Le Fascinant Capitaine Clegg (1962) : le test complet du Blu-ray

Captain Clegg

Édition Collector Blu-ray + DVD

Réalisé par Peter Graham Scott
Avec Peter Cushing, Yvonne Romain et Patrick Allen

Édité par Elephant Films

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Le 19/02/2018
Critique

Le Fascinant Capitaine Clegg

Mers du Sud, 1776 : le capitaine Clegg fait condamner un marin coupable de viol à un rigoureux châtiment. Angleterre, 1792 : L’armée anglaise enquête sur les rumeurs parlant de fantômes nocturnes hantant les marécages de la région des Romney Marsh, face aux côtes françaises. En réalité, ces créatures nocturnes servent de couverture à des contrebandiers d’alcool, dirigés par Le Fascinant capitaine Clegg, ancien pirate injustement condamné puis officiellement décédé mais toujours actif !

Le Fascinant capitaine Clegg (Night Creatures) (GB 1962) de Peter Graham Scott est un Hammer film d’aventures relevant de la catégorie « films de pirates » à laquelle appartiennent également, dans l’histoire du studio anglais, Les Pirates de la nuit (Fury At Smuggler Bay) (GB 1961) de John Gilling, L’Attaque de San Cristobal (The Pirates of Blood River) (GB 1962) de John Gilling, Les Pirates du diable (The Devil-Ship Pirates) (GB 1964) de Don Sharp.

Peter Graham Scott n’est, hélas, ni Gilling ni Sharp : sa mise en scène est honnête, parfois assez bonne mais les personnages sont sans épaisseur et le scénario ne laisse pas d’être mince lui aussi, en dépit d’une multiplication incessante d’événements anecdotiques. L’histoire, assez populaire en Angleterre, racontée dans un roman intitulé Dr. Syn, avait déjà été adaptée dans le Doctor Syn (GB 1937) de Roy William Neill (avec Margaret Lockwood dans le rôle ici tenu par Yvonne Romain) puis par le cinéaste James Neilson à la télévision américaine en 1963 dans une sorte de feuilleton (co-produit par Walt Disney !) avec Patrick McGoohan. Difficiel pour moi de vous dire si la version Hammer est proche ou éloignée du roman original, des adaptations cinéma de 1937 et de 1963 : je n’en ai aucune idée, n’ayant pas lu le premier, n’ayant jamais vu les deux autres. En revanche, ce Hammer dispose d’un bon casting, d’une belle direction de la photo, d’une belle direction artistique, d’une belle musique : autant d’éléments qui ne sont pas exceptionnels à la Hammer de 1955 à 1975. Le Fascinant capitaine Clegg ne vaut d’ailleurs pas tant par ses quelques fameuses (mais très brèves) séquences d’extérieurs nuits montrant les fameux cavaliers-squelettes montés sur leurs chevaux-squelettes que par ses séquences villageoises colorées et constamment très vivantes. Certes, Hinds et Graham Scott rendent hommage (par les séquences mettant en scène un enfant chez les pirates et par la dualité conférée au héros interprété par Peter Cushing) aux Contrebandiers de Moonfleet (Moonfleet) (USA 1955) de Fritz Lang. Ils reprennent, cette fois-ci en guise de clin d’oeil pour adultes avertis de 1962, le couple Oliver Reed et Yvonne Romain (ce couple « impossible » mainte fois photographié l’année précédente sur le plateau de La Nuit du loup-garou (The Curse of the Werewolf) mais ici devenu couple réel). Enfin ils ouvrent Le Fascinant capitaine Clegg sur une assez belle idée, portée par l’énergie étonnante de l’acteur anglo-indien Milton Reid, abandonné sur une île déserte.

Aujourd’hui, il faut pourtant bien convenir que l’intérêt du Fascinant capitaine Clegg est d’abord historique. Du point de vue de l’histoire du cinéma fantastique, il permet d’approfondir notre connaissance de la Hammer films; du point de vue de l’histoire générale tout court, il permet d’assez bien appréhender les relations administratives dans l’ancien régime anglais du dix-huitième siècle : les lecteurs d’Alexis de Tocqueville devraient le visionner avec un certain intérêt. Mais c’est un des rares titres du catalogue Hammer de la période 1955-1975 qu’on pourra, en revanche, toujours montrer à des enfants sans avoir peur de les confronter à des niveaux trop élevés de violence graphique ni d’érotisme, et à qui il procurera certainement un vif plaisir, inaltéré.

Le titre d’exploitation américaine Night Creatures devait, à l’origine, servir à une adaptation du roman Je suis une légende écrit par Richard Matheson mais la censure anglaise annonça aux patrons de la Hammer qu’elle l’interdirait. Ces derniers qui avait promis à leurs distributeurs américains (en l’occurrence la Universal International mais on sait que d’autres titres de la Hammer furent distribués par Columbia, Fox et Warner) un film portant ce titre, le firent donc porter au Fascinant capitaine Clegg qui venait d’être achevé et était prêt à être exporté là-bas. En Angleterre, le film fut tout bonnement exploité sous le titre Captain Clegg.

Le Fascinant Capitaine Clegg

Présentation - 4,0 / 5

Edition spéciale « combo » Blu-ray « region free » + DVD édités le 5 décembre 2017 par Elephant film. Durée du film en Blu-ray : 85 minutes, en DVD : 82 minutes environ. Image au format 2.0 compatible 16/9 couleurs en Full HD 1920x1080p sur Blu-ray. Son DTS HD Dual Mono 2.0 (sur Blu-ray) et Dolby Digital 2.0 (sur DVD) en VOSTF et VF d’époque. Suppléments : livret collector 20 pages, la petite boutique des horreurs de la Hammer (10 min. environ), le film par Nicholas Stanzick (12 min. environ), jaquette réversible (affiche contemporaine par le graphiste Melchior Ascaride / affiche d’époque), bandes-annonces, galerie images.

Le livret illustré de 20 pages, signé Nicolas Stanzick, est une introduction à la Hammer films, sa genèse, son histoire, sa réception en France. On sait que ce dernier point, pas seulement sociologique mais aussi historique et esthétique, était l’objet principal du livre de Nicolas Stanzick, Dans les griffes de la Hammer, éditions BDL (revue, corrigée et augmentée), Paris 2010. Il n’est évidemment pas oublié ici et le chapitre sur la naissance de la revue Midi-Minuit Fantastique est; sans surprise, l’un des meilleurs du livret. Je signale que Nicolas est le maître d’oeuvre d’une nouvelle édition, revue et augmentée, de cette célèbre revue dont les tomes reliés I et II sont déjà sortis chez l’éditeur Rouge profond, dont le tome III devrait sortir cette année 2018. Voici quelques observations concernant certains points intéressants, dans l’ordre de leur apparition :

Le cinéma fantastique muet (notamment celui de l’expressionnisme allemand de 1915-1930) puis le cinéma fantastique parlant américain, donc celui de la Universal historique de 1931-1945 et celui des majors concurrentes qui lui emboîtèrent immédiatement le pas (notamment Warner, Paramount, MGM, RKO), avaient déjà produit sur le public de 1931-1945 l’effet sociologique que produisit la Hammer sur celui de 1955-1975. Penser que la Hammer a introduit un frisson nouveau me semble donc une erreur rétrospective, y compris concernant l’érotisme et l’aspect social. qui ne sont absents ni l’un ni l’autre de l’histoire du cinéma fantastique des origines à 1955.

Le terme « gothique » pour définir les films fantastiques de la Hammer films, est historiquement comme esthétiquement peu approprié en dépit de la mode actuelle, pour plusieurs raisons.

L’interprétation athée de La Revanche de Frankenstein (GB 1958) de Terence Fisher, a été soutenue par Jean-Pierre Bouyxou et je crois comprendre qu’elle est reprise par Nicolas mais elle fut vigoureusement refusée par son scénariste Jimmy Sangster au cours de leur entretien (publié in Bouyxou & Lethem, La Science-fiction au cinéma, éditions U.G.E., collection 10/18, Paris 1971).

Christopher Lee et Fisher ont soigneusement maintenu l’ambivalence humaine / inhumaine du personnage de Dracula, monstre rendu plus dangereux par sa beauté apparente mais néanmoins monstre. Aspect démoniaque (au sens à la fois théologique et kierkegaardien du terme) revendiqué par Lee dans son entretien avec Caen paru dans un Midi-Minuit Fantastique n°4-5 de janvier 1963. Lee le maintiendra dans ses interprétations suivantes, y compris dans les dernières grandes versions Hammer des années 1970 qu’il interprète, celles de Roy Ward Baker et de Peter Sasdy.

Le Cauchemar de Dracula (Dracula / Horror of Dracula) (GB 1958) de Terence Fisher n’est pas le premier film montrant les canines du vampire. Si ma mémoire est bonne, on les voyait déjà en 1943 chez Siodmak et en 1944 et 1945 chez Erle C. Kenton. On les voyait assurément dans El Vampiro (Les Proies du vampire) (Mex. 1957) de Fernando Mendez avec German Robles. En couleurs et sanglantes, en revanche, possible mais… à vérifier cependant ! L’histoire du cinéma réserve tant de surprises… et il reste encore tant de films fantastiques inédits en France au cinéma à découvrir : je pense par exemple au The Return of the Vampire (USA 1943) de Lew Landers avec Bela Lugosi.

Concernant la réception politique de la Hammer films en France, une certaine ambivalence demeure: le public de gauche intellectuelle a certainement pensé ce que Nicolas écrit; le grand public apolitique n’a absolument pas pensé cela, quant au public de droite intellectuelle … je ne sais pas ! Je note, à ce sujet, que la revue Présence du cinéma (Michel Mourlet, Michel Marmin et les « mac-mahoniens ») défendait un cinéaste-bis (devenu d’ailleurs, non moins que Fisher, un cinéaste classique incontournable) tel que Vittorio Cottafavi alors que Jean Douchet crachait sur Fisher certaines des lignes les plus méprisantes jamais lues dans l’histoire critique française de ce cinéaste (lignes reproduites dans M.-M. F. n°1).

Le paragraphe sur l’année 1968 et ses paradoxes culturels et sociologiques est très bon.

Sur les vedettes féminines de la Hammer, analyse assez complète mais l’espace manquait évidemment pour cerner totalement la richesse du sujet et il est, de toute manière, préférable de réserver une telle analyse à une critique titre par titre.

Le chapitre sur les Hammer « para-victoriens » (donc sur ceux relevant des genres de la sciences-fiction, de la terreur psychologique, de l’aventure historique et préhistorique) compense, en dépit de son inévitable brièveté, un peu leur absence du livre de référence.

Michael Carreras était déjà aux commandes et déjà actif dès les années 60, bien avant le passage de pouvoir « officiel » de James à Michael. D’autre part, les contemporains rendent responsables Aïda Young plutôt que Carreras de l’accentuation de la violence et de l’érotisme graphique. Un point d’histoire de la Hammer à creuser un jour (peut-être déjà résolu par les livres consacrés à l’histoire du studio, notamment les livres anglais et leurs témoignages de première main ?) mais Michael en fut aussi responsable, de toute évidence.

Intéressant paragraphe synthétique sur l’évolution fishérienne de la conception du baron Frankenstein mais il me semble que le passage « de l’autre côté du miroir » est déjà effectué à la fin de La Revanche de Frankenstein.

Bons paragraphes sur les Hammers des années 1970 et sur la présentation de Frankenstein et le monstre de l’enfer (GB 1973) de Terence Fisher à la Convention française du cinéma fantastique, ce qui accentue la reconnaissance critique néanmoins encore marginale et pour longtemps, du genre. Sur le plan du grand public, en revanche, la Hammer n’est pas encore classique : elle demeure également marginale et pour aussi longtemps, notamment à la télévision (la télédiffusion du Cauchemar de Dracula en VF d’époque vers 1975 demeurant l’exception qui confirme la régle). Terence Fisher meurt en 1980 dans l’indifférence critique et médiatique la plus complète et la Hammer. Il faudra attendre presque trente ans pour que la Cinémathèque française lui rende hommage (2007).

Excellent chapitre sur les doubles-programmes mythologiques des cinémas parisiens Brady et Colorado et sur ma génération mais un bémol historique : au tournant des années 1980, la mort des cinémas de quartier est inexorablement enclenchée et de tels doubles-programmes disparaissent progressivement. Après 1985, le phénomène s’accentue.

Le Fascinant Capitaine Clegg

Bonus - 4,0 / 5

2 suppléments vidéo complètent le livret : « la petite boutique des horreurs » (10 min.) est une brève introduction à l’histoire de la Hammer Films par Nicolas Stanzick, illustrée de documents de première main et la présentation de Le Fascinant capitaine Clegg (12 min environ) couvre bien sa genèse, sa production, sa réception française. Elle est bien informée, montée assez nerveusement et, en outre, très bien illustrée. Sur certains points de cette présentation, je renvoie à ce que j’ai écrit plus haut concernant le livret car certains éléments du livret se retrouvent dans cette présentation.

La galerie images  : une vingtaine de belles photos de plateau N&B, remarquablement reproduites à la bonne taille, afin qu’on en profite pleinement sur grand écran TV ou vidéoprojecteur. Dans le jeu de photos destinées à la presse, on trouve une jolie photo anglaise couleurs d’exploitation mais je ne l’ai pas retrouvée dans la section DVD.

La section bandes-annonces (une dizaine proposées en VOSTF) est intéressante car on y trouve une BA de 1961 proposant le double-programme (en très mauvais état chimique et recadrée : des avertissements signalent que le master Elephant est évidemment d’une qualité bien supérieure) de La Nuit du loup-garou et de Le Spectre du chat. Notons que cette BA est intégralement N&B alors que le premier film est en couleurs. On y trouve également une belle bande-annonce au format HammerScope 2.35 N&B de Paranoïaque L’état chimique comme vidéo de l’ensemble de ces BA varie du bon au médiocre, y compris concernant les cadrages des formats. Cette section contient également une publicité filmée pour l’édition revue et augmentée de la mythique revue Midi-Minuit Fantastique.

L’ensemble est sympathique et très honorable. mais on aurait pu ajouter à la galerie photos, déjà très mignonne, le « making of » (30 min.) du bluray anglais édité par Final Cut, pour faire bonne mesure.

Image - 5,0 / 5

Format 2.0 couleurs compatible 16/9 en Full HD 1080p. C’était déjà le format (correspondant à celui exploité aux USA à la sortie du film) adopté en vidéo numérique dès 2005 par l’ancien coffret Universal zone 1 NTSC et c’est encore celui adopté par la remastérisation Full HD Universal sortie en coffret aux USA en 2016 qui est reprise ici en 2017 par Elephant, raison pour laquelle c’est le titre américain Night Creatures et non pas anglais qui est inscrit au générique. Tant mieux car l’édition Final Cut anglaise munie du titre Captain Clegg est 1080i alors que l’édition Universal et l’édition Elephant sont 1080p. Excellente image chimique très bien restaurée, admirable numérisation.

Son - 5,0 / 5

Son DTS HD Dual Mono 2.0 (sur Blu-ray) et Dolby Digital 2.0 (sur DVD) en VOSTF et VF d’époque. VF d’époque, en bon état avec des voix qui conviennent assez bien aux personnages tant dramatiquement que psychologiquement. Les dialogues français d’époque modifient parfois légèrement ce qui est dit en VOSTF. Sous-titres pas trop gros et bien lisibles.

Le Fascinant Capitaine Clegg

Crédits images : © Éléphant Films

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Panasonic FullHD
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Sony
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p
Note du disque
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Multimédia
Le Fascinant Capitaine Clegg
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