Réalisé par Lilly Wachowski
Avec
Jennifer Tilly, Gina Gershon et Joe Pantoliano
Édité par H2F
Deux belles. Du fric. Un mafioso. Du sexe en quantités
industrielles. Et un triangle amoureux qui a défié et continue
à défier le puritanisme d’Hollywood.
L’histoire retiendra que les frères Wachowski se vinrent
refuser le développement et le chantier de Matrix,
tant qu’ils ne pouvaient pas prouver leur talent de
réalisateurs. Et cette chance leur fut confiée par Dino De
Laurentiis - toujours hors-pair pour flairer les futurs génies
de cinéma à 1000 km de distance - qui leur alloua un minimum
de moyens et un maximum de liberté, pour réinventer le film
noir au coeur des ‘90.
« Bound » fait bien plus que renouveler le polar dark. Dans les
mains des Wachowski, genres et conventions sont absorbés et
assimilés, pour donner vie à un univers clos qui obéit à ses
propres règles.
Les Bros se plaignaient qu’il n’y avait pas assez de rôles
féminins forts à Hollywood. La réponse sera le couple lesbien
Jennifer Tilly/Gina Gershon, qui met en oeuvre une magouille
pour s’extraire de l’univers machiste. « Le vol est comme le
sexe », dira l’un des personnages. La fin justifiera les
moyens.
« Bound » ne pouvait pas être un polar hors-norme sans
l’implication et la complicité des acteurs - sans Jennifer
Tilly en femme fatale, Gina Gershon en camionneuse
clinteastwoodienne et Joe Pantoliano en parfait psychopathe -
qui élèvent l’histoire vers l’excellence.
Ajoutez au tout la musique industrielle de Don Davis, respirez
la poussière de ces murs calcinés, imaginez Jennifer et Gina
en lapins dans un monde de brutes, et suivez-les, et suivez-
les dans la quête de la vérité..
Un disque dark, et une édition vouée à l’imagerie trouble du
film des frères Wachowski. Comme dans les boîtes chinoises, on
commencera par un surétui visuellement plus réussi de la
jaquette, un disque sérigraphié et des menus animés qui
plongent le spectateur dans cet huis clos 100% sex.
Les deux atouts du DVD sont le commentaire audio des Bros
(pour la première fois en Z2) et la présence de la piste VO en
DTS. Un disque qui rend bien hommage au film-culte, et qui
paraîtra un peu juste seulement au niveau de l’absence de
suppléments récents, et pour la politique-maison du sous-
titrage imposé.
Les fans des Wachowski peuvent être rassurés. Leur commentaire
vaut à lui seul le prix du DVD. En fait, son intérêt est si
élevé qu’il finit par éclipser le reste des contenus.
Quelques surprises se cachent au coeur du commentaire
audio, clairement enregistré avant que les Bros passent à
Matrix. Plus qu’un simple monologue, c’est une jam-
session : en plus des réalisateurs, on aura droit aux
participations progressives du monteur du film, de la « sex
consultant » Suzy Bright, et ensuite des comédiens Joe
Pantoliano et Jennifer Tilly ! Une conversation très « wild » et
débridée, qui élève le ton du document, car les frères
Wachowski ne sont pas exactement des orateurs naturels..
Tout ce beau monde fait d’abord référence aux connotations
homosexuelles de l’histoire - et à une présentation très
« colorée » du film au Festival Gay et Lesbien de San Francisco.
Ensuite, peu à la fois, une conversation entre « filmmakers »
prend les dessus, avec des longs décryptages du look & feel de
« Bound », les problèmes de censure, et aussi des références à
des scènes coupées du montage final (saviez-vous qu’il
existait une deuxième fin, où l’un des personnages-clé ne
meurt pas ?). 90 minutes de pur cinéma oral, sans doute relevé
par l’antériorité de cette conversation au film suivant et au
boom planétaire des Bros..
Les autres documents datent visiblement de l’époque du
tournage, et, face à la lucidité du commentaire audio, ils
font pâle figure.
La featurette de 5’26” ne vole pas au dessus de son
standard promotionnel. Même constat pour les 4
interviews (accessibles dans les filmographies),
globalement trop courtes pour rentrer dans la profondeur du
récit. On ne retiendra que quelques « quotes », comme celle où
les Bros affirment que « Bound est la réponse à leur
constatation qu’il n’y avait pas assez de bons rôles pour les
femmes ».
Beaucoup plus intéressantes, les coulisses dans Scènes de
tournage (5’ - VOST), où on assiste à la réalisation de 3-
4 scènes dans la cuisine, et qui montrent l’implication des
acteurs.
Le reste est le lot habituel : deux bandes-annonces
(attention, les montages sont différents), une belle
galerie de photos, et les filmographies.
Et pour finir, une bonne initiative pour les possesseurs de
élèvent, qu’on aimerait voir plus souvent : la présence de 6
fonds d’écran (thumbnails visibles sur une page du
menu) à récupérer. Les images sont disponibles en trois
formats : 1024x768, 800x600 et 640x480.
Ca passe ou ça casse ? La précédente édition du DVD avait été
décriée pour ses couleurs glauques aussi que pour sa
« pauvreté » par rapport au disque nord-américain. Le constat
sur ce nouveau est globalement assez positif. Il faudra tenir
compte du fait que le look du film est baigné dans
l’obscurité… car c’est le film même à le dicter, tout comme
l’habilité des frères Wachowski pour gommer les limites des
moyens de production.
S’il y a une critique à émettre sur le master vidéo, elle
concerne plutôt le détail et la netteté de l’image, un peu
moins définie de ce qu’on aurait souhaité.
L’une des raisons d’être du DVD (inédite en Z1 à ce jour), est
la présence de la piste DTS en VOST, qui a le don de jouer
avec les détails, les soupirs des personnages et l’ambiance
claustrophobique du film. Un mixage sans doute pas
spectaculaire, mais très juste, et qui rend honneur aux
sonorités industrielles de Don Davis, qui se retrouveront
fidèlement recalquées dans Matrix. La VO en DD 5.1
n’est pas mal non plus, même sans atteindre le même niveau de
détail.
Certains spectateurs s’écrieront pour le mauvais traitement
réservé à la VF (pas de DTS, pas de 5.1, juste l’audio
ProLogic d’origine). Mais, au risque de passer pour des
puristes, nous pensons que la vision de « Bound » dans toute
langue autre que la VO, est simplement inconcevable. Le parti
pris de Film Office est donc ouvertement cinéphile :
privilégier les conditions d’écoute « éthiquement » idéales,
tout en gardant une trace de la version doublée pour
satisfaire le cahier des charges politique de la maison.