Les Roseaux sauvages

Les Roseaux sauvages (1993) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par André Téchiné
Avec Élodie Bouchez, Gaël Morel et Stéphane Rideau

Édité par Studiocanal

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Le 27/11/2017
Critique

Les Roseaux sauvages

En 1962, en pleine guerre d’Algérie, alors que les attentats OAS se multiplient, l’intrusion d’un garçon pied-noir exilé va bouleverser la vie paisible de l’internat du lycée où il est accueilli.

Les Roseaux sauvages est probablement l’oeuvre centrale de toute la filmographie d’André Téchiné. Pourtant, à l’origine, cette chronique douce-amère et mélancolique sur la jeunesse française au début des années 1960 était uniquement destinée à la télévision dans un format d’une heure, dans le cadre d’un projet pour la télévision. Aujourd’hui, Les Roseaux sauvages demeure pour beaucoup de cinéphiles leur film préféré d’André Téchiné, celui qui regroupe tous ses thèmes de prédilection.

La guerre d’Algérie touche à sa fin. Dans le Sud-Ouest de la France, le frère de Serge, soldat, fils de paysans italiens, épouse la première venue pour obtenir une semaine de permission. Le jeune marié songe à déserter et compte sur madame Alvarez, la mère de Maïté, professeur et militante communiste, pour l’aider. Mais il repart en Algérie et se fait tuer dans le djebel. Des lycéens du village sont témoins de ces événements tragiques. Henri, un jeune pied-noir, vient passer son bac en métropole. L’oreille collée à un transistor, il suit minute par minute le dénouement du conflit. Un soir, à l’internat, François, le petit ami de Maïté, découvre son homosexualité dans les bras de Serge. Derrière la valse et les flonflons de cette année 1962, certains jeunes terminent laborieusement leurs études au lycée, dans l’espoir d’obtenir leur baccalauréat, même s’ils ont d’autres idées en tête en étant bouleversés par leurs sentiments et leurs désirs.

André Téchiné demeure l’un des rares cinéastes français à avoir su dépeindre les émois propres à l’adolescence, mais également la révélation du libre-arbitre, de la conscience politique, l’éveil sexuel, la sensualité, en d’autres termes, l’adieu à l’enfance et l’entrée dans le monde responsable des adultes. Plus de vingt ans après sa sortie, François, Maïté, Madame Alvarez et Serge sont des personnages qui restent dans la conscience des cinéphiles. Même si Maïté et François ressentent beaucoup de choses l’un pour l’autre, le jeune homme ressent encore plus d’attirances pour Serge, ce qui le déconcerte beaucoup dans un premier temps, tandis que Maïté doit accepter cette situation. Il y a aussi le pied-noir Henri, compagnon de chambre de Serge, qui a quitté l’Algérie où son père est décédé. Le jour où Serge apprend que son frère est mort en Algérie, le lycéen est alors animé par une rage ardente envers Henri, tandis que la mère de Maïté, professeur de français et communiste, rongée de culpabilité pour ne pas avoir pu le frère de Serge, part en cure de sommeil. Son remplaçant, Monsieur Morelli, cherche à aider Henri à avoir le bac. Mais ce dernier, révolté par les décisions de de Gaulle et le retrait de la France en Algérie, décide de quitter la ville.

Les Roseaux sauvages dresse le portrait d’une jeunesse qui se voulait insouciante, mais qui se trouve très vite rattrapée par l’Histoire. André Téchiné confie les rôles principaux à une poignée de jeunes comédiens inexpérimentés, mais néanmoins charismatiques et très attachants. C’est le cas d’Elodie Bouchez, qui avait fait ses débuts au cinéma dans Stan the Flasher de Serge Gainsbourg (1989), qui après une apparition dans Tango de Patrice Levonte (1993) et Le Péril jeune de Cédric Klapisch (1994), explose à l’écran dans Les Roseaux sauvages, pour lequel elle obtient le César dans la catégorie meilleur espoir féminin. Au générique, se démarque également Gaël Morel, dans le rôle de François, adolescent introverti et tourmenté, sans doute le personnage le plus proche d’André Téchiné. Apparu ensuite dans Le Plus bel âge… et Zonzon, Gaël Morel deviendra ensuite un précieux réalisateur, à qui l’on doit entre autres Le Clan (2004) et Après lui (2007).

Les Roseaux sauvages

A l’origine des Roseaux sauvages, il y a la collection commandée par Arte intitulée Tous les garçons et les filles de leur âge. Après Ma saison préférée en 1993, André Téchiné accepte de rejoindre ce projet collectif avec un téléfilm intitulé Le Chêne et le roseau, d’après la fable éponyme de Jean de La Fontaine, dont Les Roseaux sauvages deviendra finalement la version longue. Cette collection regroupe neuf téléfilms français, totalement indépendants entre eux, seulement reliés par le thème de l’adolescence et diffusés sur Arte au dernier trimestre 1994. André Téchiné, mais aussi Chantal Akerman, Claire Denis, Olivier Assayas, Laurence Ferreira Barbosa, Patricia Mazuy, Emilie Deleuze, Cédrick Kahn et Olivier Dahan relèvent le défi. Comme ses confrères, André Téchiné dispose alors d’un budget modeste et doit répondre à une liste de contraintes (la durée d’une heure, le thème principal, intégrer une scène de fête, une durée de tournage de 20 jours en moyenne, des prises de vue en Super 16), malgré une grande liberté créatrice laissée aux cinéastes, comme le choix de situer le récit entre les années 1960 et 1990. Chaque réalisateur doit utiliser la musique rock, filmer de jeunes comédiens peu ou alors pas connus. André Téchiné reconnaîtra lui-même la grande liberté qui leur avait été accordée, sans contrainte ni l’obstacle lié au box-office.

Trois de ces téléfilms connaîtront les honneurs d’une version allongée, qui sera exploitée dans les salles. Les Roseaux sauvages donc, mais aussi Trop de bonheur de Cédric Kahn et L’Eau froide d’Olivier Assayas, présentés par ailleurs au Festival de Cannes. Le Chêne et le roseau, qui durait à l’origine 56 minutes, devient alors Les Roseaux sauvages, vrai film de cinéma d’1h55, placé sous le sceau de l’authenticité, qui n’épargne pas ses jeunes protagonistes, rattrapés par la dure réalité de la vie qui s’ouvre devant eux. André Téchiné réalise ici l’un de ses chefs d’oeuvre, en état d’apesanteur, trouvant l’équilibre délicat et parfait entre récits initiatiques - pour la première fois, il y parle ouvertement de l’homosexualité - et rendez-vous avec la grande Histoire, avec pudeur, une immense sensibilité et une justesse confondante, sous un soleil ardent et des couleurs estivales.

Largement inspirée par les propres souvenirs liés à l’adolescence du cinéaste, Les Roseaux sauvages est une œuvre qui marque définitivement la mémoire des cinéphiles. Le film a été récompensé par le prix Louis-Delluc en 1994 et par quatre César en 1995, Meilleurs film, réalisateur, scénario original et espoir féminin.

Les Roseaux sauvages

Présentation - 3,0 / 5

Le test du Blu-ray des Roseaux sauvages, disponible chez Studiocanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal, fixe et muet, reprend une partie du visuel de l’affiche originale.

Bonus - 1,5 / 5

À l’instar de l’édition HD de J’embrasse pas, l’éditeur reprend l’interview d’André Téchiné (20’), réalisée à l’occasion de la sortie des Roseaux sauvages en DVD en 2004. Cependant, contrairement à l’autre entretien mentionné, le réalisateur semble presque gêné de parler du film qui nous intéresse. De manière succincte, le cinéaste revient sur la genèse du projet alors qu’il s’agissait encore d’un téléfilm intitulé Le Chêne et le roseau. André Téchiné indique que c’est surtout l’envie d’évoquer la guerre d’Algérie, plus que de réaliser un film sur les adolescents, qui l’a surtout convaincu de mettre en scène ce qui allait devenir Les Roseaux sauvages. Brièvement et de manière saccadée, le module est par ailleurs trop souvent entrecoupé par des extraits du film, le cinéaste aborde les thèmes, les personnages, le casting, les conditions de tournage, ainsi que les éléments autobiographiques qui ont inspiré le scénario.

Les Roseaux sauvages

Image - 4,0 / 5

Tourné en 16 mm, Les Roseaux sauvages a ensuite été gonflé pour une exploitation dans les salles. Evidemment, nous sommes loin du clinquant CinemaScope, format habituellement utilisé par André Téchiné, mais cette édition Haute-Définition s’en sort avec les honneurs. Certes, les couleurs restent sensiblement délavées, notamment les teintes vertes très présentes, mais la clarté est de mise, le piqué agréable, la copie très propre, en dehors d’un fil en bord de cadre lors de la scène de l’enterrement. Les séquences sombres s’avèrent moins définies, avec un grain plus hasardeux et une perte des détails. Toutefois, ce Blu-ray des Roseaux sauvages, permet au film d’André Téchiné de bénéficier d’une petite cure de jouvence bienvenue.

Son - 4,0 / 5

Le mixage DTS-HD Master Audio Stéréo instaure un très bon confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. Dommage que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant soient indisponibles.

Les Roseaux sauvages

Crédits images : © Photographe Claude Raymond Ditivon

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm