Allo... Brigade spéciale (1962) : le test complet du DVD

Garland « Red » Lynch harcèle Kelly, une employée de banque. Il ne lui laissera la vie sauve qu’à la condition qu’elle détourne une forte somme d’argent à son profit. La victime fait appel à l’inspecteur John Ripley.

Blake Edwards n’est pas que le réalisateur de comédies mythiques, sophistiquées et désopilantes comme les Panthère rose, du moins jusqu’à La Malédiction de la Panthère Rose en 1978, Vacances à Paris, Qu’as-tu fait à la guerre, papa ?, The Party et Boire et déboires. C’est aussi le metteur en scène de films plus « sérieux » comme Deux hommes dans l’ouest, Le Jour du vin et des roses, Opération clandestine, Top Secret et surtout ce merveilleux film noir qu’est Allô… brigade spéciale, titre français absurde d’Experiment in Terror. Après Operation Jupons (1959), Une seconde jeunesse (1960) et Diamants sur canapé (1961), soucieux de ne pas être enfermé dans le registre de la comédie, Blake Edwards désire montrer qu’il est capable d’aborder un autre genre. Il jette son dévolu sur un roman policier écrit par le couple Gordon (Mildred et Gordon), qui signe d’ailleurs l’adaptation, une histoire sombre entre un maître-chanteur (Ross Martin, avant d’incarner Artemus Gordon dans la série Les Mystères de l’Ouest) qui impose à une jeune femme (Lee Remick) de détourner une somme importante de la banque dans laquelle elle travaille. Faute de quoi il s’en prendra à sa jeune soeur Toby (Stefanie Powers). Elle se tourne alors vers un agent du FBI (Glenn Ford) qui organise la traque de cet homme inconnu, dont la seule particularité relevée par la femme menacée est une respiration sifflante, saccadée et asthmatique. L’enquête se met en route, mais le psychopathe, qui a avoué deux précédents meurtres, semble bien déterminé.

Un film comme un coup de gueule contre les critiques qui ne voyaient en lui qu’un « faiseur de farces ». Blake Edwards souhaite ici démontrer toutes ses connaissances techniques et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il soigne chaque plan, chaque cadre, et qu’il s’entoure de talentueux collaborateurs. La magnifique photographie est signée par le mythique chef opérateur Philip H. Lathrop, fidèle à Blake Edwards depuis Vacances à Paris jusqu’à Peter Gunn, détective spécial. Un des plus beaux N&B des années 60 et qui subjugue dès l’ouverture. Par ailleurs, le générique, est bercé par la non moins sublime partition signée Henry Mancini. Le ton est donné dès les credits, le spectateur n’est pas là pour rigoler. San Francisco est montrée comme une ville inquiétante, où la violence peut survenir à chaque coin de rue, ou ici au bout d’une ruelle sans issue du quartier de Twin Peaks, qui serait d’ailleurs à l’origine du titre de la série de David Lynch et de Mark Frost.

Avec une précision quasi-documentaire, le cinéaste montre comment s’organisent les autorités pour mettre la main sur un déséquilibré. Les écoutes téléphoniques, les filatures, les surveillances, les poursuites s’enchaînent sans aucun temps mort, avec un malaise toujours présent. Le titre original, Experiment in Terror, issu d’une réplique du film, démontre la raison d’être de ce long métrage pour Blake Edwards, qui use du film noir, pour démontrer toute la pluralité et la virtuosité de son talent. Du générique en passant par la première menace dans le garage, sans oublier l’angoissante séquence des mannequins et le piège tendu à la fin dans un stade bondé, Allô… brigade spéciale est un film qui marque et qui a inspiré moult réalisateurs, à l’instar de Don Siegel pour L’Inspecteur Harry et même Henri Verneuil pour Peur sur la ville, ce qui n’est pas rien !

Sorti en 1962, Allô… brigade spéciale n’est certes pas le film le plus connu et le plus emblématique de son metteur en scène, mais s’avère un de ses plus remarquables longs métrages et probablement un des plus grands thrillers de cette décennie. Exceptionnel.

Disponible chez Sidonis Calysta, Allô… brigade spéciale intègre la collection Film Noir. Le visuel de la jaquette est très attractif et soigné, tout comme la sérigraphie du DVD. Le boîtier est glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est quant à lui animé et musical.

Au menu des suppléments, nous retrouvons les fidèles et éminents Bertrand Tavernier (26’), Patrick Brion (8’) et François Guérif (18’), qui réalisent tous les trois une présentation d’Allô… brigade spéciale. Ces trois exposés se complètent parfaitement.

Le premier, plus dense, démarre par un mea culpa de Bertrand Tavernier, qui avoue qu’il considérait le film de Blake Edwards comme « prétentieux visuellement, avec un certain mépris du genre et des cadrages inutilement alambiqués  et superflus ». C’est sous pression d’Alain Carradore, président de l’entreprise Sidonis Production, que Bertrand Tavernier, tout d’abord réticent, a finalement accepté de réaliser ce bonus après avoir revu et donc redécouvert Allô… brigade spéciale. Il passe ainsi en revue la photo et les partis pris de Philip H. Lathrop, la musique signée Henry Mancini, le scénario écrit par Les Gordon, le casting, la mise en scène, tout en mentionnant tout de même quelques facilités dans l’histoire.

Patrick Brion est un peu plus concis, mais explique notamment pourquoi Blake Edwards a entrepris de réaliser le thriller Allô… brigade spéciale à ce moment précis de sa carrière, jusque-là jalonnée de succès et de triomphes dans la comédie. Le critique évoque ensuite la mise en scène et de l’aspect technique du film, ainsi que le traitement des personnages.

C’est ensuite au tour de François Guérif, critique de cinéma, éditeur et directeur de la collection Rivages/Noir, de revenir sur Allô… brigade spéciale. Si quelques propos reprennent quelques arguments entendus durant la présentation de Patrick Brion, François Guérif s’attarde surtout sur le caractère expérimental du film pour Blake Edwards, mais également sur l’importance des décors urbains et de l’influence d’ Allô… brigade spéciale sur d’autres thrillers, à l’instar de L’Inspecteur Harry de Don Siegel.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce (vo) et une galerie de photos.

Ce master restauré au format respecté 1.85 d’Allô… brigade spéciale, jusqu’alors inédit en France, est on ne peut plus flatteur pour les mirettes. Tout d’abord, le splendide N&B de Philip H. Lathrop retrouve une densité inespérée dès le mythique générique en ouverture. La restauration est indéniable, aucune poussière ou scorie n’a survécu au scalpel numérique, l’image est d’une stabilité à toutes épreuves. Les contrastes sont fabuleux et le piqué n’a jamais été aussi tranchant. Si les puristes risquent de rechigner en ce qui concerne le lissage parfois trop excessif du grain original, le cadre fourmille de détails et cette très belle copie participe à la redécouverte de ce chef d’oeuvre.

L’éditeur nous propose les versions anglaise et française d’Allô… brigade spéciale Passons rapidement sur cette dernière, moins dynamique, qui a toutefois bénéficié d’un nettoyage aussi complet que son homologue. Evidemment, notre préférence va pour la version originale, plus homogène et naturelle, tout aussi propre, sans souffle parasite. Le confort acoustique est largement assuré, d’autant plus que la piste anglaise bénéficie également d’un remixage Dolby Digital 5.1 en plus de celle disponible en 2.0 d’origine. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue verrouillé.

Crédits images : © Sidonis Calysta