Réalisé par Peter Segal
Avec
Adam Sandler, Jack Nicholson et Marisa Tomei
Édité par Sony Pictures
« Self Control » est une comédie comme vous n’en avez que
(trop) rarement vue ! Et je ne parle pas de la
réalisation qui n’a rien à envier aux épisodes de « Papa La
Bricole » ou bien d’une « Nounou d’Enfer » car de ce côté-là,
on assiste avec Peter Segal aux commandes
(Y a-t-il un flic pour sauver Hollywood ?, La
Famille Foldingue…) à un exercice d’un classicisme le
plus achevé. Non je parle de bien autre chose qui fait que le
film échappe à un instant T à son réalisateur pour prendre
une dimension, une ampleur, une signification surpassant tout
ce qui avait pu être imaginé au départ. « Self Control » est
plus qu’une simple comédie réjouissante. C’est une leçon de
cinéma !!!
Première raison : l’idée. Impossible de manquer son
objectif (captiver, dérouter et amuser) avec une idée
pareille. Imaginez un instant qu’un type tout ce qu’il y a de
plus normal soit taxé de fou dangereux au comportement
compulsif et violent. Imaginez que la société le marginalise
et que les tribunaux le condamnent à suivre une thérapie.
Imaginez enfin que cet homme soit affublé d’un psychiatre
franchement dérangé qui le squatte, l’excite, le tyrannise
pour finir par tenter de lui souffler sa petite amie.
Inimaginable me direz-vous ? Et pourtant c’est le
ressort loufoque et prometteur de cette étrange comédie.
L’idée implique des milliards de possibilités issues d’une
foultitude de paramètres. Prenez par exemple ce pauvre type.
Qu’a-t-il fait ? Comment va-t-il pouvoir se
disculper ? Quelle stratégie pour sortir des griffes du
docteur siphonné ? Quel avenir dans son
entreprise ? L’idée se transforme ici en McGuffin (pour
reprendre un terme éminemment Hitchcockien). C’est parce que
le patient est pris pour un fou que son aliéné de psychiatre
(considéré comme sain d’esprit) va pouvoir l’amener à
réaliser des choses démentes. La thérapie sur le contrôle de
soi devient ici le déclencheur de l’histoire (le Mc
Guffin).
De cette idée aux multiples ressorts, le scénario découle. Un
scénario rôdé à la mécanique bien huilée qui met en scène
suffisamment de situations pour renouveler le rire et
dynamiser l’ensemble. Mais sous ses airs d’apologie du rêve
américain, « Self Control » révèle un tortueux penchant à
l’auto-dérision et au second degré. Prenez l’exemple des
scènes avec le chat. Un chat à la surcharge pondérale
tellement prononcée qu’il faut créer une ligne de vêtements
dans l’unique but de masquer son obésité. Voilà comment sont
perçus les animaux familiers des américains. Autre scène,
autre exemple, les moines bouddhistes originellement
défenseurs de la non-violence et qui, poussés à bout par
l’intervention du tandem Sandler / Nicholson finissent par se
révolter jusqu’à chasser nos deux compères à coups de pelles
et de râteaux. Et que fait-on du respect face aux
cultes ? Enfin la scène du flirt est un modèle
d’utilisation de la femme comme simple objet. Bref…plans
après plans, le duo Segal (réalisateur) / Dorfman
(scénariste) distille une irrévérence appréciable en forme
pieds de nez aux standards cinématographiques de la comédie
U.S. Jamais « Self Control » n’endossera le rôle du manifeste
« anti politiquement correct » mais on y rit de tout et de
tous. N’est-ce pas sain ? N’est-ce pas frais de troquer
le « Think Right » (pensez bien) pour le « Think different »
(Pensez différemment) ? C’est en tous les cas ce qui
fait le sel de ce scénario qui n’hésite aucunement à
transgresser les règles au profit d’un contre-courant
stimulant et réconfortant. La forme la plus abjecte de la
censure n’est-elle pas l’auto-censure ? Et tant pis si
ça fâche ! Cette comédie est habitée par l’esprit des
frères Farrelly (Mary à tout
Prix, Fous d’Irène…) et c’est ce qui en fait le
sel.
Comme la plupart des Farrelly comédies, « Self Control »
observe la société américaine et y puise dans ce qu’elle a de
plus délirant son inspiration. Les programmes pour éviter les
débordements dus à la colère sont un véritable phénomène de
société aux Etats-Unis. Nombre d’américains, soumis au stress
de la Grosse Pomme (alias New York) se réfugient dans ces
thérapies qui portent le nom de « Anger Management ». Ils
apprennent à y contrôler leurs pulsions. L’objectif :
éviter de constituer une menace pour la société. Sur des
fondations (étonnamment) bien réelles, « Self Control »
tricote une (stupéfiante) idée et engendrent un scénario
malin. Les Farrelly ont ouvert la voie, les frères Weitz
(American Pie, Pour un garçon…) s’y sont
engouffrés, le duo Segal / Dorfman renouvelle intelligemment
le concept. Leur trouvaille : faire se télescoper
l’humour scabreux de Los Angeles et l’univers New-Yorkais.
Incompatibles me direz-vous ? Oui et c’est pourquoi
« Self Control » réussit brillamment l’entreprise parce qu’il
fait reposer l’humour sur cette fondamentale incompatibilité,
extrayant de la rencontre entre ces deux mondes une
savoureuse opposition pour ne pas dire un légendaire
face-à-face.
On en vient tout naturellement à s’interroger sur la
bizarroïde association entre Jack Nicholson (monstre sacré)
et Adam Sandler (le comique qui monte). Elle couronne cette
idée force d’opposition entre deux milieux, deux cultures,
deux êtres au demeurant incompatibles. D’un côté, une figure
de proue du cinéma à l’ensorcelante personnalité et à
l’incontestable démesure. De l’autre, un agaçant Pygmalion au
charisme douteux et au talent approximatif. L’un prendra-t-il
sur l’autre l’ascendant ? En aucune manière, Bien au
contraire ! De la différence naît l’irrépressible
inclination pour l’affrontement. Sandler et Nicholson l’ont
compris, leurs personnages font appel à un stimulant
antagonisme. Qui sera le dominé et qui sera le
dominant ? Peut-être pas celui qu’on pense et à ce petit
jeu, tous les coups les plus retors sont permis. Les acteurs
dépassent alors le cadre du scénario et improvisent. Ca se
voit, ça se sent et par-dessus tout ça s’entend (cf. la scène
du lit). Le film tout entier finit par échapper à son
réalisateur. Sandler et Nicholson, pris dans la stimulante
compétition qu’appellent leurs personnages, rivalisent
d’imagination et s’approprient chacune des scènes.
L’équilibre en est rompu au profit d’une explosion de
sentiments les plus divers. Le film prend vit et réussit son
pari : rendre le spectateur furax de bonheur.
Mais pourquoi est-il si jouissivement méchant ???
Parce que !!!
Ouverture sur le thème de la variation psychanalytique avec
musique d’ambiance et test de Rorschar. Dès l’introduction de
la galette dans le lecteur, les menus de « Self Control »
prennent en charge le patient. Humour et soin sont ici
prescrits à haute dose par l’éditeur afin d’accroître chez le
dévédéphile plaisir, confort et ergonomie dans la navigation.
Hormis certaines transitions franchement ratées et de rares
sous-menus fixes et tristounets, l’ensemble trahit une
volonté de bien faire et vous invitera à découvrir tous les
trésors que contient cette édition.
Bandes-annonces, scènes coupées, making of et commentaire.
Voilà qui comblera les attentes légitimes du dévédéphile
avide de suppléments et enrichira cette édition qu’on peut
sans complexe qualifier de collector. Quant à la qualité
technique, Columbia persiste et signe en livrant là un
travail remarquable. A noter l’excellence en termes de son
qu’accompagne une image à tous points de vu irréprochable.
N’ayons pas peur des mots, cette édition est un exemple.
L’éditeur a tenu pour l’occasion à lier forme et fond,
clarifiant ainsi la nature et le genre du film. Une
initiative heureuse qui lui avait cruellement fait défaut
lors de sa sortie en salles. Seule ombre au tableau ; Où
est passé Big Jack ? Pas un début de commencement de fin
d’une interview de Jack Nicholson. C’est dommage ! On
aurait aimé avoir son sentiment sur son talentueux
cabotinage. Aurons-nous la chance une prochaine fois ?
4, je mets 4 ! Non pas qu’il y ait des bonus à foison.
Pour l’insatiable dévédéphile que je suis, il n’y en a jamais
assez. Mais parce que l’éditeur a ici consenti un réel effort
de personnalisation et ça se voit ! L’équipe du film
(Nicholson mis à part) a pris un malin plaisir à colorer ces
suppléments d’une saine et communicative bonne humeur, allant
même jusqu’à y ajouter un jeu (de bonne facture) dans lequel
ce sont eux qui vous posent des questions afin de vérifier si
vous avez bien saisi l’esprit du film. Bref…à la fin du
visionnage, il va y avoir interro et nous verrons bien alors
tous ceux qui n’ont rien suivi (ceux-là même bien installés
au chaud près du radiateur ! ! !). L’absence
d’un commentaire de Jack Nicholson himself se fait
cruellement ressentir tout comme l’absence en fin de jeu d’un
bonus caché ou bien d’un reprotage rapide mais instructif sur
de véritables séances de « Anger Management ». Mais
bon…c’est histoire de suggérer !…pour une édition
ultimate…peut-être ?
Les Scènes coupées (10’11 VOST)
Section fort réjouissante avec son cortège (4 au total) de
scènes montées, sonorisées…bref retravaillées. Mais
attention ! Hors de question de vous présenter des bouts
de scénettes qui n’ont ni queue ni tête. Les gags qu’elles
mettent en lumière sont drôles, formidablement bien amenés et
l’on se demande même pourquoi certains d’entre eux ont été
coupés au montage…Notamment celui de l’automobiliste
barraqué et celui qui transforme le simple caméo de Mc Enroe
en véritable rôle (le face-à-face Nicholson / Mc Enroe est à
mourir de rire). Le tout est présenté en dolby surround et
vous fait regretter de ne pas avoir les commentaires (du
réalisateur, du scénariste, des acteurs ou du producteur)
pour expliquer ces coupes sombres dans le montage…elles
avaient leur place ! A-t-on sacrifié au rythme, à la
durée, au sens ? Allez…donnez-nous un petit, un
minuscule, une larve d’indice quoi ?
Le Making of (20 minutes environ - VOST)
Au nombre de deux, ils constituent le corps de ce DVD. On
passera très vite sur le second making of de 4 minutes
environ et qui s’apparente tout au plus à une ôde au monstre
sacré qu’est Jack Nicholson, tout au moins à un pitoyable
exercice de je-te-passe-de-la-brosse-à-reluire, exercice ô
combien fréquent dans ce monde merveilleux qu’est Hollywood.
A ce jeu-là, Marisa Tomeï (charmante au demeurant) décroche
le ponpon avec son florilège de compliments. Et qu’il est le
meilleur ! Et qu’il est le plus grand ! Et qu’il
est le plus gentil ! Qu’elle est serviable cette Marisa.
Ni une biographie, ni un portrait, ni un véritable
sujet…c’est juste une honteuse séance de
tout-le-monde-se-lève pour Big Jack…Pathétique, ennuyeux,
inutile et navrant. Le premier making of est en revanche fort
intéressant car au lieu de vous réexpliquer niaisement le
film (ce qui est trop souvent le cas), le documentaire met
l’accent sur le casting, le style (au travers du travail
discret mais essentiel du chef décorateur), la construction
des personnages et la place importante laissée à
l’improvisation. Vous verrez comment une oeuvre peut
heureusement échapper à son réalisateur pour fuir une
réalisation académique et s’appuyer sur l’extraordinaire
alchimie développée par les acteurs. A voir
absolument !
Le Bêtisier (5’35 VOST)
Se dégage de ce bêtisier une bonne humeur évidente avec
improvisations et talents d’acteurs à la clef. C’est
généralement une section qui fait la part belle aux gaffes et
aux fous-rires. Ici, on a le droit en plus aux cabotinages de
Big Jack dont la personnalité a clairement influé sur le ton
et l’ambiance du film. Il se prête au jeu, se trompe à
dessein, interrompt, recommence, déstabilise les autres
acteurs…en un mot Big Jack a mis le feu sur le plateau…La
preuve en images…
Bande-annonce (1’24 VOST)
Des bandes-annonces encore et encore. Des bandes-annonces
comme s’il en pleuvait ! Joli retravail sur le son et
l’image car toutes sont présentées en Dolby Digital 5.1. Vous
l’aurez compris, seule la bande-annonce du film nous
intéresse d’où le minutage de cette section (1’24). Les
autres, parmi lesquelles vous trouverez Bad Boys II,
Charlie’s Angels : Les anges se déchaînent et « Gigli », sont
de la promotion. On ne dira jamais assez combien il est
agréable de regarder un belle bande-annonce, même après avoir
100 fois vu le film. C’est un de ces petits plaisirs de
cinéphiles cousin de celui qui vous fait demeurer dans une
salle, à la fin du film, pour regarder le générique en
entier. Bien agréable ! ! !
Piqué exceptionnel, précision du plan, contraste appuyé des
couleurs. Même si « Self Control » ne nécessitait pas une
technicité hors pair, l’éditeur nous a gratifié d’une image
adaptée au ton du film. Les blancs froids s’opposent au rose
chaleureux des visages, ce qui permet au dévédéphile
d’adhérer très rapidement aux situations et de s’identifier
aux personnages. Lorsque Sandler bout, nous bouillons avec
lui. Lorsque le cadre est chaleureux, nous nous détendons
avec lui. Lorsque son teint blêmit jusqu’à se confondre avec
la pâleur des murs, nous déprimons avec lui.
Quant à la compression, elle est tout simplement éblouissante
avec juste ce qu’il faut de qualité pour offrir aux champs
détails et profondeur. Jamais, en quelque occasion que ce
soit, la chrominance n’est pris en défaut et les jeux de
lumière (cruciaux pour dessiner sur le visage de Nicholson
toute l’ambiguïté du personnage) sont ici parfaitement
retranscrits. L’image offre de très beaux instants de poésie
et manipule avec bonheur les émotions que « Self Control »
nous amène à ressentir. Une note de 5 est encore trop basse
pour une telle excellence ! ! !
Côté bande son, même punition ou devrais-je dire même
récompense ! ! ! Enveloppante, chaleureuse,
elle sait tour-à-tour soutenir l’exaspération, la
satisfaction, la tristesse et la joie…de belles envolée
lyriques pour un film à la musicalité poétique. La scène
d’ouverture, celle de l’arrivée de Jack dans l’appartement ou
bien encore celle dans l’enceinte du Stadium prennent une
dimension supplémentaire grâce à la sonorisation (là encore)
très singulière du film ; sélection de chansons kitschs,
nostalgiques et cependant bien modernes.
Un seul et unique mixage, le Dolby Digital 5.1, pour la VF et
la VO. Pas de différence notable si ce n’est qu’il est
préférable de regarder le film en français. Hérésie me
direz-vous ? ? ? Ben oui ! ! !
La voix de Nicholson est (en français) tellement chaleureuse
et celle de Sandler (en anglais) si désagréable que le
doublage français (de très bonne facture) aura le bon goût de
vous rendre le film encore plus agréable !
Bon DVD à toutes et tous…j’ai dit BON DVD..non
mais ! ! !