Réalisé par Pierre Salvadori
Avec
Catherine Deneuve, Gustave Kervern et Féodor Atkine
Édité par Wild Side Video
Antoine est musicien. A quarante ans, il décide brusquement de mettre fin à sa carrière. Après quelques jours d’errance, il se fait embaucher comme gardien d’immeuble. Jeune retraitée, Mathilde découvre une inquiétante fissure sur le mur de son salon. Peu à peu, son angoisse grandit pour se transformer en panique : et si l’immeuble s’effondrait… Tout doucement, Antoine se prend d’amitié pour cette femme qu’il craint de voir sombrer vers la folie. Entre dérapages et inquiétudes, tous deux forment un tandem maladroit, drolatique et solidaire qui les aidera, peut-être, à traverser cette mauvaise passe.
Dès son premier film Cible émouvante (1993), Pierre
Salvadori rendait hommage aux comédies anglaises, américaines
et surtout italiennes qui ont bercé son enfance en Corse et
façonné sa cinéphilie. L’apprenti-réalisateur y prenait alors
ses marques et inscrivait d’emblée des personnages réalistes
plongés dans une situation impossible voire improbable. Ce ton
décalé et fantaisiste n’a eu de cesse de s’affirmer et de
s’affiner au cours d’une filmographie savoureuse et singulière
dans le paysage cinématographique français. Les personnages
lunaires, candides, marginaux, toujours sur le fil tenu entre
le rire et les larmes, ont toujours été au centre des
histoires de Pierre Salvadori, de Cible émouvante donc,
en passant par Les Apprentis (1995), Comme elle
respire (1998), Après vous (2003), Hors de
prix (2006), De vrais mensonges (2010) -
Les
Marchands de sable en 2000 demeure à part car foncièrement
dramatique - et Dans la cour qui ne fait pas exception
à règle. Les répliques ciselées qui font mouche et les gags
souvent décalés et poétiques, mais aussi la gravité et le
tragique sont bel et bien présents dans son dernier opus,
peut-être son plus personnel.
Si l’on devait rapprocher Dans la cour d’un des autres films de Salvadori, ce serait évidemment Les Apprentis avec cette chronique tendre, drôle et amère, notamment avec ce personnage génialement interprété par Gustave Kervern, dans son premier véritable grand rôle au cinéma, un quadra qui tente de garder la tête hors de l’eau malgré tous les remous et galères qui s’accumulent. Il pense alors trouver un peu de calme en acceptant un poste de gardien d’immeuble… mais il semble que les habitants soient pour la plupart pétris d’angoisse et n’hésitent pas à déverser leur névrose sur lui. Le must est d’avoir créé le tandem improbable Gustave Kervern-Catherine Deneuve. Dans un rôle écrit spécialement pour elle, la comédienne est une fois de plus épatante dans la peau d’une femme qui devient folle d’inquiétude en une nuit, dont la fatigue et la fragilité finissent par la submerger jusqu’à ce qu’elle n’arrive plus à absorber le trop-plein de mauvaises nouvelles.
L’entraide est au centre de Dans la cour. Comme souvent dans le cinéma de Pierre Salvadori, les personnages sont empathiques, ont de la compassion, sont tournés vers les autres. Le problème dans cette histoire, c’est qu’Antoine est lui-même mélancolique, dépressif, au bout du rouleau et qu’il se retrouve à gérer la douleur ou les problèmes des autres. Ce qui ne l’aide pas malgré toute sa bonne volonté. Kervern excelle dans le registre du bonhomme compréhensif, doux et se rend utile sans arrière-pensée. Quand il rencontre Mathilde (Deneuve donc), il se rend compte que quelque chose cloche chez cette retraitée, mais il ne la juge pas une seule seconde. Le personnage est bon, il l’aide par gentillesse. Si Mathilde devient obsédée par des fissures au mur - vous avez dit Répulsion ? - elle trouve un parfait allié en la personne d’Antoine, qui va même l’aider dans ses recherches sur la possibilité que son immeuble s’écroule à cause du sol argileux.
C’est cela Dans la cour, une succession de tranches de vie, des petites saynètes inspirées, follement attachantes, bourrées de charme, peuplées d’électrons qui rentrent en collision dans un univers confiné et replié sur lui-même, d’où la présence au générique de fabuleux comédiens comme Féodor Atkine, Pio Marmai et la fidèle Michelle Moretti. En s’éloignant (momentanément ?) de la comédie sophistiquée, Salvadori s’offre une petite récréation à laquelle on participe allègrement.
Le test a été réalisé sur un check-disc. La jaquette reprend le visuel de l’affiche du film. Le menu principal est animé et musical.
L’entretien avec Pierre Salvadori (29’) s’avère franc, passionné, dense, indispensable donc. Le réalisateur évoque tour à tour la genèse de Dans la cour, le casting, les personnages, les points communs avec ses films précédents, les éléments autobiographiques disséminés dans le film. Avec Dans la cour, notre interlocuteur avoue avoir voulu se reposer après trois films très écrits, rapides, sophistiqués, chers, Après vous, Hors de prix, De vrais mensonges, surtout après l’échec commercial de ce dernier au box-office.
Ne manquez pas la douzaine de scènes coupées (15’) proposées avec le commentaire audio de Pierre Salvadori en option. Ces petites séquences prolongent le quotidien des habitants de l’immeuble et le spleen d’Antoine.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce, des liens internet et les credits du DVD.
Le master de Dans la cour est plutôt bichonné par Wild Side. Le cadre large est élégant, les couleurs soignées et le piqué suffisamment aiguisé. Les contrastes sont assurés, denses et riches, les détails ne manquent pas et la profondeur de champ est soignée. Malgré un sensible bruit vidéo sur les arrière-plans, des moirages et un léger fléchissement de la définition sur les scènes en intérieur, la copie demeure éclatante. La belle photo riche et contrastée du chef opérateur Gilles Henry, collaborateur de Pierre Salvadori depuis Cible émouvante (et même depuis son court-métrage Ménage), passe agréablement le cap du petit écran.
La piste DTS 5.1 offre un agréable confort acoustique, suffisant pour ce film, proposant une large ouverture frontale, divers effets latéraux (bruits de la circulation environnante surtout) et une petite spatialisation musicale. De son côté, la Dolby Digital 2.0 remplit aisément son contrat avec une balance des avant ferme et savamment équilibrée.
A noter la présence de sous-titres français pour sourds et malentendants, ainsi qu’une piste Audiodescription pour aveugles et malvoyants.
Crédits images : © Wild Side