Porcherie (1969) : le test complet du DVD

Porcile

Réalisé par Pier Paolo Pasolini
Avec Pierre Clémenti, Jean-Pierre Léaud et Alberto Lionello

Édité par LCJ Editions & Productions

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Le 27/07/2015
Critique

Porcherie

Deux histoires nous sont racontées. Celle d’un jeune homme au Moyen Âge : réfugié sur les flancs désertiques d’un volcan, il doit, pour survivre, se défendre d’agresseurs et se nourrir. Celle du Julian, dans l’Allemagne contemporaine : fils du riche industriel Klotz, il semble plus s’intéresser aux porcs qu’à la jeune Ida, à laquelle il est fiancé…

Porcherie est, de l’aveu même de Pier Paolo Pasolini, son scénariste et réalisateur, un de ses films les plus difficiles à analyser. Il s’en justifie, dans l’un des suppléments, en confiant : « Je fais des films difficiles, je ne sais pas pour qui, pour un spectateur idéal, intelligent et cultivé. »

Les deux histoires se déroulent en parallèle, en une alternance de scènes d’une longueur variable, parfois réduites à un seul plan, sans que le fil qui les relie soit vraiment apparent. À l’exception peut-être du destin tragique des deux personnages principaux.

Plus évident est tout ce qui sépare les deux récits. La nature hostile, désordonnée du volcan s’oppose à l’agencement symétrique des scènes contemporaines situées dans les jardins et les intérieurs d’un château, l’Aci Castello à Catane, non loin de l’Etna où ont été filmées les scènes de l’autre histoire.

Aucun dialogue dans l’histoire médiévale, à l’exception d’une confession par le jeune homme de ses crimes à la fin du film. À l’inverse, un flot de paroles inonde le volet contemporain, des échanges entre le père de Julian (coiffure et moustache à la Hitler) et deux personnages, un ami (interprété par Marco Ferreri) et un concurrent (Ugo Tognazzi), ex-criminel de guerre qui s’est fait une nouvelle identité. Et des discussions entre Julian, interprété par Jean-Pierre Léaud et Ida, par Anne Wiazemsky (qui figurait au générique de Théorème, réalisé un an plus tôt) sur leurs relations, sur le mur de Berlin…

L’étrange lien apparent est la présence, dans les deux histoires, d’un témoin anachronique, Maracchione, un habitué des films de Pasolini.

La vie de Pier Paolo Pasolini, romancier, poète et cinéaste, fut tragiquement fauchée sur la plage d’Ostie le 1er novembre 1975 (il avait 53 ans), trois semaines avant la présentation de Salò ou les 120 journées de Sodome au festival de Paris. Quarante ans après, le cinéma de Pasolini est, paraît-il, négligé par les écoles de cinéma, y compris dans son pays. Ce que l’écrivain Walter Siti expliquait en 2013 : « Il fut longtemps une icône pop, un modèle de contestation, de transgression passionnelle. Mais dans l’Italie d’aujourd’hui, dominée par le populisme, sa voix si singulière a été engloutie. »

Un film insolite sur la transgression, encore inédit sur DVD en France, à découvrir dans le catalogue LCJ Éditions.

Porcherie

Édition - 7 / 10

Test effectué sur check disc. Le menu fixe et musical (une marche militaire allemande transposée pour la harpe, avec grognements porcins !) propose le choix entre deux versions : une version italienne et une version française. L’absence de sous-titres de la version italienne limite certainement le choix. La version française a cependant ses atouts : Jean-Pierre Léaud et Anne Wiazemsky s’y expriment en français.

En supplément, Pasolini, le contesté (6’) : Michel Ramart et l’écrivain Franz André Burguet évoquent avec Pasolini le rejet par la justice de la demande de saisie pour obscénité du film Théorème (probablement son chef d’oeuvre) puis l’interrogent sur l’accueil que peut réserver le public à Porcherie. « Ce n’est pas mon problème. Pour moi, le public comprend tout. » Le film, dit-il, bien que sa forme ne soit pas contestataire, met en question capitalisme traditionnel et néocapitalisme. « Le sens du film est que la société ne punit pas seulement ceux qui désobéissent, mais aussi ceux, ni obéissants, ni désobéissants, mais mystérieux et indéchiffrables, comme Jean-Pierre Léaud ». Avec des extraits du film, cet intéressant document reste dramatiquement trop court, tout comme celui qui suit.

Le deuxième document est Pasolini, À propos de Porcherie (5’). Interrogé sur le thème du désert dans lequel erre le jeune homme du conte médiéval, déjà présent dans Oedipe roi et dans Théorème, il explique qu’il y voit un symbole de l’absolu, de l’ascèse (J’ai lu ailleurs qu’il avait confié que l’idée du désert lui était venue avec Simon du désert de Luis Buñuel, 1965). Porcherie est un film allégorique, sur la contestation, la transgression. Il justifie l’évolution de son cinéma : ses premiers films, il les destinait au peuple. Mais son cinéma a évolué comme la société italienne : « En 1969, il y a une culture de masse, avec un public composé de gens du peuple et de bourgeois. Alors, j’ai fait des films plus difficiles. »

L’image (1.78:1) est particulièrement propre avec des couleurs restées fraîches (ou ravivées par une restauration), des contrastes affirmés et une bonne définition qui n’est sérieusement mise à l’épreuve que dans les scènes les plus sombres.

Le son, lui aussi, non seulement restitue les dialogues avec clarté (dans les deux versions), mais encore vient parfaitement au service de la bande originale, notamment dans la scène ou l’industriel Klotz accompagne à la harpe le récit détaillé que lui fait son concurrent… du protocole d’exécution dans les chambres à gaz !

Porcherie

Crédits images : © LCJ

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 29 juillet 2015
Aucun lien apparent entre ces deux histoires que nous conte ce film insolite, transgressif. Cette première édition rend accessible une œuvre qui marque un tournant dans le cinéma de Pier Paolo Pasolini.

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