Reportage au coeur de "Mastery"
En exclusivité, Dvdfr mène l’enquête dans la société d’authoring de DVD la plus hi-tech du moment. Interview de son PDG Laurent Jaconelli.
Au coeur de Neuilly, des bureaux magnifiques hébergent le dernier cri en matière
de « computer graphics » : stations Silicon Graphics, logiciel Softimage, réseau
très haut débit. Des gadgets Star Wars partout, ambiance « Startup Cinéma ». La société
envisage déjà de vampiriser d’autres étages du batiment afin d’accueillir un
département dédié au cinéma numérique.
Tel est le fief de Mastery, société d’authoring de DVD aux locaux à l’image
des DVD hi-tech qu’elle produit. Nous nous y sommes entretenus avec Laurent
Jaconelli, son PDG.
Mastery est synonyme de très grande qualité. Mais a aussi la réputation
d’être chere non ?
Nous sommes assez jeunes dans le DVD, mais nous avons derrières nous 10 ans
d’activité dans la conception des bandes-annonces et spots TV, ainsi que la mise
au point des PLV et des autres supports publicitaires, qui demeurent nos activités
principales. Nous nous sommes lancés dans le DVD (avec The Faculty, pour TF1)
car nous avions estimé que la norme était devenue suffisamment stable. Mais nous
raisonnons avec le DVD en termes de qualité, et jamais en quantité. La fabrication
des DVD à la chaîne ne m’intéresse pas. Nous avons la chance, et sans doute le luxe,
de choisir les titres sur lesquels nous voulons nous impliquer : les The Faculty,
Jeanne d’Arc, Les Rivières pourpres. Donc, bien sûr que nous sommes chers,
je ne le nie pas. Mais nous avons procédé à de très lourds investissements dans
tous les domaines liés au DVD : nous avons des capacités d’encodage, des unités
3D et 2D, des graphistes de talent, et un studio d’enregistrement sonore. Nous
sommes donc en mesure de répondre aux challenge plus pointus demandé par le
éditeurs !
Vous avez souvent travaillé avec Gaumont Columbia (Rivières, Dune)… Cette
fois il s’agit des 3 Fantomas, pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous avons dû faire un peu vite, car il nous a fallu 11 jours de travail pour
le tout. Gaumont voulait une approche originale. Nous avons donc decidé de recréer
entièrement en CGI la base de Fantomas. Comme vous pouvez voir par ces croquis,
le point de départ pour nous est toujours le papier blanc. Nous faisons des
dessins, les story-boards, tout. Nous construisons des mondes. En fait, notre
démarche n’est pas très différente des créateurs de jeux vidéos, qui imaginent
des univers. Et lorsque nous en sommes satisfaits, nous passons aux ordinateurs.
Mastery est la seule société à proposer le label THX en dehors des USA. Comment
cela se passe-t-il ?
Nous avons appris énormément de choses grâce à THX. Lorsque nous nous sommes
rencontrés, c’était comme un coup de foudre. Je respecte beaucoup leur politique
zéro défauts. Et l’alliance avec THX nous a donné des ailes pour se lancer à fond
dans le cinéma numérique, qui sera la prochaine étape d’évolution de Mastery. Pour
cela, il fallait que l’on maîtrise à la perfection les subtilités de la compression
MPEG, ce qui justifie que nous nous soyons lancés dans le DVD.
Combien coûte le DVD ?
Je ne vais pas donner des chiffres par respect envers les éditeurs, mais on peut
dire que le coût d’un Les Rivières pourpres est 10 fois supérieur à celui
d’un DVD haut de gamme. Jeanne d’Arc a également été un gros projet car,
comme il s’agit d’un film très long, et il dispose de deux pistes DTS et 2 autres
en Dolby Digital, le challenge était de soigner à fond la phase de « bit-budgeting »,
pour offrir toutes les informations nécessaires sans sacrifier la qualité. Même pour
l’encodage des Rivières, nous avons effectué 9 à 10
passages, pour avoir un résultat zéro défauts.
Justement, Columbia lance bientôt sa collection « SuperBit » (titres au bitrate
très élévé mais sans supplément, cf cette news… Qu’en
pensez-vous ?
Je ne rentre pas dans les détails, car nous ne sommes pas impliqués dans cette
technologie. Je dirais juste que l’augmentation du débit peut avoir un résultat
sur les anciens encodages, qui avaient été effectués au début de l’âge du DVD,
mais elle n’a aucun effet sur les masters de niveau excellent encodés dans les
12-15 derniers mois. On pourrait doubler le bitrate des
Rivières ou d’Hypnose, mais très hônnetement je
ne vois pas qu’est ce qu’on pourrait faire mieux, avec une différence visible à
l’écran.
Vous travaillez sur les éditions spéciales/ultimate du
, Les Visiteurs,
Les Couloirs du temps : Les visiteurs II et sur la version longue de Léon,
qui sont tous annoncés depuis longtemps mais semblent ne jamais arriver. Pourquoi ?
est un travail extrêmement complexe. Il a été
décidé de ne pas reprendre les éléments du DVD allemand, mais de tout refaire, ce
qui demande bien sûr du temps.
Pour les deux Visiteurs, nous voulons pousser l’interactivité à fond, et
sortir un résultat vraiment inédit. Les DVD donneront des outils pour mieux
comprendre et décrypter les films. L’éditeur nous laisse aussi carte blanche
sur les plus-produits. Nous allons donc tourner des « scènes » avec Christian
Clavier, mais le tout est de le trouver, car il est surbooké en ces temps-ci..
Pour finir, le travail sur est de plus longue haleine,
et je ne pense pas que le DVD sortira avant le 2ème semestre 2002.
En plus des film, aujourd’hui on vends également les bonus et les encodages. Les
interfaces également ?
Tout est possible. Les américains ont par esemple achété certains bonus des
Rivières. On s’était aussi penchés sur la question
des écrans, mais leur localisation était trop complexe et dissuasive.
Cela dit, on avance à grands pas vers plus de localisations et synergies au niveau
européen, et nous avons déjà commencé à agir dans ce sens. Mais ensuite, tout
dépendra des choix politiques des intervenants.
Plus de synergies et d’attention vers le DVD = moins de bugs dans disques ?
C’est un discours très délicat, qui dépend de plusieurs facteurs. Disons que
certains poussent les studios d’authoring à prendre tous les risques. Mis à part
Columbia, qui est très rigoureuse, et quelques autres noms, il n’y a pas la volonté
d’imposer que les DVD restent dans les seuils acceptables des standards.
Il y a cependant un facteur que je ne soulignerai pas assez : le contrôle qualité.
Nous avons une batterie de lecteurs des principales marques, et des graveurs de DVD.
Lorsqu’on finit un titre, on lui fait faire des tests à répétition, et s’il y a
quelque chose qui ne fonctionne pas comme il faudrait, on corrige l’erreur. Sur
les FILM(rivieres_pourpres, Rivières)], nous avons grillé une dizaine de DVD BAT
(« Bon A Tirer ») pour arriver au résultat final. Ces coûts de quality check sont
transparents pour nos clients, car j’estime qu’il s’agit d’une étape essentielle
du procéssus.
Cependant, n’y a t-il pas des logiciels qui simulent les principaux lecteurs ?
Il y en a en effet quelques-uns. Mais pour qu’ils soient fiables, il faudrait
qu’ils soient constamment mis à jour, et d’autre part que les fabricants communiquent
chaque révision de leurs Bios pour chaque machine de leur parc, ce qui est loin
d’être le cas.
Allons nous vers un réel standard de qualité avec THX ?
Nous allons lancer avec THX un standard de qualité pour la conception des DVD
en Europe. Nous sommes intimement convainçus que la norme DVD est loin d’avoir
atteint son plateau de qualité, et avec cette certification nous pourrons aller
au delà.
D’autre part, nous avons assisté récemment à des revers dans le marché, car les
distributeurs tendent à minimiser les budgets pour la mise à point des DVD. Cette
notion est préoccupante. A travers une série d’étapes et procéssus rigoureux, ce
standard garantira ainsi au public que ces DVD atteignent un niveau de qualité elévé.
Quel est le nom de ce nouveau standard et sa date de lancement ?
Le nom est encore confidentiel. Quant à la date, ce sera courant 2002.
Des souhaits ?
Mon plus grand voeu serait de créer les DVD du Seigneur des Anneaux. J’adore
l’univers fantastique… en fait, chaque ordinateur chez nous s’appelle avec les
noms des planètes de Star Wars. Nous disposons des outils dernier cri et de la
labelisation THX, et je pense que nous serions en mesure de faire une création
hors normes.
Des regrets ?
Parfois, j’ai l’impression que nous sommes les seuls à prêcher dans le désert.
J’ai trouvé que Scary Movie (conçu par Perfect DVD) était un DVD très original.
Mais pourquoi est-il le seul ? Nous ne venons qu’égratigner la surface des choses
qu’on peut faire avec les DVD, et je ne voudrais pas qu’on soit les seuls à
répondre aux défis.