Le Labyrinthe des rêves (1997) : le test complet du DVD

Yume no ginga

Réalisé par Sogo Ishii
Avec Rena Komine, Tadanobu Asano et Kotomi Kyôno

Édité par ED Distribution

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Le 06/02/2017
Critique

Le Labyrinthe des rêves

Dans le Japon des années 30, le bruit court qu’un jeune conducteur de car tue ses équipières en provoquant des accidents de la route, peu après leur avoir proposé le mariage. Tomiko, receveuse, est l’équipière de Niitaka, nouveau venu qu’elle soupçonne d’être le tueur en série et l’assassin de son amie Tsuyako, dont elle jure de venger la mort. Mais elle ne peut résister à son attirance pour le troublant jeune homme.

Le Labyrinthe des rêves (Yume no ginga) adapte en 1997 une nouvelle tirée d’un recueil intitulé L’Enfer des jeunes filles, de Yumeno Kyusaku, un écrivain particulièrement inspiré par la condition féminine au Japon.

Le Labyrinthe des rêves est le septième long métrage de Sogo Ishii (Gakuryû Ishii pour l’état civil), surnommé « le cinéaste punk » pour le choix des accompagnements musicaux (il a fait partie d’un groupe de rock), pour le choix des thèmes et d’une écriture filmique agitée, dont un de ses premiers films, Burst City (Bakuretsu toshi, 1982) serait la synthèse la plus emblématique.

Le Labyrinthe des rêves présente des caractéristiques tout à l’opposé de ce genre, avec de longs plans fixes, sans musique, dans lesquels les personnages sont silencieux ou n’échangent que quelques mots.

Le Labyrinthe des rêves

Le scénario, écrit par Sogo Ishii, laisse planer le doute sur la vraie nature de Niitaka : est-il l’assassin de Tsuyako, est-il même le tueur en série désigné par la rumeur publique ? On ne le saura jamais. La jeune femme est partagée entre la peur et son irrésistible attirance pour Niitaka, peut-être à l’image des phalènes attirés par une lampe au risque de s’y brûler les ailes, une séquence récurrente du film.

Une ambiguïté entretenue par l’économie de dialogues entrecoupés de longs silences, la lenteur de l’action, le choix d’une image aux contrastes adoucis font l’originalité, l’étrangeté pourrait-on dire, d’un film discrètement inquiétant qui laisse aussi le souvenir d’un grand raffinement esthétique.

Deux autres films de Sogo Ishii sont disponibles en France sur DVD : Gojoe, le pont de l’enfer (Gojô reisenki: Gojoe, 2000), un mix d’arts martiaux et de fantastique, et Mirrored Mind (Kyôshin), la version longue d’un moyen métrage formant l’une des trois parties d’un film à sketches, Jeonju Digital Project (2004).

On aimerait pouvoir trouver un jour dans nos bacs Angel Dust (Enjeru dasuto, 1994) et August in the Water (Enjeru dasuto, 1995) qui forment, avec Le Labyrinthe des rêves, la trilogie sur les femmes de Sogo Ishii.

Le Labyrinthe des rêves

Présentation - 3,0 / 5

Saluons, à l’occasion de cette sortie, la valeur ajoutée des éditeurs indépendants qui assurent la diffusion d’un cinéma d’auteur négligé par les majors. C’est aussi grâce à ED Distribution que nous avons pu découvrir un autre insolite film japonais, De l’autre côté de la porte (Tobira no muko, 2008) et que nous pouvons maintenant accéder à plusieurs films de Guy Maddin, notamment à La Chambre interdite, emblématique de son cinéma.

Le Labyrinthe des rêves (90 minutes) et ses généreux compléments (50 minutes) tiennent sur un DVD-9.

Le menu fixe et musical, propose le film dans sa seule version originale (Dolby Digital 2.0), avec sous-titres optionnels, placés un peu trop haut sur l’image.

Bonus - 4,5 / 5

En supplément, quatre intéressants documentaires, spécialement produits pour cette première édition du film en France, par Badlands Productions et par ED Distribution.

Une interview de Sogo Ishii par Yves Montmayeur (14’) offre l’occasion au réalisateur de dire son estime pour Yumeno Kyusaku qu’il considère comme son « grand-père spirituel » et d’expliquer son choix d’une rupture avec son écriture antérieure, en optant, par une sorte de défi, pour des plans très longs, souvent fixes, et de longues pauses dans les dialogues ou l’accompagnement musical. Il dit aussi avoir été influencé par le cinéma de Rainer Werner Fassbinder et de Jean-Pierre Melville, qu’il cite avant quelques autres. Il tient à ce que son cinéma reflète la réalité en opposition au mensonge : il s’est souvent imposé au Japon pour soutenir les traditions qui ont longtemps pesé sur la condition des femmes…

Suivent quatre brillants entretiens avec Robin Gatto, spécialiste du cinéma nippon et auteur de Hideo Gosha, cinéaste sans maître, en deux tomes (LettMotif, 2014, 700 pages).

Sogo Ishii, cinéaste punk (8’) retrace les débuts de Sogo Ishii. Ayant attiré l’attention des studios Nikkatsu par un court métrage en 16 mm filmé alors qu’il était encore étudiant, il obtint le financement de son premier long métrage, Koko dai panikku (Panique au lycée, 1978), sans devoir passer par un long stage d’assistant réalisateur.

De Yumeno Kyusaku à Sogo Ishii (8’) expose la communauté de pensée de Sogo Ishii avec un écrivain qu’il admire, intéressé par les femmes et qui a dépeint, tout à la fois, la beauté et la cruauté destructrice de ses personnages. Le réalisateur a, toutefois, choisi de présenter Tomiko comme un personnage fort et d’inverser la fin de la nouvelle.

La femme chez Sogo Ishii (9’) évoque la trilogie féminine citée plus haut et rappelle le difficile parcours des femmes japonaises, éduquées pour être soumises, dans la conquête de leur indépendance.

Enfin, Influences (11’) parle de l’impact sur le film du cinéma de Miiko Naruse, en particulier de Nuages flottants (Ukigumo, 1955), l’histoire de deux amants vivant un amour impossible, hantés par l’idée d’un double suicide, dans laquelle la femme se révèle plus forte que l’homme. Mais il a aussi été influencé par Kenji Mizoguchi et Yasujirô Ozu.

Pour finir, la bande-annonce du film De l’autre côté de la porte, une autre édition ED Distribution sortie en septembre 2015.

Image - 4,5 / 5

L’image (1.85:1), lumineuse, propose un noir et blanc délicat, avec des contrastes délibérément atténués. Le grain argentique a été respecté, au léger prix d’un discret bruit vidéo, occasionnellement décelable sur les fonds de ciel.

Son - 4,5 / 5

Le son (Dolby Digital 2.0), d’une bonne clarté, assure un bon équilibre entre dialogues et accompagnement musical, avec une restitution fine des bruits de la nature dans les scènes en extérieur et, aussi, des inévitables bruits parasites du son direct, à ne pas confondre avec du souffle.

Le Labyrinthe des rêves

Crédits images : © ED Distribution

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 6 février 2017
Le Labyrinthe des rêves, ambigu, étrange, entre rêve et réalité, discrètement inquiétant, laissera le souvenir d’un grand raffinement esthétique. Un film d’auteur à découvrir.

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