Les Jours d'avant (2014) : le test complet du DVD

Réalisé par Karim Moussaoui
Avec Mehdi Ramdani, Souhila Mallem et Mohammed Ghouli

Édité par Damned Films

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Le 21/09/2015
Critique

Les jours d'avant

Dans une cité du sud d’Alger, au milieu des années 90, Djaber et Yamina sont voisins, mais ne se connaissent pas. Il est si difficile de se rencontrer entre filles et garçons. En quelques jours, ce qui n’était jusque-là qu’une violence sourde et lointaine éclate devant eux, modifiant à jamais leurs destins.

Les Jours d’avant est le troisième des trois films qu’ait, à ce jour, réalisé Karim Moussaoui, qui a vécu en Algérie avant d’émigrer en France avec ses parents. Le premier film était un court-métrage de 2003, Le Petit déjeuner, repris dans les suppléments, le second, qu’il a lui-même produit en 2006, Ce qu’on doit faire, est inspiré de Lune froide, une nouvelle de Charles Bukowsky.

Bien que Karim Moussaoui nous dise que le film n’est pas autobiographique, il fut tourné à Sidi Moussa, là-même où il passa son adolescence jusqu’au bac. Il évoque, en toile de fond, la guerre civile qui ensanglanta le pays pendant une décennie.

Ces événements ne perturbent pas Djaber qui ne s’intéresse qu’à une chose, les filles. Il a, notamment, remarqué Yamina, qui n’habite pas loin. Difficile de l’approcher en dehors du lycée, bien qu’il ne la laisse pas indifférente. Une courte scène illustre le strict encadrement des relations entre garçons et filles : à l’invitation de l’épicier, Djaber accepte de porter un sac de provisions de Yamina mais marche derrière la jeune fille, à distance respectueuse, sans lui adresser la parole.

Les Jours d’avant est divisé en deux parties d’égale longueur. Dans la première, nous suivons Djader, dans la seconde, Yamina. La transition entre les deux parties n’est pas explicite : il faut attendre deux ou trois scènes et un flashback pour réaliser que les événements, tels que les avait vus Djaber, sont maintenant perçus par Yamina, plus concernée par la violence qui la menace directement : son père, policier, est une des cibles des terroristes.

Le film nous fait entrer rapidement dans le cercle familial des deux adolescents (interprétés avec beaucoup de naturel par Mehdi Ramdani et Souhila Mallem), le temps de percevoir, dans la famille de Yamina, les conventions qui gouvernent les relations entre les deux sexes. Le père de Yamina, intransigeant sur la vertu de sa fille, est surpris par celle-ci à regarder en pleine nuit un film pornographique. Dans la rue, la situation des filles n’est guère plus enviable : elles ne peuvent que baisser les yeux en réponse aux agressions verbales des garçons.

Le choix d’un air d’opéra baroque, Ah ! Mio cor de l’Alcina de Händel pour l’accompagnement musical, plutôt inattendu, en complet contraste avec le contexte du récit, se révèle pourtant une bonne idée. Pas seulement pour la beauté de l’air (apparemment chanté par Arleen Augér, bien que les crédits ne le précisent pas), mais aussi parce qu’il resserre les liens entre les deux parties du film.

Cette narration des amours impossibles de Djaber et Yasmina, joliment filmée sur pellicule 16 mm, réussit, en trois quarts d’heure, à en dire tout autant qu’un long métrage sur la vie quotidienne en Algérie à une époque difficile de son histoire.

Le long métrage à l’écriture duquel Karim Moussaoui s’emploie doit reprendre les mêmes personnages qui seront dans l’Algérie d’aujourd’hui.

Les jours d'avant

Édition - 8,5 / 10

Le DVD-9 est proposé, comme les autres éditions de Damned Distribution, dans un fin digipack sobrement dessiné. Dans la page blanche intérieure, un court texte, ici un éloge du film par Malika Rahal, historienne au CNRS. Sur le disque blanc, le titre en lettres noires.

Un menu élégant, fixe et muet, propose le film dans sa seule version originale avec sous-titres en trois langues : français, anglais et arabe.

En supplément, un commentaire du film par Karim Moussaoui, Virginie Legeay, coscénariste et productrice, et David Chambille, chef opérateur, donne d’intéressantes informations sur tous les aspects du tournage, notamment sur les cadrages et le choix des longueurs focales, la direction d’acteurs… Un petit reproche sur le son, affecté par un assez fort souffle, heureusement indiscernable dans la version audio du film.

Suit un entretien avec Karim Moussaoui (25’), intelligemment interrogé par Christophe d’Yvoire, critique et documentariste. Il rappelle comment il en est venu à réaliser ce film qui raconte un peu de son adolescence : par les nombreux films vus sur VHS (Pulp Fiction et Full Metal Jacket l’ont particulièrement marqué), par la création d’un cinéclub où étaient invités des jeunes cinéastes pour débattre avec le public… Le scénario et les dialogues du moyen métrage ont été peu modifiés pendant le tournage, sauf quelques retouches pour l’adaptation à la langue arabe et à quelques spécificités culturelles.

Vient ensuite un documentaire sur les repérages du film (27’) avec des essais du 16 mm par le réalisateur et le chef op’. Le choix d’un tournage sur pellicule visait à donner au film, par la texture de l’image et ses couleurs, un rendu plus authentique des années 90. Le visionnage d’une même séquence tournée plusieurs fois montre l’importance du choix de la focale, longue ou courte. Les repérages ont aussi permis de préparer le tournage : certains plans reprennent fidèlement ceux des essais.

Pour finir, Le Petit déjeuner (6’, 1.78, sépia), le premier court-métrage de Karim Moussaoui. Sur un accompagnement de jazz avec trombone et contrebasse, une femme prépare le petit déjeuner, dresse le couvert. L’homme se met à table, déjeune sans croiser le regard de la femme ni lui adresser la moindre parole, puis quitte l’appartement. La femme pleure. Ce qui rappelle une scène du film Les Jours d’avant, celle où Yamina sert son père : à peine rentré du travail, seul à table, il ingurgite bruyamment son potage sans un merci, sans un regard.

L’image (couleurs, 1.66:1) est très belle, avec le grain du 16 mm, sensible mais agréable. Les couleurs, soigneusement étalonnées, respectent les tons de peaux. Certaines scènes en lumière faibles sont un peu trop douces, mais sans que cela nuise jamais à la lisibilité de l’image.

Le son Dolby Digital stéréo est propre. Il assure la clarté des dialogues et donne ampleur et finesse à l’accompagnement musical. La séparation des deux voies aurait pu être plus marquée.

Crédits images : © Damned Distribution

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
8,5 / 10
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Philippe Gautreau
Le 21 septembre 2015
En 45 minutes, ce film réussit à nous faire percevoir ce qu’était la vie d’adolescents dans une petite ville d’Algérie au début des années 90, troublées par le terrorisme. Djaber et Yamina, en terminale dans le même lycée, s’aiment… sans jamais pouvoir se le dire.

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