Réalisé par David Fincher
Avec
Brad Pitt, Morgan Freeman et Gwyneth Paltrow
Édité par Metropolitan Film & Video
Un scénario particulièrement diabolique (la fin est déjà dans
les annales du cinéma), une étude oppressive de la morale et
du châtiment, un exercice de manipulation du spectateur menée
jusqu’au bout par David Fincher.
C’est ce qu’affirmait notre critique de l’édition « standard »
de Seven. La nouvelle édition collector arrive dans un
contexte nord-américain très marqué par les fusillades dans
les écoles, et par des timides décalogues du FBI pour essayer
de déceler dans le visage d’un ado mal dans sa peau, les
signes d’un potentiel tueur en liberté.
Le contexte de Seven est le même. Des
montagnes d’indices, des détails grandguignolesques, la quête
obsessionnelle de deux inspecteurs, et à l’arrivée aucune
explication qui puisse decrypter pourquoi un John Doe
parfaitement anonyme devient un monstre moderne.
A l’instar de son thème, « Seven » est un film qui s’insinue au
dessous de la peau du spectateur, et qui ne s’explique pas.
Cette nouvelle édition « ultime » nous plonge au coeur du
procéssus de création, mais même cette accumulation de détails
ne peut revèler la recette qui l’a transformé en un pur OVNI
de la décennie précédente. On connaît depuis le talent de
Kevin Spacey et l’art de David Fincher de manipuler son
public, mais le mystère de « Seven » reste entier. Tout comme
l’essence même du cinéma.
Cette critique - elaborée à partir des check-discs - fait
abstraction pour l’instant du packaging final du coffret.
Seven est le Criterion de Seven7 et New Line
Cinema. Tout comme les produits prestigieux de la Rolls des
cinéphiles, cette édition ne choisit pas la route de
l’accumulation d’éléments marketing, mais ressemble plutôt à
un exercice d’archéologie moderne, qui recompose les pièces
d’un puzzle daté de 1995, pour donner vie à un kit ultime et
tout aussi cult que le film qu’il renferme.
Ne cherchez pas la force brute des éditions collector
courantes. La découverte du double DVD s’apparente plutôt à
une quête au coeur des tenèbres du thriller de David Fincher.
Le premier contact avec le coffret donne la mesure de
l’amplitude des éléments. Des menus animés seveniens
accompagnent l’utilisateur à la redécouverte du film. D’abord
le film, resuscité grâce à la haute-définition. Ensuite des
premiers commentaires sur les scènes, et un carnet multi-angle
sur la nouvelle jeunesse de « Seven ». Et pour finir, un
deuxième disque qui autopsie les scènes-clé et les sources du
procéssus de création. Renversant.
A l’issue de la séance, le spectateur ressort avec une énorme
connaissance des ingrédients et des visages cachés du film.
Mais pas avec la recette ultime qui saurait expliquer la
nature même du cyclone « Seven ». Aucun DVD au monde ne peut
dévoiler le mystère du cinéma, mais celui-ci s’approche bien
davantage que les autres.
Par où commencer ? C’est l’angoisse du premier instant, face à
la profusion des élements indiqués au verso de la jaquette. La
conception pédagogique du coffret fournit automatiquement la
réponse. On peut redécouvrir « Seven » dans le quête
initiatique, dans un crescendo régulier. Ou on peut se
fabriquer son propre parcours. Ce choix est le vôtre. Pour
souci de simplicité, ce texte suit la première voie.
Le premier gros supplément est constitué par les trois
commentaires audio qui accompagnent le film (direction
la fiche pour les noms des gens
concernés). Des pistes d’une richesse impressionnante, qui
plongent le spectateur au coeur de l’oeuvre, et qui font vite
oublier l’absence du quatrième commentaire (pour des problèmes
de droit).
Zap ensuite sur la remasterisation. Cette section très
spectaculaire analyse les différences entre l’édition standard
et le nouveau télécinéma haute définition. Aucun détail n’est
épargné, grâce aux commentaires et aux demonstrations des
responsables. Trois sections, suivie par le clou du disque :
un effet « avant/après » en multiangle, entre les deux
télécinema. L’image n’est pas le seul éménent concerné : on
peut aussi entendre les différences entre le mix original 5.1
et la nouvelle version. Wow !
On passe maintenant au disque 2, qui concentre l’essentiel des
bonus :
- Analyse du générique. L’apprentissage vaut bien cinq
visionnages. C’est le nombre des choix possibles, pour suivre
la création des titres. D’abord en examinant les story-boards,
ensuite la version intermédiaire avec les photos fixes, et
pour finir la composition définitive. Deux commentaires audio
- uniques pour les trois segments - offrent un contexte
additionnel sur le concept lui-même et sur le choix des
musiques. Mais ce n’est pas fini : le spectateur a aussi le
choix entre de pistes Dolby Surround, DD EX, DTS ES, et PCM
24/96. Que demande de plus le monde ?
- Les scènes coupées et/ou rallongées. Un texte
d’introduction avertit que, à l’exception du pré-générique
original, les 6 autres sequènces sont des versions longues ou
altérnatives du matériel existant. Chaque scène offre le choix
d’un visionnement avec ou sans commentaires. Une section
essentielle pour les amants du montage. On vous laisse
découvrir les subtilités.
- Autres fins. Tant qu’on y est, faisons l’impasse pour
l’instant sur les filmographies et les photos. Les fans de
« Seven » connaissaient l’existence d’une fin altérnative,
jamais tournée. En fait, il y en a deux. La première est la
fin « sneak preview », projetée aux audiences-test. Aucun plan
d’hélicoptère n’est présent (pour des raisons de budget), et
plusieurs cadrages sont différents. La fin alternative
assemble les story-boards originalement prévus. Et - sans
dévoiler la surprise - on réalise que la fin « définitive »
était assurement le meilleur choix possible pour le film !
Comme d’habitude, les deux sequènces peuvent être visionnées
avec ou sans commentaires audio.
- Marche arrière vers la galerie de photos. Cette
section comporte en fait 4 carnets : « Les photos de John Doe »,
« La décomposition de Victor » (brrr..), « Les photos de police »
et « Les photos de plateau ». Chaque segment est animé et
commentée soit par les auteurs des images, ou par David
Fincher himself. Fascinant.
- A partir d’ici, on progresse vers les dessins de
production, commentés par le chef-décorateur du film. Le
segment animé (9 minutes environ) illustre comment les
filmmakers se sont inspirés de vraies scènes de crimes.
- « Le carnets de John Doe » met justement en valeur le
travail ultraminutieux du directeur artistique Clive Percy et
du designer John Sable. Ce document fascinant de 8 minutes
environs, agrementé de photos inédites des détails des
carnets, decrypte cet étonnant coup de maître pour visualiser
la personnalité tordue de John Doe.
- Le reste du DVD est dans la norme. Une featurette
promo de 6 minutes, la bande-annonce (en VF ou VO
sous-titrable), et 13 (treize !) filmographies des
acteurs et de l’équipe de tournage.
Pour finir, en cliquant sur le logo New Line sur le menu
principal, on accède à deux pages techniques, avec la liste
des concepteurs de l’édition Z2 du coffret.
A quoi cela sert de restaurer un film, lorsque la pellicule n’est pas en danger d’estinction ? Pourquoi passer par la case HDTV, étant donné que de toute façon la planète entière vit encore à l’heure des 515 ou 625 lignes ? La réponse se trouve dans le document multi-angle à la fin du disque 1. Son visionnement est un passage presque obligé. Le vieux « Seven » utilisait ses tons glauques et ses ombres comme un alibi pour justifier la perte de ses couleurs lors du télécinéma. Le nouveau réconcilie le spectateur avec la source argentique. La totalité est plus charnelle, sans nuire pour autant à l’esprit dark du film. La définition s’envole vers le nirvana. Les contrastes et le piqué retrouvent le sens du détail jusqu’aux arrière-plans. Un résultat incroyable.
A vos choix. Quatre pistes audio en support du film, sans
compte les trois supplémentaires pour les commentaires. DD EX
et DTS ES pour la version originale, DTS et DD 5.1 pour
l’audio français. Et le tout avec des changements fluides à la
volée.
Pour le dire en d’autres termes, « Seven » est un film qu’on
avait l’habitude de visionner en VO. Ce coffret collector
marque notre réconciliation avec l’audio français. La raison
est une seule : le doublage DTS 5.1. Ce qui fait la différence
n’est pas tellement la dynamique (pourtant au top), mais
plutôt la savante reconstitution de l’univers sevenien. On
aurait envie de s’asseoir sur le sol, au centre de la pièce,
et de fermer les yeux. Le bruit de la pluie battante lors de
la découverte du premier cadavre. L’accumulation des rythmes
industriels. Chaque instant et chaque syllabe de Kevin Spacey
dans les derniers 10 minutes du film.
On prefère presque la VF DTS à sa grande soeur en VO. Malgré
l’ajout de la syllabe ES, cette dernière aurait tendance à
dessiner un universe plus contrit et opprimé, avec de voix
graves mais distantes.
Et il y a bien sûr les deux pistes additionnelles en Dolby
Digital. L’audio français fait de son mieux pour ne pas
demeriter. Quitte à ne pas pouvoir restituer les détails du
DTS, il se console avec une dynamique dopée à l’adrénaline et
un tissu très percutant. Le constat sur la VO EX est assez
similaire à celui de la piste ES : un univers de détails, mais
un parti pris plus renfermé.