La Question (1977) : le test complet du DVD

Réalisé par Laurent Heynemann
Avec Jacques Denis, Nicole Garcia et Jean-Pierre Sentier

Édité par Doriane Films

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Le 20/03/2003
Critique

Alger, août 1956. Les « pouvoirs spéciaux » sont donnés à l’armée.

Henri Charlègue (Jacques Denis), 38 ans, communiste militant, vit dans la clandestinité depuis que le journal qu’il dirigeait, Alger démocratique, seul quotidien soutenant l’indépendance de l’Algérie, a été interdit.

En juin 1957, juste après son ami Maurice Oudinot (en réalité Maurice Audin), un jeune professeur à la faculté des sciences, Henri est arrêté et, malgré les efforts déployés par sa femme Agnès (Nicole Garcia), restera pendant un mois à la merci des parachutistes qui chercheront à obtenir la réponse à la question : « Qui t’hébergeait ? ».

Henri oppose son silence à toutes les tourments qui lui sont infligés : coups, privation de nourriture, d’eau, de sommeil, tortures à l’électricité, étouffement, pendaison par les pieds, interrogatoires sous penthotal…

Maurice Oudinot ne survivra pas à un tel traitement, mais on prétendra qu’il s’est évadé. Henri, lui, est transféré dans une prison où il réussit, non sans mal, à voir un avocat auquel il remettra discrètement les feuillets manuscrits du récit de ses souffrances, qui seront publiés aux Éditions de Minuit, sous le titre « La question », dont 200.000 exemplaires seront vendus avant saisie.

À la suite d’une plainte déposée par Henri, une instruction est ouverte. Mais en raison des dénégations qui lui sont opposées, elle n’aboutira pas à des poursuites, plus tard rendues impossibles par une loi d’amnistie.

Henri sera enfin jugé en juin 1960, après trois ans de détention préventive, et condamné à une peine de prison. Il réussira à s’évader un peu plus d’un an après, à l’occasion d’un transfert à Rennes où il était appelé pour témoigner dans le procès visant à faire la lumière sur les circonstances de la disparition de Maurice Oudinot.

Henri Alleg, le « vrai » directeur du journal « Alger républicain » et auteur de « La question », dit que ce premier film de Laurent Heynemann, alors âgé de 28 ans, donne une représentation assez fidèle de ses mésaventures.

En dépit de quelques maladresses de style, le récit est bien conduit et tient en haleine. Les scènes de torture sont filmées avec pudeur. Le « héros » apparaît souvent dérisoire. Ce parti pris de discrétion, sur fond d’une belle musique originale d’Antoine Duhamel, renforce encore le réalisme des scènes et l’horreur qu’elles inspirent.

Le film garde tout son intérêt, 25 ans après son tournage, 45 ans après les faits. Les récentes « confessions » du général Aussaresses, selon lequel ce telles méthodes étaient inévitables, ont fait revenir « La question » sur le devant de la scène. La restauration du film a permis une nouvelle sortie en salles fin 2001 et… l’édition du DVD.

C’est le seul film de Laurent Heynemann disponible sur DVD à ce jour. On aimerait bien que sortent un jour « Il faut tuer Birgit Haas » (1981), « La vieille qui marchait dans la mer » (1991) et, avant tout, le remarquable « Les mois d’avril sont meurtriers » (1987).

Présentation - 3,5 / 5

La copie restaurée donne une image au format 1.66:1 ; sans être d’une remarquable qualité intrinsèque, elle est propre, avec un étalonnage des couleurs satisfaisant. Le son mono, un peu étouffé, oblige parfois à tendre l’oreille.

La durée du film est de 108 minutes ; les 150 minutes indiquées sur le boîtier s’appliquent à tout le DVD, suppléments compris.

Les menus sont sobres, dans le style dépouillé du film ; le menu principal est sonorisé, avec un diaporama des principaux protagonistes. Division en 11 chapitres avec vignettes fixes, intitulées. Une version sous-titrée en anglais est disponible.

Les indications du boîtier keep-case pourraient être plus détaillées : rien sur la durée du film, ni sur le format du son et de l’image.

Bonus - 3,5 / 5

Les commentaires du réalisateur sont en décalage avec le récit, souvent concentrés sur le jeu des acteurs.

Filmographies, plutôt succinctes, de Laurent Heynemann, Jacques Denis, Nicole Garcia, et de deux autres acteurs disparus, Jean-Pierre Sentier et Roland Blanche, qui incarnent les bourreaux d’Henri. À épingler : « Un aller simple », le dernier film de Laurent Heynemann date de 2000, pas de 1997 !

Bibliographie d’Henri Alleg.

Bande-annonce, non restaurée.

Les difficultés de la restauration du film, par les soins du Service des archives du film et du dépôt légal du Centre National de la Cinématographie nous sont expliquées en deux pages de texte. Un peu maigre, alors qu’on aurait pu nous donner la mesure des résultats, en « split screen », avec une séquence ou deux, avant et après restauration.

Les affiches des autres DVD de Doriane Films, 14 à ce jour apparemment, nous sont présentées sur trois pages, en format si réduit qu’il est à peine possible de déchiffrer les titres des films. Apparaît dans la liste le remarquable film de René Vautier, Avoir 20 ans dans les Aurès, qui obtint le prix de la critique internationale à Cannes et dont la sortie sur les écrans, en 1972, souleva quelques vives réactions, cinq ans à peine après la fin de la guerre d’Algérie.
Si vous voulez découvrir l’intéressant catalogue avec plus de clarté, cliquez sur le lien « Doriane Films » sur la « Fiche DVD » : vous trouverez sur le site Dvdfr.com plus de précisions sur les DVD.

J’ai huit ans est un court métrage (8’36”, 4/3) présentant dessins et commentaires sur le guerre d’enfants algériens réfugiés en Tunisie, en 1961 ; ce document, réalisé par Yvan Le Masson et Olga Poliakoff, n’obtiendra son visa de censure qu’en 1974.

L’entretien avec Henri Alleg (27’) est, en réalité, le seul bonus intéressant, très intéressant même, du DVD. Après avoir milité dans les jeunesses communistes, il devint directeur, à partir de 1949, du quotidien « Alger républicain », qui cessera de paraître lorsqu’il sera interdit, en 1955. C’est alors qu’il entrera dans la clandestinité et enverra des articles à Paris. La lettre de dénonciation qu’il adressera, de sa prison, au procureur de la république, sera publiée dans l’Humanité et Libération, dont les numéros seront saisis. Henri Alleg, pétillant d’humour, mesuré dans ses propos, dit avoir été bouleversé par le rappel des événements relatés par le film de Laurent Heynemann, même s’il ne se reconnaît pas beaucoup dans le personnage interprété par un Jacques Denis qui lui paraît un peu trop placide.

Image - 4,0 / 5

Le gain de qualité résultant de la restauration ressort avec évidence de la comparaison avec la bande-annonce, marquée par une dominante rouge. L’étalonnage des couleurs est, dans l’ensemble, réussi, même si, à mon goût, il tire un peut trop sur le bleu. Peut-être est-ce un choix délibéré pour souligner le ton glacé du récit ? L’image est assez propre, même si subsistent quelques taches et un léger écho.

En conclusion, de la belle ouvrage, compte tenu des perspectives de diffusion du film ! Ce qui justifie la note attribuée, malgré les réserves.

Son - 2,5 / 5

Le son mono est acceptable, sans plus. Le spectre très étroit dans le medium donne un son étouffé qui rend certains dialogues tout juste audibles. Quelques craquements et un ronflement, pas trop gênants. Vraiment dommage que le son n’ait pas été restauré !

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Panasonic 36PG50F 16/9 82 cm
  • Philips 957
  • Panasonic 36PG50F
  • Enceintes frontales Energy XL-16B, arrières Sony SS-SR15, Caisson de graves Pioneer S-W150-S