Réalisé par John McNaughton
Avec
Michael Rooker, Tom Towles et Tracy Arnold
Édité par Opening
Noir profond. Un récit sombre, un petit film d’horreur aux
limites du (faux) documentaire, des inconnus (jusqu’à alors..)
devant et derrière la caméra. Des circonstances fortuites ont
fait en sorte qu‘« Henry » devienne une oeuvre-culte de renommée
mondiale. Mais comment aurait-il pu être différent ? « Henry »
est un bijou noir, un récit aux abîmes de l’humanité.
Pas de serial killers « stylish » à la Hannibal, ici. Le film
emprunte les noms d’Henry et Otis aux vrais tueurs en série,
et se lance dans une descente aux enfers si réaliste dont
personne ne sort indemne. Pas de morale, pas d’explications,
pas de rédemption : Henry et Otis sont des machines à tuer qui
se livrent au pur anéantissement.
Que rend « Henry » si impressionnant ? Le refus net de
McNaughton de faire du cinéma « fictif », et dessiner une
réalité glauque et sans pitié ; on est ici dans un non-lieu
entre Godard, les films les plus militants d’un Abel Ferrara,
et « Maniac » de William Lustig. Et « Henry » a aussi et surtout
son ange noir : un Michael Rooker totalement flippant et
effrayant dans le hyperréalisme de sa présence à l’écran.
Une oeuvre noire, sans concessions. Une référence dans le
cinéma horror (et vérité) contemporain.
La référence. D’habitude timoré dans ses réalisations, Opening
sort ici la plus belle édition planétaire consacrée au film-
culte de John McNaughton. Un double DVD-5 qui fera date.
Pour couronner le film, l’édition sort ici un packaging
Digipack - fourreau - disques sérigraphiés des grands jours.
Finalement, on aurait pu réunir l’ensemble des contenus sur un
DVD double face, mais le résultat esthétique n’aurait pas été
le même..
Les menus animés et musicaux des deux disques rappellent un
peu les transitions visuelles de la série « Millennium », et
suggèrent bien l’atmosphère de malaise du film. L’accès aux
différentes options est très ergonomique. Opening signe ici un
sans faute.
Seul hic : dommage pour l’obligation contractuelle d’imposer
les sous-titres sur la VO, qui verrouille en même temps le
changement de langue à la volée.
(Petit avertissement d’entrée : l’interdition aux moins de
16 ans s’applique à notre avis aussi à certains suppléments,
et tout particulièrement aux rushes d’Otis Toole. Vous êtes
prévenus).
Avec « Henry », Opening réalise le DVD « bigger than life » par
excellence. Un DVD qui sort des frontières cinématographiques
du film de McNaughton, pour s’intéresser au phénomène des
tueurs en série, avec un regard clinique et informatif, et
jamais racoleur.
Avant de quitter le film, direction le témoignage de John
McNaughton sur la réalisation du film (34’ et en VOST).
Rarement un document vidéo aura été aussi passionnant et aussi
direct. McNaughton s’interdit de faire tout racolage
promotionnel, et raconte les circonstances - souvent
spectaculaires - qui ont permis à « Henry » de voir le jour, et
de devenir une oeuvre-culte à travers le monde. Sans « Henry »,
McNaughton et Michael Rooker auraient-ils une
carrière aujourd’hui ? En tout cas, le réalisateur donne tout
son coeur et sa franchise dans son récit.
Les parties suivantes du DVD - toutes en VF - bénéficient de
la collaboration directe ou indirecte de l’expert en serial
killers Stéphane Bourgoin, à qui l’on doit une part de la
réussite de ce DVD.
Interview de Stéphane Bourgoin
Dans cette rencontre filmée d’une demi-heure (par le
journaliste Marc Toullec), Bourgoin décrit l’importance et le
réalisme du film - non pas pour son récit, qui se contente
juste de reprendre les noms d’Henry et Otis - mais pour la
vraisemblance des deux personnages aux motivations et aux
psychologies des vrais tueurs en série. Bourgoin en a
rencontré une quarantaine tout au long de sa carrière (marquée
par un événement tragique), dont les vrais Henry et Otis.
L’expert parle également de ses entretiens, et livre quelques
détails sur le modus operandi des vrais tueurs en série, qui
ne ressemblent en rien aux Hannibal Lecter dans la réalité (on
se le doutait)..
Profession : Profiler
Il s’agit d’un documentaire de 52’ de France 2 (co-signé par
Bourgoin lui-même), qui suit les traces d’une femme-profiler
de la police sud-africaine, qui a quitté depuis ses fonctions.
Avec l’appui des images d’archive des autorités locales (dont
certaines assez crues), l’équipe la suit sur les traces de
trois enquêtes qu’elle avait mené, qui l’avaient amené à
dresser des portraits des tueurs qui ont permis leur
arrestation. Le documentaire souffre de quelques longueurs,
mais il offre une véracité et des propos impressionnants. Un
compte-rendu lucide au coeur de l’abîme.
Les rushes du véritable Otis Toole
C’est le document le plus « dark » du DVD. Sont ici présents 7
minutes d’extraits (non montés) d’une interview entre Bourgoin
et Otis dans sa prison. Un choc. Tout autre commentaire est
superflu.
En fond de parcours de ce DVD-5 entièrement consacré aux
bonus, on trouve les bandes-annonces de « Henry » et « Henry 2 »
(en VOST), et les biographies animées - à la manière des
fiches signalétiques policières - de McNaughton, Rooker et
Bourgoin.
Pour y avoir du grain, il y a du grain… Le film fut tourné
en 16 mm en extérieurs et dans des conditions techniques
pitoyables, et aucun encodage au monde ne pourra changer ça.
Mais es-ce vraiment un problème ? « Henry » est fidèle à lui-
même, et c’est ça qui compte. La définition est
satisfaisante et les couleurs restent toujours aussi glauques.
Quelques imperfections d’encodage ici et là.
Le son du DVD est fidèle aux conditions de tournage du film.
Imaginer à une restauration 5.1 du son serait une hérésie, et
ne ferait que détruire l’ambiance glauque et quasi
documentariste d’Henry. Les timbres et la dynamique ne seront
pas comparables aux productions contemporaines, mais c’est
pour le mieux.
Dans les limites physiques des sources, le son est très clair,
avec une discrète présence des basses. Techniquement, la VF
offre son dynamisme, mais les voix trop à l’avant se révèlent
très nuisibles pour le film. Préférez la VO !
A noter que les deux pistes audio sont en pur mono central, et
pas en dual-mono (son reparti sur les deux enceintes
frontales).