Alain Robbe-Grillet - Récits cinématographiques - Coffret 9 DVD (1963) : le test complet du DVD

Pack

Réalisé par Alain Robbe-Grillet
Avec Françoise Brion, Jacques Doniol-Valcroze et Jean-Louis Trintignant

Édité par Carlotta Films

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Le 04/12/2013
Critique

Les films réalisés par Alain Robbe-Grillet sont tous dans ce coffret, sauf un, coréalisé avec Dimitri de Clercq, Un bruit qui rend fou. Voilà qui répare une anomalie, une injustice même. En effet, l’oeuvre cinématographique du porte-drapeau du « nouveau roman » (le terme fut inventé par Émile Henriot en 1957 dans sa critique de La Jalousie) et l’auteur du scénario de L’Année dernière à Marienbad avait été complètement ignorée par le DVD en France jusqu’à l’édition par Gaumont, en octobre 2012, de C’est Gradiva qui vous appelle. Avant, c’est en Italie seulement qu’on pouvait trouver L’Homme qui ment, L’Éden et après et Glissements progressifs du plaisir et, aux USA, La Belle captive.

Le premier essai cinématographique d’Alain Robbe-Grillet c’est L’Immortelle auquel fut décerné le prix Louis Delluc en 1963. Suivront deux autres films en noir et blanc, Trans-Europ-Express et L’Homme qui ment, avec Jean-Louis Trintignant. La couleur éclate ensuite sur tous les autres films, L’Éden et après et son « anagramme télévisuel » N. a pris les dés, puis Glissements progressifs du plaisir, Le Jeu avec le feu, La Belle captive et, enfin, C’est Gradiva qui vous appelle.

Jeux de miroirs, faux-semblants, portes qui se ferment et s’ouvrent sur des espaces changeants, enchevêtrement du rêve et de la réalité, distorsions du temps et de l’espace, personnages confrontés à leur double, qui meurent pour réapparaître, femmes fantômes… créent une confusion entre réel et imaginaire, l’un des marqueurs de l’univers cinématographique d’Alain Robbe-Grillet. Ce qui a pu décourager une partie du public n’était pourtant qu’un jeu, une malicieuse espièglerie à laquelle il nous invitait à participer, sans nous fatiguer les méninges, mais en stimulant notre imagination. En effet, répondant à une question de Frédéric Taddeï : « Si quelqu’un vous disait après avoir vu L’Homme qui ment qu’il n’a rien compris, que lui répondriez-vous ? - Moi non plus ! ».

Des objets ou thèmes fétiches : lits métalliques, chaînes et cordes, verre brisé et sang répandu, chaussures de femmes perdues et retrouvées, bandeaux et bâillons, annoncent un autre marqueur du cinéma de Robbe-Grillet : les fantasmes sexuels et sadomasochistes. Jeunes filles qu’on enlève, qu’on revêt d’étoffes arachnéennes ou de robes peinant à masquer leur intimité, qu’on enchaîne aux montants du lit pour pouvoir mieux les dénuder et les soumettre à l’assouvissement de tous les désirs des hommes, désir sexuel ou désir de mort. Eros et thanatos…

Outre qu’on peut difficilement contester son sens de l’esthétique dans le choix des actrices, toutes plus belles et plus nues les unes que les autres, Catherine Jourdan, Anicée Alvina, Sylvia Kristel, Gabrielle Lazure, Arielle Dombasle…, on est aussi obligé de reconnaître qu’il sait titiller les sens en nous laissant imaginer, sans nous le montrer, ce qui pourrait se passer après qu’il ait décidé de couper net la scène pour passer à tout autre chose. On est bien loin des tristesses anatomiques du film pornographique ! À ceux qui auraient néanmoins pu être tentés de s’opposer à la diffusion de ses films au nom de la morale, Alain Robbe-Grillet rétorque « qu’on n’a peut-être pas le droit de le faire, mais on a le droit de l’imaginer. Le monde des rêves ressemble à l’autre (…) mais tout y est plus violent. ».

Recherche esthétique aussi dans la composition des cadres et les jeux de couleurs des décors ; par exemple dans L’Éden et après, celui du café rappelle les compositions de Mondrian et celui des tubulures et machines de l’usine désaffectée a été repeint à la manière du Centre Pompidou. Mais également dans l’écriture : intervention fréquente d’un narrateur pour créer une distance entre le spectateur et le film, dissociation du son et de l’image, personnages se mouvant au milieu de figurants immobilisés, cadres sans profondeur de L’Éden et après, etc.

Présentation - 5,0 / 5

L’éditeur Carlotta Films s’est, une fois encore, distingué en éditant cette quasi-intégrale à un prix raisonnable et en sortant, quelques jours après, l’extraordinaire « Edition Prestige limitée et numérotée » de La Porte du paradis. Voilà deux des plus belles éditions de l’année 2013, peut-être même les plus belles.

Les neuf disques sont logés dans huit digipacks d’une élégante sobriété, monochromes dans des tons pastel, L’Éden et après et N. a pris les dés se partageant logiquement le même étui.

Le tout vient se glisser dans un solide coffret cartonné au toucher velouté dans lequel on trouve aussi Transes, un fac-simile de la couverture du livre dans lequel Jean-Louis Trintignant cache un revolver dans Trans-Europ-Express (avec quelques photos de pinups) et un livre de 126 pages, Alain Robbe-Grillet, le voyageur du Nouveau Roman, Chronologie illustrée 1922-2008, composé par Olivier Corpet et Emmanuelle Lambert recueillant une collection de photos, de coupures de presse, d’affiches, de collages, de notes manuscrites, de petits souvenirs de rien du tout… Çà et là, le rappel des faits marquants de la vie du romancier-cinéaste.

Bonus - 5,0 / 5

Chaque film est précédé d’une introduction de 5 à 6 minutes (enregistrée en 2013) par l’épouse du réalisateur, Catherine Robbe-Grillet qui fut toujours à ses côtés pendant le tournage des films et joua dans la plupart d’entre eux. Elle nous transmet quantité d’anecdotes et des clefs utiles au décryptage de certains scénarios.

Chaque film est accompagné d’un entretien d’une demi-heure, enregistré en 2007, d’Alain Robbe-Grillet avec le journaliste et animateur de radio-télé Frédéric Taddeï. L’auteur, plein d’humour, capable d’autodérision, nous raconte comment il en est arrivé, sans réelle préméditation, à se lancer dans la réalisation de films, comment il était persuadé que l’échec commercial de L’Immortelle allait mettre un coup d’arrêt définitif à l’aventure, comment se différencie l’écriture d’un livre de celle d’un film… Avec une brillante facilité, il livre ses vues sur l’art, sur le cinéma, justifie ses options scénaristiques ou de mise en scène, dit comment il referait autrement telle ou telle scène…

Pour finir, les bandes-annonces de cinq films.

Image - 4,5 / 5

Rien ne trahit les marques du temps : pas une tache, par une rayure, pas un scintillement qui n’ait résisté à la soigneuse restauration opérée par la firme italienne RBC.

Tout au plus peut-on relever un très léger fourmillement sur certains plans en basse lumière des premiers films en noir et blanc, peut-être la rançon du respect du grain original qui n’aurait pas résisté à un lissage plus poussé.

On retrouve, sur les autres films, les couleurs éclatantes et les contrastes des copies neuves projetées à la sortie en salles.

Son - 5,0 / 5

Le son mono DD 1.0, d’une étonnante propreté, restitue avec clarté et dans un bon équilibre, dialogues, musique et bruits d’ambiance. Seul le dernier film a été doté du format DD 2.0 stéréo, qui donne une belle ampleur à la musique d’accompagnement, notamment aux extraits de Madama Butterfly.

Crédits images : © Fonds Alain-Robbe Grillet

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 4 décembre 2013
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