La Terre éphémère (2014) : le test complet du DVD

Simindis kundzuli

Réalisé par George Ovashvili
Avec Ilyas Salman, Mariam Buturishvili et Irakli Samushia

Édité par Blaq Out

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Le 26/07/2016
Critique

La Terre éphémère

La boue charriée par les crues du printemps crée sur le fleuve Inguri, séparant la Géorgie de l’Abkhazie, de petits îlots de terre fertile qui seront engloutis dès l’arrivée des pluies d’automne. Un vieux paysan abkhaze plante un drapeau blanc sur l’ilot qu’il a choisi pour y semer du maïs, aidé par sa petite-fille. Le calme ambiant est régulièrement troublé par le passage de soldats armés des deux camps sur de petites embarcations et par des tirs sporadiques d’armes automatiques…

La Terre éphémère (Simindis kundzuli, 2014) est le second film du réalisateur géorgien George Ovashvili, après l’inoubliable L’Autre rive (Gagma napiri, 2009) sur la recherche par un garçonnet du père dont il a été séparé par le nettoyage ethnique qui a accompagné le conflit entre la Géorgie et l’Abkhazie.

La Terre éphémère est un film hypnotique, pratiquement sans dialogues. Il faut attendre une vingtaine de minutes pour que le grand-père et sa petite-fille échangent quelques courtes phrases, avant une autre brève conversation, une demi-heure plus tard. La musique aussi s’efface devant l’accompagnement du clapotis de l’eau sur les galets, du bruissement des tiges de maïs caressées par le vent, du chant des oiseaux…

Et pourtant, le film raconte tant de choses… Le vieil homme, avant de planter son drapeau blanc pour s’approprier l’îlot, touche la terre, la sent, la goûte. C’est en regardant attentivement son grand-père que la jeune fille fait son apprentissage des gestes qu’elle reproduira avec de plus en plus d’assurance pour finir par faire sa part de travail en toute autonomie. C’est en accrochant à un mur de la cabane sa poupée de chiffon qu’elle marque sa sortie de l’enfance, le jour où elle saigne pour la première fois. Puis, quand elle s’aperçoit qu’elle attire le regard des hommes, elle court s’isoler dans la cabane et déboutonne sa chemise pour regarder sa poitrine naissante, inquiète et, à la fois, agréablement surprise de l’apparition d’une féminité dont elle ne tardera pas à tester les effets.

La Terre éphémère détaille tous les gestes de l’exploitation du fragile lopin de terre au ras de l’eau, suit leur lent enchaînement, donne la mesure du temps par la pousse du maïs, la couleur des tiges qui virent lentement du vert au beige, permettant de voir que chaque jour nouveau ne ressemble pas tout à fait au précédent.

D’étranges moments de la cohabitation silencieuse des deux personnages, le passage régulier des soldats, les changements de la couleur du temps, la cuisson sur un feu de bois des poissons capturés dans une nasse d’osier… mille petites scènes cadrées avec goût, saisies par des mouvements de caméra fluides, n’ennuient jamais. Et les coups de feu tirés par on ne sait qui, d’autres bruits furtifs, surtout la nuit, distillent une menace diffuse, d’autant plus inquiétante qu’elle est invisible.

Ce film unique a été coproduit par Guillaume de Seille, comme le remarquable film kazakh que nous avons beaucoup aimé, Leçons d’harmonie d’Emir Baigazinen en 2013, ainsi qu’Eka & Natia, chronique d’une jeunesse géorgienne de Nana Ekvtimishvili et Simon Groß en 2013 (pas encore édité en France).

La Terre éphémère est un exceptionnel film d’auteur qui atteint, dans un genre comparable, le niveau de qualité de deux autres oeuvres : Printemps, été, automne, hiver… et printemps de Kim Ki-duk (2003) et, plus encore, L’Île nue de Kaneto Shindô (1961).

La Terre éphémère

Édition - 7,5 / 10

La Terre éphémère (96’) tient sur un DVD-9 logé, comme la plupart des éditions Blaq Out, dans un élégant digipack de 7 mm. Le menu animé et musical propose le film dans sa seule version originale, avec sous-titres français (malheureusement incrustés dans l’image).

En supplément, un entretien avec le réalisateur (14’, en anglais sous-titré). George Ovashvili voit son film comme une fable universelle, celle du combat de l’homme et de la nature, toujours la plus forte. Il a cherché à élaguer les dialogues, voire à les supprimer à chaque fois qu’ils n’étaient pas indispensables à la communication entre les deux personnages. Il évoque également ses débuts difficiles : son diplôme en poche depuis 1997, il lui a fallu attendre jusqu’en 2005 l’aide d’état qui lui a permis de financer L’Autre rive, son premier film.

L’image (2.39:1) offre la meilleure définition possible sur le support DVD, avec une texture agréable, des couleurs naturelles et de beaux contrastes aux noirs denses.

Le son est au seul format Dolby Digital stéréo (sans l’alternative 5.1 mentionné au verso du digipack, au moins sur le check disc fourni pour le test). Il s’ouvre sur un large spectre et restitue avec finesse tous les bruits environnants, avec une bonne séparation des deux voies.

La Terre éphémère

Crédits images : © Blaq Out

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
7,5 / 10
Avis

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Philippe Gautreau
Le 27 juillet 2016
La Terre éphémère, un exceptionnel film d’auteur, atteint, dans un genre comparable, le niveau de qualité de deux autres œuvres : Printemps, été, automne, hiver… et printemps de Kim Ki-duk (2003) et, plus encore, L’Île nue de Kaneto Shindô (1961). Très chaudement recommandé !

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