Réalisé par Laurent Heynemann
Avec
Jacques Denis, Nicole Garcia et Jean-Pierre Sentier
Édité par Doriane Films
Alger, août 1956. Les « pouvoirs spéciaux » sont donnés à
l’armée.
Henri Charlègue (Jacques Denis), 38 ans, communiste militant,
vit dans la clandestinité depuis que le journal qu’il
dirigeait, Alger démocratique, seul quotidien soutenant
l’indépendance de l’Algérie, a été interdit.
En juin 1957, juste après son ami Maurice Oudinot (en réalité
Maurice Audin), un jeune professeur à la faculté des
sciences, Henri est arrêté et, malgré les efforts déployés
par sa femme Agnès (Nicole Garcia), restera pendant un mois à
la merci des parachutistes qui chercheront à obtenir la
réponse à la question : « Qui t’hébergeait ? ».
Henri oppose son silence à toutes les tourments qui lui sont
infligés : coups, privation de nourriture, d’eau, de sommeil,
tortures à l’électricité, étouffement, pendaison par les
pieds, interrogatoires sous penthotal…
Maurice Oudinot ne survivra pas à un tel traitement, mais on
prétendra qu’il s’est évadé. Henri, lui, est transféré dans
une prison où il réussit, non sans mal, à voir un avocat
auquel il remettra discrètement les feuillets manuscrits du
récit de ses souffrances, qui seront publiés aux Éditions de
Minuit, sous le titre « La question », dont 200.000 exemplaires
seront vendus avant saisie.
À la suite d’une plainte déposée par Henri, une instruction
est ouverte. Mais en raison des dénégations qui lui sont
opposées, elle n’aboutira pas à des poursuites, plus tard
rendues impossibles par une loi d’amnistie.
Henri sera enfin jugé en juin 1960, après trois ans de
détention préventive, et condamné à une peine de prison. Il
réussira à s’évader un peu plus d’un an après, à l’occasion
d’un transfert à Rennes où il était appelé pour témoigner
dans le procès visant à faire la lumière sur les
circonstances de la disparition de Maurice Oudinot.
Henri Alleg, le « vrai » directeur du journal « Alger
républicain » et auteur de « La question », dit que ce premier
film de Laurent Heynemann, alors âgé de 28 ans, donne une
représentation assez fidèle de ses mésaventures.
En dépit de quelques maladresses de style, le récit est bien
conduit et tient en haleine. Les scènes de torture sont
filmées avec pudeur. Le « héros » apparaît souvent dérisoire.
Ce parti pris de discrétion, sur fond d’une belle musique
originale d’Antoine Duhamel, renforce encore le réalisme des
scènes et l’horreur qu’elles inspirent.
Le film garde tout son intérêt, 25 ans après son tournage, 45
ans après les faits. Les récentes « confessions » du général
Aussaresses, selon lequel ce telles méthodes étaient
inévitables, ont fait revenir « La question » sur le devant de
la scène. La restauration du film a permis une nouvelle
sortie en salles fin 2001 et… l’édition du DVD.
C’est le seul film de Laurent Heynemann disponible sur DVD à
ce jour. On aimerait bien que sortent un jour « Il faut tuer
Birgit Haas » (1981), « La vieille qui marchait dans la mer »
(1991) et, avant tout, le remarquable « Les mois d’avril sont
meurtriers » (1987).
La copie restaurée donne une image au format 1.66:1 ; sans
être d’une remarquable qualité intrinsèque, elle est propre,
avec un étalonnage des couleurs satisfaisant. Le son mono, un
peu étouffé, oblige parfois à tendre l’oreille.
La durée du film est de 108 minutes ; les 150 minutes
indiquées sur le boîtier s’appliquent à tout le DVD,
suppléments compris.
Les menus sont sobres, dans le style dépouillé du film ; le
menu principal est sonorisé, avec un diaporama des principaux
protagonistes. Division en 11 chapitres avec vignettes fixes,
intitulées. Une version sous-titrée en anglais est disponible.
Les indications du boîtier keep-case pourraient être plus
détaillées : rien sur la durée du film, ni sur le format du
son et de l’image.
Les commentaires du réalisateur sont en décalage avec
le récit, souvent concentrés sur le jeu des acteurs.
Filmographies, plutôt succinctes, de Laurent
Heynemann, Jacques Denis, Nicole Garcia, et de deux autres
acteurs disparus, Jean-Pierre Sentier et Roland Blanche, qui
incarnent les bourreaux d’Henri. À épingler : « Un aller
simple », le dernier film de Laurent Heynemann date de 2000,
pas de 1997 !
Bibliographie d’Henri Alleg.
Bande-annonce, non restaurée.
Les difficultés de la restauration du film, par les
soins du Service des archives du film et du dépôt légal du
Centre National de la Cinématographie nous sont expliquées en
deux pages de texte. Un peu maigre, alors qu’on aurait pu
nous donner la mesure des résultats, en « split screen », avec
une séquence ou deux, avant et après restauration.
Les affiches des autres DVD de Doriane Films, 14 à ce
jour apparemment, nous sont présentées sur trois pages, en
format si réduit qu’il est à peine possible de déchiffrer les
titres des films. Apparaît dans la liste le remarquable film
de René Vautier, Avoir 20 ans dans les Aurès, qui
obtint le prix de la critique internationale à Cannes et dont
la sortie sur les écrans, en 1972, souleva quelques vives
réactions, cinq ans à peine après la fin de la guerre
d’Algérie.
Si vous voulez découvrir l’intéressant catalogue avec plus de
clarté, cliquez sur le lien « Doriane Films » sur la « Fiche
DVD » : vous trouverez sur le site Dvdfr.com plus de
précisions sur les DVD.
J’ai huit ans est un court métrage (8’36”, 4/3)
présentant dessins et commentaires sur le guerre d’enfants
algériens réfugiés en Tunisie, en 1961 ; ce document, réalisé
par Yvan Le Masson et Olga Poliakoff, n’obtiendra son visa de
censure qu’en 1974.
L’entretien avec Henri Alleg (27’) est, en réalité, le
seul bonus intéressant, très intéressant même, du DVD. Après
avoir milité dans les jeunesses communistes, il devint
directeur, à partir de 1949, du quotidien « Alger
républicain », qui cessera de paraître lorsqu’il sera
interdit, en 1955. C’est alors qu’il entrera dans la
clandestinité et enverra des articles à Paris. La lettre de
dénonciation qu’il adressera, de sa prison, au procureur de
la république, sera publiée dans l’Humanité et Libération,
dont les numéros seront saisis. Henri Alleg, pétillant
d’humour, mesuré dans ses propos, dit avoir été bouleversé
par le rappel des événements relatés par le film de Laurent
Heynemann, même s’il ne se reconnaît pas beaucoup dans le
personnage interprété par un Jacques Denis qui lui paraît un
peu trop placide.
Le gain de qualité résultant de la restauration ressort avec
évidence de la comparaison avec la bande-annonce, marquée par
une dominante rouge. L’étalonnage des couleurs est, dans
l’ensemble, réussi, même si, à mon goût, il tire un peut trop
sur le bleu. Peut-être est-ce un choix délibéré pour
souligner le ton glacé du récit ? L’image est assez propre,
même si subsistent quelques taches et un léger écho.
En conclusion, de la belle ouvrage, compte tenu des
perspectives de diffusion du film ! Ce qui justifie la note
attribuée, malgré les réserves.
Le son mono est acceptable, sans plus. Le spectre très étroit dans le medium donne un son étouffé qui rend certains dialogues tout juste audibles. Quelques craquements et un ronflement, pas trop gênants. Vraiment dommage que le son n’ait pas été restauré !