The Lab (2013) : le test complet du DVD

S’appuyant sur son expérience soutenue de la guerre, Israël est le premier exportateur mondial d’armes de guerre. Il a, en particulier, mis au point, testé à Gaza et en Cisjordanie puis fabriqué des armes particulièrement adaptées aux combats en milieu urbain, l’origine d’une industrie devenue capitale pour l’économie du pays.

Réalisé par le journaliste Yotam Feldman en 2013, diffusé à la télévision israélienne, The Lab (le laboratoire) est une enquête approfondie sur l’industrie israélienne de la défense, essentielle à l’économie du pays : 150.000 foyers en dépendent er ses exportations se sont élevées en 2012 à 7 milliards de dollars.

Parmi les inventions,  » le fusil à tirer dans les coins « . Cette vieille plaisanterie, devenue une réalité baptisée  » Cornershot « , se vend comme des petits pains : un fusil mitrailleur M16 avec, sur la crosse repliable, un système de visée électronique et de commande du tir. Ce dispositif permet au tireur de se servir de son arme en restant hors de la vue de sa cible, derrière un abri.

The Lab fait défiler devant la caméra d’anciens généraux en retraite devenus inventeurs d’armes, industriels de l’armement, marchands d’armes, consultants en stratégie, vendant leurs produits et leur expertise tout autour du globe.

Ce qui frappe est la décontraction avec laquelle ils exercent leurs activités. Ils utilisent l’argument le plus percutant pour vanter la qualité de leurs produits : ils causent aux Palestiniens des pertes dix fois supérieures à celles subies par les Israéliens. De quoi dissiper toutes les hésitations des acheteurs potentiels.

Ces derniers sont invités par les magnats des armes à des démonstrations avec buffet et T-shirt offerts ! L’un des plus célèbres, Leo Glaser, est filmé à Rio de Janeiro où il a été appelé pour conseiller dans leur lutte contre les trafiquants de drogue les forces spéciales à l’impressionnant tableau de chasse : 1.337 morts en 2012 !

Un professeur de philosophie de l’université de Tel Aviv, Yitzhak ben Israel, est même venu en appui à cette florissante industrie en mettant au point une équation mathématique dont le facteur  » q  » désigne le pourcentage de membres  » neutralisés  » de l’organisation adverse. Selon lui, si ce facteur atteint 50%, l’organisation s’effondre complétement ; s’il atteint 25%, elle est compromise à 85%. CQFD !

Une des figures iconiques de The Lab est Shimon Naveh,  » philosophe militaire « , guide étonnement décontracté de l’un des deux villages arabes fantômes servant à l’entraînement à la guérilla urbaine. Il promeut la meilleure façon de pénétrer dans les habitations… en perçant les murs avec des armes adéquates !

On aperçoit dans l’auditoire d’une conférence Abe Foxman, le leader de l’ADL, une puissante organisation américaine de lutte contre l’antisémitisme, personnage clé d’un autre documentaire édité par Les Mutins de Pangée, également critiqué, Defamation.

Le réalisateur est discret. On le voit peu, équipé d’un matériel léger de prise en vues. Il parle peu, se contentant de filmer les loquaces marchands d’armes ou de services, apparemment en toute liberté, sauf à l’intérieur d’un salon d’armes de Tel Aviv dont il se fait expulser. C’est cette liberté et la spontanéité sans vergogne des propos recueillis qui font la force et l’intérêt du documentaire. 


Le film de 57 minutes tient sur un DVD-5 logé dans un digipack de 6 mm. Un beau menu animé et musical reprenant le graphisme de couverture propose le film dans sa version originale, en anglais et en hébreu, avec sous-titres français incrustés dans l’image et placés un peu trop haut.

En supplément, un entretien exclusif avec Dominique Vidal, journaliste et historien (15’). Il rappelle que la guerre que mène Israël depuis 70 ans a pris un tour nouveau avec l’opération  » Plomb durci  » (Cast Lead), par l’importance des moyens mis en oeuvre dans un raid massif sur la bande de Gaza dans l’hiver 2008. Le chiffre d’affaires des ventes d’armes et de conseils n’a cessé d’augmenter et atteindrait aujourd’hui 10 milliards de dollars, 5 milliards par les ventes à des états, autant à des organisations privées de sécurité, plaçant Israël au 10e rang mondial (avec 2% du marché). Il souligne l’hypocrisie, relevé dans le film par un des généraux israéliens, des états occidentaux : ils critiquent ce commerce des armes mais envoient leurs généraux assister aux démonstrations qui en sont faites et répliquent les stratégies qui y sont enseignées. Sa conclusion est que ces moyens, quelle que soit leur efficacité, ne sont encore jamais venus à bout des forces auxquelles ils s’opposent.

Suivent les bandes-annonces de cinq autres titres édités par Les Mutins de Pangée, dont Defamation, également testé par DVDFR.

L’image (1.78:1) est bien définie, stable, avec des couleurs étalonnées avec soin. On relève, cependant, que certaines archives sont déformées par un étirement en 16/9 d’un original en 4/3, notamment à 18 minutes.

Le son Dolby Digital 2.0 stéréo (pas de format 5.1, pourtant indiqué au verso du digipack) est propre et restitue clairement les dialogues.

Crédits images : © Les Mutins de Pangée