Monsieur Schmidt (2003) : le test complet du DVD

About Schmidt

Édition Prestige

Réalisé par Alexander Payne
Avec Jack Nicholson, Hope Davis et Dermot Mulroney

Édité par Metropolitan Film & Video

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Le 02/02/2004
Critique

« Monsieur Schmidt » ne ressemble à aucun autre film. Voilà comment résumer en une phrase l’impression que vous laisse cette rencontre (du 3ème type ?). Inutile de chercher de fumeuses comparaisons, le propos, la réalisation, l’interprétation, tout concourt à ce que « Monsieur Schmidt » entre au panthéon des oeuvres originales. Et ça commence dès l’introduction dans laquelle Payne (réalisateur jusqu’ici méconnu du grand public), sans perdre une minute, filme un Schmidt le nez rivé à son horloge, attendant la dernière seconde pour partir en retraite. Ensuite, tout s’enchaîne à la manière de ces bandes dessinées underground. Schmidt au dîner de départ en retraite, Schmidt à la maison, Schmidt sur la route, Schmidt et sa future belle-famille… enfin bref du Schmidt en veux tu en voilà ! Autour de lui, une galerie de personnages extravagants, proches de la caricature utilisée pour forcer le trait d’existences absurdes, vides, engluées dans un misérable quotidien, incapables de la moindre sollicitude.

Porté par un scénario extensible qui associe émotion, gags et action, « Monsieur Schmidt » vacille entre fable humaniste et road movie. Chemin faisant, il en profite pour ménager de courtes plages réservées à la comédie et s’attaque de plus bel au sujet qui l’obsède ; la crise du sexagénaire à la retraite. Humaniste oui, optimiste non ! Autant le dire tout de suite, « Monsieur Schmidt » n’a rien de l’oeuvre légère et enlevée. Habité par un héros (?) fataliste, le film profondément introspectif s’obstine à traiter des rapports qu’entretiennent l’homme et ses congénères face à la vieillesse, la solitude et la mort. Et si le sujet ne vous a pas plombé le moral, l’interprétation se charge de le faire. Du coup, ce qui devait n’être qu’une comédie sur la crise du sexagénaire retraité vire rapidement au drame satyrique maladivement cynique. Schmidt seul, trop seul, si seul, déprimerait un régiment entier de comiques troupiers. D’autant, qu’à peine mis au rancard à travers cette retraite forcée, sa situation ne fait qu’empirer sans qu’il ne puisse jamais y remédier. Ni paix intérieure, ni bonheur, ni joie, Schmidt est condamné à la solitude, à la dépression et au malheur.

Le couple Payne / Nicholson déploie toute son énergie à noircir le tableau. Vexations, obstacles, incompréhension, trahison et brimade, Schmidt est loin des héros hollywoodiens. Ici, on s’attache à la vraie vie de vrais gens avec de vraies réactions face à de vrais problèmes. Façon Camus tendance Zola, Payne oscille entre une écriture sociale-réaliste et psychanalytique. Le Monde vu par Monsieur Schmidt. Tel est l’objet de lettres faussement naïves rédigées par l’intéressé. On pense immédiatement ici à Montesquieu. Ces Lettres (persanes) en forme de pamphlets ajoutent à la satyre sociale d’un pays, celle d’un monde occidental tourné vers son ego et qui a le culot de se poser en modèle. Le contenu en atteste ! Schmidt s’épanche sans aucune retenue ni pudeur sur les aléas de son existence sans se préoccuper de celle de cet enfant du Tiers-Monde qu’il s’est proposé de parrainer. En envoyant de l’argent, il n’est ni question d’aider, ni de comprendre ce que son filleul endure ou a enduré mais bien d’épargner de coûteuses séances de psy en abreuvant un inconnu d’images sibyllines sur la vie, le monde et son petit univers.

« Monsieur Schmidt » est un égoïste. Il l’a toujours été. Sa femme, sa fille, ses amis le lui reprochent assez. Mais au crépuscule de sa vie, il sent le besoin d’être entouré, aimé, reconnu pour ce qu’il est ou voudrait être. Trop tard, cette société qu’il a contribué à fabriquer lui renvoie la monnaie de sa pièce et le confine à une solitude plus cruelle et plus larvée que ce qu’il n’aurait jamais imaginé. « On se voit bientôt ». « Si tu as besoin de quelque chose, n’hésite pas à m’appeler ». « Si tu passes dans le coin, viens nous saluer ». Des formules de politesses qui, une fois mises à exécution, embarrassent ceux qui les ont formulées. Que faire d’un homme triste, vieux, sur qui le malheur s’abat et qui s’accroche à la compagnie des gens ? Rien, c’est la misérable réponse apportée par nos sociétés « civilisées ». Que voulez-vous en faire ? Il a servi, il doit comprendre qu’il n’est plus d’une très grande utilité. D’ailleurs, en son temps, il l’a bien fait comprendre à ses proches qui réclamaient un peu de son temps et de sa compagnie. « Monsieur Schmidt », c’est le Japon qui alloue un programme spécial pour expatrier ses retraités. Ce sont les Etats-Unis qui parquent les personnes âgées sur des îles ou dans des bâtisses isolées. C’est la France qui, un été de trop, a oublié le sens du mot solidarité, et révèle au monde avec quelle indignité elle traite sa mémoire, son Histoire, son passé.

Le film pointe lourdement cet abandon des anciens, arguant qu’il est le fruit de l’individualisme, du matérialisme et sonne la déliquescence du tissu familiale. (cf. le dîner avec la belle-famille). Pas un instant, Payne ne cesse de stigmatiser la dénaturation des rapports humains qui conduit les Etats-Unis (comme d’autres pays) à envisager l’individu comme un bine de consommation, une marchandise. Dis-moi combien tu gagnes, je te dirais qui tu es ! Jeter les hommes comme on se débarrasse de simples objets (cf. la scène des archives). En ce sens, « Monsieur Schmidt » est un film utile qui camoufle son « coup de gueule » derrière l’interprétation lunaire d’un Nicholson au sommet. Toutefois, le propos aurait gagné à n’être pas autant dilué par une réalisation un poil trop contemplative. Les plans s’éternisent, le cut se fait attendre et ce rythme (reproduction répétitive de la lancinante existence du héros) peine à véritablement captiver. Quant à la caricature présente dans le film, elle confine à une marginalité pesante et condamne les personnages (pourtant bien développés) à ne jamais évoluer. Du début à la fin, Schmidt est un clown blanc, héros triste par excellence, ennemi du mieux qu’il pourrait trouver.

Mais après tout, pourquoi pas ? Payne a le mérite de ficeler un film engagé, original qui n’a d’autre écho que l’implacable réalité que décrit son propos. Un film vrai, attachant et terrible comme l’est souvent la vie. A découvrir !

Présentation - 2,5 / 5

L’éditeur a tenu à ce que l’édition DVD fût à l’image du film. Sans doute dérouté par l’étrange originalité de l’oeuvre, Seven 7 a préféré se tourner vers le réalisateur. Les menus animés, le contenu et même la définition des suppléments portent sa marque si singulière. Première réalisation à succès, Payne tente de nous révéler les contours de ce film qu’il porte en lui depuis une bonne dizaine d’années et nous entraîne avec beaucoup d’humilité dans son voire ses univers.

Jack Nicholson, abonné absent des éditions DVD, dessert par son silence une oeuvre qui aurait eu bien besoin de son expérience et de son talent. Nul doute que l’éditeur ait tout fait pour bénéficier de sa présence, mais à compter ses apparitions, big Jack pourrait bien finir par lasser. Rappelons pour la énième fois que les bonus incitent à la vente des DVD et que, plus qu’un simple bonus, ils servent aux cinéphiles, que sont les acheteurs de DVD, à décoder les oeuvres.

Un commentaire ou une simple interview signée Jack Nicholson aurait transformé cette simple édition en événement DVD et prolongé l’intérêt du film. Il faudra remettre à plus tard et se contenter d’une édition qui brille par la seule originalité d’une oeuvre décalée, accompagnée de sympathiques suppléments beaucoup trop sommaires.

Bonus - 2,5 / 5

Juste la moyenne pour saluer le travail de l’éditeur dans sa démarche de faire sans l’aide de son acteur principal. Toutefois, l’absence d’un vrai making of et d’un utile commentaire audio demeure frustrante. L’origine décalée des bonus peine à pallier ce florilège certes classique mais essentiel à toute bonne édition DVD. Quant aux interminables transitions qui composent les menus, elles rendent l’interactivité laborieuse. Au final, l’ensemble souffre d’un manque de contenu évident que ni les efforts de l’éditeur, ni la bonne volonté du réalisateur ne parviennent à masquer. Ni une édition prestige, ni une édition simple… un entre-deux intriguant… à l’image du film !

Interview avec Alexandre Payne (7’05 – VOST)

Enlevez les extraits de film qui ponctuent l’interview et il ne reste que 5 minutes à Alexandre Payne pour nous parler de son oeuvre. Il faut dire que Payne a le goût du défi… et pas la langue dans sa poche le garçon !!! Il qualifie son film de Comédie (ça laisse quelque peu rêveur), parle de ses influences et motivations tout en admettant avoir fait un film difficile dont il a eu du mal à accoucher et qu’aucun studio ne voulait. Le projet ne s’est concrétisé que parce que Jack Nicholson (et optionnellement Kathy Bates) avaient donné leur accord pour jouer. Ajoutez à cela un aplomb délirant lorsqu’il affirme avoir frôlé la caricature sans jamais être tombé dedans et vous aurez ici les grandes lignes de l’interview la plus gonflée qu’il ait été donné d’entendre. Manquerait plus qu’il conseillât le film aux personnes stressées et déprimées et Payne aura accompli le total challenge de faire passer un drame satyrico-pessimiste pour la dernière folie de Mel Brooks. Ce qui le rend fort attachant est sa grande humilité et son inattaquable sincérité. Rien que pour le fun, l’interview d’Alexandre  » Just do it » Payne vaut d’être regardée !

Scènes coupées (28’ environ - VOST)

Montées, bruitées et (idée ô combien excellente) encadrées par celles présentes dans le film pour les remettre dans le contexte, ces scènes vous sont toutes présentées par un carton (idée moins excellente) explicitant les raisons pour lesquelles elles ont été tournées puis coupées. Et pourquoi n’avons-nous pas un commentaire du réalisateur lui-même ? Etait-il (lui aussi) trop occupé ? On ne peut que regretter que la plupart d’entre elles aient été abandonnées tant elles auraient apporté un rythme et une cohésion au film. Voici le détail :

- Le repas du 3ème âge
- Schmidt et son successeur
- Déjeuner entre mari et femme
- Réveil brutal et souvenir fumeux : la meilleure de toutes !!!
- Vol a l’étalage : pas mal non plus !
- La Voisine
- Visite au Village des Pionniers
- Le contrôle de Police
- L’arrêt au snack

Au nombre de 9, elles valent toutes (chose rarissime) le détour.

Reportage sur la véritable histoire du petit NDugu en Tanzanie (5’09 – VF)

Ce reportage prend la forme d’une gigantesque publicité pour Plan Internationale, une ONG qui officie dans le village du petit Abdallah, l’enfant qui a servi de modèle à NDugu. Payne montre ici sa grande générosité et son attachement à défendre les valeurs d’une autre Amérique. Une Amérique à l’écoute des pays les plus démunis. Une Amérique dont on ne parle jamais. Que les journaux français préfèrent oublier. L’Amérique dont on aimerait voir un peu plus souvent le visage. Ce reportage en dessine les contours.

5 court-métrages

C’est le genre de petit plus qui rend l’édition particulièrement sympathique. Comme il avait beaucoup trop de rushs pour réaliser la séquence d’ouverture et qu’Alexander Payne souhaitait inclure les différentes prises de vue qui lui avaient été rapportées, il a imaginé un supplément inédit et particulièrement enthousiasmant. 5 groupes de techniciens ont eu chacun la charge de réaliser un court-métrage qui aurait pu remplacer la scène d’ouverture. 5 montages différents, 5 ambiances qui montrent combien la musique et le montage contribuent à l’atmosphère mais également au sens du film. Petite leçon de cinéma entre amis… et clins d’yeux aux chefs d’oeuvre du 7ème Art… de Citizen Kane à Pour une poignée de dollars.

Bande-annonce (2’23 – VOST)

Seven 7 a l’habitude de remplir ses DVD de délicates attentions. La bande-annonce en est une non négligeable puisqu’elle nous permet de redécouvrir les morceaux choisis de cette oeuvre ô combien étrange qu’est « Monsieur Schmidt « . La qualité de l’image est toutefois un peu trop approximative pour que le plaisir soit complet. Elle aurait mérite un contraste beaucoup plus appuyé !

Image - 5,0 / 5

Bien que le film ne fasse preuve d’aucune véritable prouesse visuelle, l’éditeur lui a réservé un traitement de faveur. Contours précis, nuances des tons, harmonie des couleurs,  » Monsieur Schmidt » est techniquement très réussi. Toutefois, très certainement à la demande du réalisateur, l’oeuvre a conservé un aspect décoloré a dominante froide (gris bleu, vert pâle, blanc ivoire… ).

Le rendu sur l’image traduit parfaitement l’état d’esprit du personnage principal et l’aide considérablement à noircir le tableau. (cf : la caravane sous la pluie). Seven 7 joue la carte de la sobriété en livrant un master respectueux de cett ambiance volontairement voulu par le réalisateur. Ni tâche, ni bruit, ni sur-luminosité et une couleur qui par moment rappelle étrangement celle gris bleutée chère à Michael Mann.

« Monsieur Schmidt » saura vous procurer quelques intenses émotions visuelles (cf le départ en retraite) qui capteront votre attention par un anti-conformisme assumé qu’il est assez rare aujourd’hui de retrouver.

Son - 4,0 / 5

Evitez la VF ! Malgré toute l’affection que vous aurez pour la doublure de Jack Nicholson, la VF est la véritable déception de cette édition DVD. D’une platitude atterrante, elle transforme la vision de cette oeuvre déjà très difficile en un véritable calvaire. Certes, les canaux sont tous utilisés, certes le film ne se prête à aucune performance en particulier mais avec la VF (pourtant dolby digital 5.1) se sera l’assoupissement garanti.

Mixée 2 tons en dessous de la VO, la VF a en plus le mauvais goût de vous priver de la chaleur et de l’intensité des voix originales. Ecoutez Jack Nicholson en VO et vous comprendrez quel performance d’acteur il réalise (cf : la scène du jacousie ou bien celle du mariage). Chaleur de voix et poétique musicalité de la bande-son, deux arguments de poids pour vous faire passer à la VO.

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Monsieur Schmidt

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Rétroprojecteur Toshiba 43PH14P
  • Toshiba SD-330ES
  • Onkyo TX-DS797
  • système d'enceinte 5.1 Triangle
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Réal
Le 3 juillet 2007
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