbe Digipack (à trois volets) au graphisme élégant, indispensable dans toute DVDthèque qui se respecte.

Le Blu-ray d’Exorcisme tragique repose sur le premier volet, tandis que sur les deux autres sont calés le DVD du film et celui alloué aux formidables suppléments (disponibles également sur le Blu-ray). Sur le verso du Digipack, deux affiches italiennes et le visuel français. L’ensemble est glissé dans un fourreau cartonné au visuel magnifique et attractif. Cette édition est limitée à 1000 exemplaires. Le menu principal est animé et musical.

Plus de deux heures de suppléments concoctés exprès pour l’édition française du film de Romano Scavolini ! Le cinéphile curieux d’en savoir plus sur Exorcisme tragique devra se ruer immédiatement sur les bonus que nous vous détaillons :

Histoire d’Ida, entretien avec Ida Galli (53’) : Quasiment une petite heure en compagnie de la divine Ida Galli, également connue sous les pseudonymes de Arianna Galli, Arianna Heston, Isli Oberon, Priscila Steele et surtout Evelyn Stewart, qui a illuminé les films de Federico Fellini, Luchino Visconti, Mario Bava, Antonio Margheriti, Silvano Agosti, Duccio Tessari et Lucio Fulci, cela ne se refuse évidemment pas ! Pièce maîtresse de cette interactivité, cet entretien mené sans aucun temps mort, est un très beau moment. Ida Galli évoque ses débuts dans le cinéma, ses rencontres déterminantes et quelques-uns des films qui ont marqué sa carrière à l’instar de La Dolce vita, Le Guépard, Le Jardin des délices, Hercule contre les vampires, L’Adorable corps de Deborah, Un papillon aux ailes ensanglantées et bien sûr Exorcisme tragique. Toutes ces nombreuses et passionnantes anecdotes (le rendez-vous manqué de Mort à Venise, sa carrière après avoir arrêté le cinéma) sont largement illustrées par des photos personnelles de notre interlocutrice.

Esotérique et cryptique, entretien avec le réalisateur Romano Scavolini (37’) : Né en 1940, le cinéaste connu dans le monde entier pour son film Cauchemars à Daytona Beach (1981) pour lequel il aime déclarer qu’il est «  le créateur du plus grand film d’horreur de tous les temps  », Romano Scavolini revient à son tour sur sa carrière. De ses débuts difficiles en tant que réalisateur financé grâce à son métier de docker, jusqu’à ses débuts dans le genre documentaire, puis sa première trilogie A mosca cieca (1966), La Prova generale (1967) et Entonce (1969), jusqu’à ses films les plus célèbres - mais peu représentatifs de son cinéma - comme Exorcisme tragique (sur lequel il revient en détail, notamment sur l’éclairage et la réécriture complète du scénario), en passant par son activité de photographe freelance pendant la guerre du Viêt-Nam, puis en tant que chef opérateur, Romano Scavolini nous raconte son parcours atypique.

L’Exorcisme de Marialé, par Jean-François Rauger (13’) : Dans un premier temps, le critique de cinéma et directeur de la programmation de la Cinémathèque Française s’intéresse à la traduction du titre Un bianco vestito per Marialé pour son exploitation dans les salles françaises, à savoir Exorcisme tragique. Puis, Jean-François Rauger analyse le film de Romano Scavolini, sa dimension gothique, ses thèmes, tout en mettant en parallèle le cinéma populaire italien et celui dit d’auteur, dont la frontière est selon lui étonnamment très mince.

Scavolini l’anarchiste, par Olivier Rossignot (12’) : Le journaliste sur le site Culturopoing.com livre en voix-off, posée sur des images du film, son analyse sur Exorcisme tragique. Si nous retrouvons quelques éléments déjà entendus durant l’interview de Romano Scavolini, cette présentation du film qui nous intéresse est vraiment pertinente, bien écrite, dense et démontre que les thèmes d’Exorcisme tragique s’intègrent parfaitement dans la filmographie du cinéaste basée sur la contestation, ainsi que la critique du monde bourgeois et capitaliste.

En plus de cinq minutes de scènes laissées sur le banc de montage (muettes et peu dispensables), les films-annonces en italien et en français d’Exorcisme tragique et d’autres films déjà ou prochainement disponibles chez notre matou noir à la clope, nous trouvons également la version française du film de Romano Scavolini en mode VHS ! Comme à la bonne époque de la VHS, mais encodé en AVC et disponible en 1080i.

Autant le dire d’emblée, c’est superbe, et ce dès le prologue et le générique qui affichent une stabilité et une propreté jamais démenties. Ce nouveau master HD, au format 1080p (AVC) trouve rapidement un équilibre fort convenable et offre un nouveau lot de détails que nous n’attendions pas sur le cadre large. Le piqué est ferme, les couleurs ravivées et chatoyantes (la couleur rouge des credits), les contrastes fermes et les noirs denses. Le grain original est évidemment présent et excellemment géré. Certes Exorcisme tragique se déroule principalement en intérieur avec de savoureux clairs-obscurs, mais l’image, entièrement restaurée, resplendit.

Exorcisme tragique est présenté dans sa version intégrale. De ce fait, certaines séquences qui n’avaient jamais bénéficié de doublage français, passent automatiquement en italien sous-titré dans la langue de Molière. Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la musique de Fiorenzo Carpi, conduite et arrangée par Bruno Nicolai. Elle demeure la plus dynamique et la plus riche du lot. La version française DTS-HD Master Audio Mono, au doublage amusant et typique de l’époque, apparaît plus feutrée, légèrement chuintante, avec des effets plus confinés mais aussi les voix qui prennent le dessus.

Le changement de langue est verrouillée à la volée et les sous-titres français imposés sur la version originale.

Crédits images : © Le Chat qui fume