L'Affaire Dominici (2003) : le test complet du DVD

Réalisé par Pierre Boutron
Avec Michel Serrault, Michel Blanc et Thomas Jouannet

Édité par TF1 Studio

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Le 02/02/2004
Critique

1ère partie de la critique

TV-réalité n’a pas toujours rimé avec imbécillité. Souvenez-vous ? C’était il n’y a pas si longtemps que ça ? Avant que la guerre entre M6 et TF1 n’engendre ces âneries télévisées sans scénario, sans message, sans réflexion…sans intérêt et que les belles promesses d’une télévision tournée vers la culture ne soient définitivement enterrées au profit de l’audimat…véritable sésame des revenus issus de la publicité. La télé-réalité a bel et bien existé sous diverses formes. Qu’il s’agisse du documentaire, du reportage, de l’interview ou d’une figure fort peu éloignée de la reconstitution journalistico-policière…le téléfilm. Si les autres formes apparaissent aujourd’hui bien moribondes, le téléfilm obtient tous les suffrages. D’abord, parce qu’il concilie habilement fait divers et spectacle. Ensuite, parce qu’il permet de développer un point de vue romanesque (difficilement défendable avec le documentaire, l’interview ou le reportage) et étaye sa thèse au moyen d’interprétations plus vraies que nature. Enfin, le téléfilm, formidable instrument de vulgarisation, permet (autour d’affaires complexes) de simplifier considérablement les faits et de se faire (en apparence) une idée sur des sujets polémiques.

Non seulement, « l’Affaire Dominici » n’échappe pas à la règle mais, de surcroît, clame haut et fort son parti pris. Quel est-il ? Obtenir la réouverture du dossier au travers d’un sensationnel réquisitoire sur l’une des affaires contemporaines les plus explosives. TF1 confie la réalisation à Pierre Boutron, réalisateur de télévision chevronné. Les rôles titres sont distribués à deux poids lourds du cinéma français : Michel Serrault dans le rôle de Dominici et Michel Blanc dans celui du commissaire Sébeille. Les deux épisodes légèrement supérieurs à un format de 90 minutes sont diffusés sur la chaîne les lundis 13 et 20 octobre et remportent un véritable triomphe en atteignant des scores d’audimat records. La suite est moins connue ! Enfants, petits-enfants, écrivain, soutenus par la chaîne, exigent la réouverture du procès afin d’innocenter Gaston Dominici et d’obtenir un mea culpa de la justice et de la police française. La presse, principalement soucieuse de se payer TF1 et sa programmation jugée « racoleuse », s’acharne, pour sa part, à démonter l’argumentation développée par le téléfilm et jette le discrédit sur la thèse du règlement de compte entre espions, niant par conséquent toute utilité de rouvrir le procès.

Si « l’Affaire Dominici » établit un fait certain, c’est qu’elle est on ne peut plus d’actualité et divise avec toujours autant d’intensité les français. D’abord, parce qu’admettre l’innocence de Gaston Dominici serait reconnaître la faillibilité de notre système judiciaire et policier. Cette reconnaissance conduirait à une profonde remise en cause du pouvoir judiciaire dans un contexte fort peu favorable à ce genre de questionnement. 2003 laisse planer plus que de sérieux doutes sur les deux autres pouvoirs que sont le législatif et l’exécutif. Ce faisant, la société française revendique un pouvoir judiciaire fort. Le fragiliser, serait fragiliser la pierre angulaire de nos institutions au vu et au su de la population, qui perdrait alors (certains le pensent encore) l’inébranlable optimisme qui est le sien. Léquation à maintenir au yeux de la masse est simple : A tout crime correspond un coupable. Cette culpabilité doit apparaître comme évidente, fruit d’un motif simple lié à l’argent, à la haine, au pouvoir ou à la sexualité. Il devient ainsi plus facile d’expliquer à ces masses pourquoi tel coupable a accompli tel geste et quel est le châtiment « exemplaire » qu’il lui est reservé…la nation peut ainsi dormir tranquille. Dominici, coupable idéal, bouc-émissarisé de par son appartenance au monde rural (en guerre avec le monde urbain) et son origine italienne. Immigré, paysan, avec des terres…bref le profil du coupable rêvé ! « L’Affaire Dominici » maintient constamment la pression. Le face à face Blanc / Serrault entre dans l’Histoire et dépeint magnifiquement le combat de cette famille contre la folie des hommes et leurs préjugés.


2ème partie de la critique

Rouvrir le procès pour juger Gaston Dominici innocent reviendrait aussi à rouvrir de caverneuses blessures dont personne ne veut plus entendre parler. 1952. La France essaie d’oublier la guerre, les allemands, la collaboration. Tous se réclament de la Résistance, armes à la main, témoignages à l’appui. Des chiffres officiels sont même publiés ; la France compte moins de 2% de collabos. Les français n’aspirent qu’à une seule chose : la réconciliation et la paix. Le meurtre de cette famille anglaise vient outrageusement perturber cette tranquillité. Si la thèse d’une superpuissance étrangère impliquée dans ce meurtre était avérée, le gouvernement reconnaîtrait publiquement sa participation à un autre conflit, larvé celui-ci que l’on nomme Guerre Froide. Le gouvernement de René Coty ne peut publiquement admettre son implication. Cela troublerait la quiété d’un pays en pleine reconstruction et diviserait à nouveau les français (pro-soviétiques contre anti-soviétique) comme elle l’a fait autrefois (collabos contre résistants). Alors pas de coupable ? Si un…il le faut ! Les alliés anglais l’exigent, la DST aussi. Emberlificoté dans ses histoires de famille, Gaston Dominici s’est trouvé là au mauvais moment. Il a de surcroît le bon goût et la mauvaise idée d’être issu du monde paysan. Ca tombe à point nommé. La France, tournée vers la reconstruction, veut camoufler ses racines. L’industrialisation et le progrès sont favorisés. Le monde paysan, considéré comme au mieux barbare, au pire arriéré, doit disparaître. Avec Gaston Dominici, c’est l’héritage encombrant du monde rural que la France veut mener à l’échaffaud.

Aujourd’hui, le monde paysan continue d’être l’objet d’absurdes préjugés et paient le prix fort d’une stratégie politique portée sur la division. Au même titre que le gouvernement actuel profite d’une guerre bien mal inspirée entre service publique et privé, la discorde entre ruraux et urbains alimentée par les politiques successives perdure.  » Réhabiliter un salaud de paysan, mais vous n’y pensez pas ??? Tout le monde vous le dira, ces gens-là boivent, tuent pour un lopin de terre…ce sont des profiteurs « …voilà dans quel état d’esprit  » ouvert  » les citadins dépeignent encore aujourd’hui (en 2004, au XXIème siècle) l’univers paysan. Et puis, sans trop s’appesantir….le téléfilm effleure un autre terrain miné. Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, la France a été l’un des pays européens (côté Est du Rideau de fer) les plus truffés d’espions gagnés à la cause de l’URSS. Hé oui, la bonne vieille thèse du complot qui ne manque ni de rocambolesque, ni de faits tangibles et qui laisse (bizarrement) la presse sans voix, excepté lorsqu’il s’agit de règlement de compte politique par journaux interposés. Pourtant, si les noms de ceux qui ont profité de cette manne venue du froid devait être révélés, ils relègueraient la liste noire de Mc Carthy au rang de simple mémo. Pas de panique !!! Ca n’arrivera jamais…parce que plus que la vérité, nous désirons la paix. Quel qu’en soit le prix à payer !!!

Malgré les maladresses partisanes associées au propos du film, TF1 nous offre avec « l’Affaire Dominici » un divertissement de qualité. Ce faisant, la chaîne obtient la preuve (formelle) qu’il n’est nul besoin de racoler pour intéresser les foules. Dommage que la presse n’ait pas su apprécier la portée de cette haletante reconstitution. Trop occupée à enfouir à nouveau cette affaire dont personne ne veut entendre parler, elle a préféré regarder le doigt plutôt que d’observer la Lune. Une inconduite qui pose de nombreuses questions. Boutron n’a pas à rougir de sa réalisation, il a su parfaitement capté, comme l’auraient fait un Truffaut, toute la complexité (mélange de dureté sensible) du personnage. Habilement, il a opté pour une réalisation aussi discrète que soignée ; Champ / contre-champ, épaule dans les scènes d’action, ralentis choisis pour figer le temps et montage cut sans fioritures ni transitions. Toute la beauté et la simplicité d’un drame social dont la trame dépasse de loin les plus passionnantes fictions et qui s’appuie sur la relation viscérale entre les Hommes et la Terre. Il montre ainsi sa relation viscérale au projet. Avec savoir-faire, implication et passion, il signe un téléfilm à faire pâlir bon nombre d’adaptations ciné.

Poignant, instructif, « L’Affaire Dominici » donne envie d’aller plus loin, d’enquêter soi-même, de s’immerger davantage dans les méandres de cette atroce mais néanmoins fascinant triple homicide. En deux mots, une incontestable réussite !!!

Présentation - 3,0 / 5

L’éditeur est réputé pour son traitement « light » des oeuvres dont il a la charge. « L’Affaire Dominici » ne démentira pas cette méchante rumeur tant la pénurie de suppléments se fait cruellement sentir. C’est d’autant plus incompréhensible que le téléfilm a obtenu des scores d’audiences records et que TF1 ambitionne de le voir servir de base à la réouverture d’une instruction judiciaire. On ne peut que demeurer interdit et frustré par ce choix résolument minimaliste ! Rien qu’à voir le packaging, on aurait pu s’en douter !

Côté son et image, l’éditeur a fourni de considérables efforts pour offrir au dévédéphile une qualité qui rende très clairement hommage au support. Alliant poésie visuelle et sonore, « L’Affaire Dominici » prend ici une autre dimension. Celle du film décomplexé de son origine. Le DVD réussit à gommer la frontière entre télévision et cinéma pour ne laisser subsister qu’une oeuvre au décor et à la mise en scène particulièrement soignés.

Bonus - 1,5 / 5

Je tiens à préciser que la notation exclut le livret joint avec le DVD. L’éditeur ne nous l’ayant pas transmis pour réaliser la critique des suppléments. Seul autre bonus présent sur cette édition : un making of de presque 30 minutes. De prime abord, on se dit qu’il faut bien cela pour sinon démêler au moins éclairer cette épineuse affaire. En y regardant de plus près, on se demande bien pourquoi l’éditeur s’est limité à un making of. Il aurait largement pu glissrr un autre documentaire d’une durée équivalente sur les coulisses de l’affaire. La notation est même carrément indulgente au vu des potentialités qu’auraient offerte une véritable édition DVD collector. Il y avait largement matière. L’éditeur s’est contenté d’une édition simple DVD qu’il a hésité à appelé édition spéciale. Sage décision !


Making of (26’52 – VOST)

Malgré les bonnes intentions évidentes des participants, le making of (puisqu’on doit l’appeler ainsi) est une immense déception. Ni un documentaire sur ce qui s’est passé, ni un reportage sur les coulisses du tournage, il prend toutes les directions et veut trop interroger de monde. Résultat : on ne sait plus bien où on est. Patchwork entre documents d’archives, scènes tournées, prises et interviews, on questionne tous azimuts acteurs, réalisateur, scénariste, auteur du livre et petit-fils de Gaston Dominici. Où veut-on en venir ? Il aurait bien évidemment fallu distinguer entre le tournage à proprement parler et les faits réels dont le téléfilm s’inspire. A trop vouloir en faire, ce mini-documentaire ne traite ni l’un ni l’autre et finit par agacer en empruntant des accents polémiques sans fondement ni objet. Jamais la partie adverse n’est interrogée, jamais aucun document ne nous est présenté, jamais aucune véritable reconstitution ne nous est proposée. Une peu de rigueur journalistique n’aurait pas fait de mal à ce documentaire. Rappelez-vous la base ! Qui, quand, où, pourquoi, comment et avec qui, preuves à l’appui ! ! ! Enfin, autre déception de taille ; On n’aperçoit que furtivement Michel Serrault qui n’intervient pratiquement jamais. Avec son humour et son franc-parler, il aurait très certainement apporté un peu d’ambiance à ce qui ne vole pas plus haut qu’une gentille petite featurette. Distrayant tout au plus !

Image - 4,5 / 5

Côté image, les progrès réalisés par l’éditeur sont considérables. Transfert soignée, couleurs contrastées, grain quasi imperceptible…et piqué très précis qui arrive même à approfondir le champ (évidemment plus réduit qu’un format cinéma). TF1 vidéo a offert un traitement royal à cette « Affaire Dominici ». Jaune des blés, gris de la prison, bleu de la nuit font preuve d’une nuance qui pose une ambiance nerveuse et léchée.

Et lorsque le mouvement de caméra imprime soudain une ambiance cahotique (cf : les photographes, la foule qui hurle…) on constate avec bonheur une compression de très haut niveau qui nous prive fort heureusement des stries, floutés et autres désagréments souvent présents en cette occasion. L’éditeur s’est efforcé de gommer à l’image les différences entre le format cinéma et le format TV. Une nouvelle fort réjouissante qui semble vouloir confirmer les bonnes résolutions prises par TF1 Vidéo. A suivre…

Son - 4,0 / 5

La bande-son est très clairement le parent pauvre de cette édition DVD. Ni Dolby Pro-Logic, ni Dolby Digital 5.1, ni DTS…bref aucun des formats récents que le support DVD autorise. L’éditeur nous gratifie d’office d’un Dolby Digital…2.0. Sortez vos grammophones, vos postes radio, vos disques de Charles Trenet…c’est la séquence nostalgie chez TF1 Vidéo. Pourquoi un tel retour en arrière ? Surtout lorsque un éditeur fait autant d’effort au niveau de l’image. Il fallait continuer sur cette belle lancée et nous offrir un format digne d’un Blockbuster. C’est de  » L’Affaire Dominici  » dont on parle, pas du dernier épisode de  » Navarro « .

Enfin, passé le cap de la surpise, vous constaterez que le mixage est de très bonne qualité avec des voix bien claires, des basses bien présentes et de la musique bien chargée d’émotions. Et puis, l’histoire est tellement captivante qu’on en oublie les surrounds l’espace d’un instant. Quelques minutes seulement car on souhaiterait tout de même plus de force et d’intensité dans la mélodie…mais bon y a pas de 5.1, y a pas de 5.1…qu’est-ce que vous voulez qu’on vous dise. Pour une éventuelle édition ultimate ? ? ?

Un DVD à vous procurer d’urgence…excellente affaire à toutes et tous !

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Rétroprojecteur Toshiba 43PH14P
  • Toshiba SD-330ES
  • Onkyo TX-DS797
  • système d'enceinte 5.1 Triangle