Le Manoir maudit (1963) : le test complet du DVD

Metempsyco

Réalisé par Antonio Boccaci
Avec Annie Alberti, Adriano Micantoni et Marco Mariani

Édité par Artus Films

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Le 27/06/2016
Critique

Le manoir maudit

Alors qu’elle devait épouser le prince hindou Raman, la comtesse Irène a mystérieusement disparu. Son fantôme est aperçu par deux jeunes filles qui, poussées par la curiosité, exploraient son château mais elles en sont chassées par la comtesse Elisabeth. Le docteur Darnell et sa fille Anna qui est la réincarnation physique d’Irène, viennent s’installer dans la région car Anna est en proie à de terribles cauchemars où elle revit les tortures subies par Irène. Son père pense qu’Anna pourrait guérir à condition de revenir habiter au château, ce qui lui permettrait de comprendre l’origine de ses troubles. Le prince Raman constate avec émotion la ressemblance et lui donne son accord, provoquant la colère d’Elisabeth. Un monstre bossu et meurtrier hante cependant aussi le château. Il obéit aux ordres d’une étrange armure sous laquelle se dissimule son mystérieux maître. Un journaliste, tombé amoureux d’Anna, accepte qu’elle mène l’expérience jusqu’au bout, au péril de sa vie et de la sienne.

Le Manoir maudit (Métempsychose) (Ital. 1963) d’Antonio Boccaci est un film fantastique de série C sorti à Paris le 12 novembre 1963 qui était devenu, au fil du temps, une rareté très difficile à visionner puisqu’il était quasiment invisible au cinéma dès 1970. Il avait, certes, été programmé à une séance-bis par la Cinémathèque française mais dans une ambiance potache qui gâchait souvent la vision des oeuvres, permettant donc difficilement leur correcte appréhension historique et esthétique. Son édition DVD au format correct et en VF d’époque comble donc heureusement une lacune d’histoire du cinéma fantastique : on ne pouvait plus se contenter du commentaire méprisant voire inexact de René Prédal (Le Cinéma fantastique, éditions Seghers, Paris 1970) ou, pire encore, de l’absence de commentaire de Jean-Marie Sabatier (Les Classiques du cinéma fantastique, éditions Balland, Paris 1973). Comme la plupart des productions italiennes de cette période, les noms italiens sont dissimulés au générique sous des pseudonymes anglo-saxons. Le cinéaste Antonio Boccaci signe ainsi sa réalisation sous celui de « Anthony Kristye ». Cet usage italien aberrant (en vigueur de 1960 à 1975 environ concernant le cinéma-bis) avait été expliqué par le cinéaste Riccardo Freda dans son entretien accordé à Midi-Minuit fantastique n° 7, Paris septembre 1963, p. 19.

Le manoir maudit

Le Manoir maudit est placé esthétiquement, dès son générique d’ouverture assez beau plastiquement, sous le signe surréaliste du gothique littéraire authentique, celui du Château d’Otrante d’Horace Walpole que Paul Eluard admirait. Le fantôme d’Irène (en poétiques surimpressions), l’armure animée, la salle des tortures, le château et ses dédales filmés en profondeur de champ et courte focale, la confusion récurrente entre cauchemar et réalité (Annie Alberti interprétant à la fois le fantôme d’Irène et Anna), le monstre amoureux : tout cela évoque autant le gothique d’Ann Radcliff ou de Walpole que le surréalisme de l’âge d’or américain du cinéma fantastique des années 1930-1945.

On peut aussi, à l’occasion, discerner un certain humour noir, certes agressivement vulgaire mais néanmoins marqué du sceau du surréalisme le plus corrosif : par exemple, ces séquences mettant en scène ce policier obtus à l’uniforme ridicule à qui on fait tirer la langue ou qu’on assomme par ruse. L’érotisme et la violence sont d’une gratuité elle-même typiquement surréaliste : on est en présence d’un roman-photo ou d’une bande-dessinée pour adultes à l’écriture quasi-automatique mais, précisément pour cette raison, assez fascinante. Certaines séquences ou certains plans procurent même, au détour du montage le plus classique, brusquement la minute (ou seconde) de cinéma pur que recherchait André Bazin dans un film : la plongée sur Annie Alberti tétanisée par sa découverte de la chambre des tortures, les apparitions silencieuses du fantôme d’Irène traversant les murs ou reflétée dans un miroir, la mort de la comtesse Elisabeth percée d’une lance.

Le Manoir maudit, appartient à la lignée fantastique des films de fantômes. Son fantôme muet est primitif, moins sophistiqué que celui de La Vengeance de Lady Morgan de Pupillo ou que ceux de Les Amants d’outre-tombe de Caiano. Son temps et son espace sont historiquement et géographiquement indécis : on juge inutile de fournir une précision prosaïque. Ce primitivisme, cette désinvolture suprême résultant autant d’une volonté formelle que d’une contrainte budgétaire, font de Le Manoir maudit une sorte de degré zéro du cinéma fantastique italien qui aurait certainement intéressé Roland Barthes : les signes y vivent pour eux-mêmes. Le cadavre révélé derrière le mur qui provoque presque mécaniquement la mort de Betty est le symbole de tout le film : sa logique est celle du cauchemar d’un surmoi déréglé, la réalité n’étant posée que comme simple référence conventionnelle, dérisoire.

Le manoir maudit

Présentation - 3,0 / 5

Edition spéciale DVD Artus Films, collection gothique, sortie mai 2016. Durée 1H24min. En supplément, une présentation précise du film par Alain Petit (durée 25 min. environ), un remarquable diaporama, des bandes-annonces de quelques films de la même collection. Image au format original 1.66 respecté compatible 16/9, en VF d’époque (sauf une brève séquence inédite en VASTF). Boîtier Amaray, jaquette au recto-verso compatibles avec le restant de la collection gothique d’Artus. L’affiche belge rouge intitulée Metempsychose aurait constitué, selon moi, un bien plus beau visuel que les éléments de l’affiche française, ici reproduits au recto.

Bonus - 4,0 / 5

Une présentation du film par Alain Petit  : elle contient des informations filmographiques précises sur le réalisateur et scénariste Antonio Boccaci, l’actrice principale Annie Alberti, le producteur, le directeur de la photographie, le compositeur et situe correctement le film historiquement et esthétiquement. Le verso de la jaquette attribue faussement à Giorgio Simonelli le scénario alors qu’il s’agit de Giovanni Simonelli.

Le « diaporama » ou galerie photos est remarquable et constitue, au fond, le supplément majeur : on peut, en effet, y examiner la totalité ou presque du jeu de photos françaises d’exploitation (titrées Le Manoir maudit) ainsi que des « production stills » américaines (titrées Tomb of Torture), des photos de plateau N&B, une affiche belge uniquement titrée Métempsychose. On sait qu’Alain Petit est un des plus grands collectionneurs de photos argentiques du cinéma-bis des années 1960-1975 : en voilà encore une très belle preuve.

Films-annonces de la collection gothique d’Artus Films : elles sont d’une valeur historique inégale car certaines sont de simples montages effectués par Artus mais d’autres (Contronatura / Schreie in der Nach (Ital. 1968-1969) d’Antonio Margheriti) sont les BA originales vues au cinéma. Leur état chimique et vidéo est donc, lui aussi, très variable. Celle du Margheriti est au format Scope 2.35 bien respecté mais elle est en état physique 4 ou 5 (sur une échelle de 1 à 5 qui servait à caractériser l’état physique des copies chimiques), chargée de griffures, de poussières négatives et positives, de rayures. Qu’importe, puisque c’est un authentique document d’histoire du cinéma, portant encore sur lui les traces physiques de son exploitation. Il eût été bien inutile de le nettoyer de ces si poétiques scories chimiques et physiques.

Au total une édition spéciale très honorable, à mi-chemin entre une édition simple et une édition collector.

Image - 3,0 / 5

Format original respecté 1.66 compatible 16/9, ce qui est l’essentiel. Contraste, gestion des noirs et définition sont bons. L’image chimique est globalement en mauvais état, chargée de griffures, de « brûlures de cigarettes », de poussières négatives et positives, de rayures. Certaines séquences sont, cependant, en meilleur état que d’autres. C’est une copie chimique avec générique francophone d’exploitation d’époque qui a été utilisée.

Son - 2,5 / 5

VF d’époque en Dolby mono et une courte séquence en VASTF. L’absence de VOSTF italienne est regrettable mais l’intérêt historique de la VF d’époque compense cette lacune. Les doubleurs français sont crédités au générique francophone d’époque. Musique originale signée Armando Sciascia, parfois assez étonnante par sa modernité presque expérimentale : ainsi le générique d’ouverture, surprenant. L’effet d’allier musique moderne et thème visuel gothique est tenté, la même année et avec le même brio sonore, par le générique d’ouverture de La Vierge de Nuremberg d’Antonio Margheriti.

Le manoir maudit

Crédits images : © Artus Films

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Panasonic FullHD
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Sony
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p