Deauville 2004 : l'ouverture
Lelouch en ouverture du festival du film américain… cherchez l’erreur… elle n’est pas très loin… elle dure 1h59…
LE GENRE HUMAIN
1er Chapitre : Les Parisiens
Un film écrit, réalisé et produit par Claude Lelouch
Dans ce premier volet d’une trilogie intitulée « Le Genre humain », Claude Lelouch filme un échantillon d’hommes et de femmes qui rêvent tous d’être sur le même échelon de ce que l’on pourrait appeler l’échelle amoureuse de Richter. Fil rouge de cette comédie, Massimo et Shaa commentent en chansons ce microcosme humain.
A bout de souffle et de succès, Claude Lelouch tente son va-tout dans un domaine très prisé par le cinéma
ces temps-ci : le triptyque rebaptisé pour l’occasion « trilogie ». Ladies and Gentlemen, Mesdames et Messieurs,
voici l’oeuvre d’une carrière ambitieusement intitulée « Le Genre Humain ». Exit les Zola, Balzac et autres
écrivaillons « has been », Claude « Chabadabada » Lelouch nous propose (pour la énième fois) sa vision moderne
et éclairée de l’Humanité aux prises avec l’Amour. Sujet de prédilection, thème obsessionnel. Quoi qu’il en
soit, le cinéaste a l’infinie bonté (une fois encore) de nous prodiguer ses judicieux conseils. Pour les
besoins de la science, il poussera (à nouveau) l’impudeur jusqu’à nous révéler ses fantasmes. Lelouch, fidèle
à lui-même, ne cesse de se répandre à l’écran. « Le Genre Humain » le voit franchir un cap : celui de se mettre
lui-même en scène. Gros plan sur l’unique star du film : Lui et Lui seul, Lelouch avec un grand « L ».
Comment peut-on livrer une oeuvre à ce point mégalomaniaque ? Là est la véritable intrigue car de scénario, pas
le moindre ! « Honnête », Lelouch l’annonce en guise d’introduction travestissant la pensée de Victor Hugo. Cette
immense écrivain aurait justifié l’avènement d’une nouvelle forme de cinéma : celui que l’on qualifie aujourd’hui
d’ambiance. Comme c’est pratique et puisque c’est Hugo, de fait inattaquable !!! Mais au-delà de ce misérable
artifice transparaît la triste réalité ; le scénario a tout simplement été oublié. Faute de narration structurée,
Lelouch se livre alors à un exercice d’équilibriste ; meubler avec nombre d’artifices (parmi lesquels d’insupportables
chansons ringardes au possible) et quantités de « stars ». Pas moins d’une cinquantaine de célébrités auront traversé
ce premier volet. Robert Namias, Richard Gotainer, Alexandra Kazan mais aussi Michèle Bernier, Francis Perrin,
Michel Leeb ou bien encore Mathilde Seigner.
Un casting pour le moins hétéroclite qui fait illusion un court instant. Le temps d’attendrir ou de séduire autour
d’une trame principale quasi inexistante. L’ensemble n’en finit plus d’aligner les clichés : le musicien des rues
séducteur et arnaqueur, l’agent immobilier malhonnête, la chanteuse prête à tout pour y arriver, le chanteur
italien amoureux transi, le producteur adepte de la promotion canapé… enfin bref, que du vieux, cent fois mâché
et remâché. Manque d’inspiration, simplisme du propos, Ajoutez-y également une très grande pauvreté dans les dialogues
et le tableau sera complet. Difficile même de s’identifier aux personnages décrits dans ce premier volet tant ils
nous semblent éloignés. Lelouch ne s’intéresse ici qu’à l’élite parisienne, aux « Happy Few ». En dessous d’artiste,
Lelouch ne regarde pas. Autrement dit, les parisiens issus de la classe moyenne ne le passionnent pas… à moins qu’ils
ne roulent ou ne volent l’argent durement acquis par ceux à qui il doit considération et respect ; leurs supérieurs
sociaux, leurs employeurs…
« Le Genre Humain » vire alors très tôt en description du clan parisianiste. Les intellectuels d’abord, les prolétaires
ensuite ! Logique puisque « les artistes sont les chouchous du bon Dieu » dixit Lelouch lui-même. On ne pourra pas dire
que pour ce film il ait pris le spectateur en tête. Toutes les manigances du cinéaste pour fabriquer sa réalité
parallèle (en marge de la réalité commune) sont ici clairement et objectivement dévoilées. Résultat : Lelouch traite
du genre humain par le petit bout de la lorgnette évitant soigneusement de décrire les archétypes sociaux qui ne
l’intéressent pas. De fait, Lelouch passe à côté du film. Dommage ! Cela partait pourtant d’un bon sentiment !
Néanmoins Lelouch s’est grandement surestimé. N’est pas Zola qui peut ! N’est pas Balzac qui veut ! Embrasser le
genre humain réclame des trésors de précision pour dompter la complexité du sujet. C’est évident. A tendre trop de
fils, Lelouch part dans tous les sens et boucle tant bien que mal un premier volet à peine digne d’un brouillon. C’est
indigne du réalisateur de L’Aventure c’est l’aventure, de Un homme et une femme et de
Itinéraire d’un enfant gâté.
L’inconsistance des personnages, l’extrême naïveté du propos sans parler de l’irritante absence de réflexion auront
fait sombrer l’ouvrage. Est-il besoin de voir les deuxième et troisième volets ? S’ils sont aussi fats que le premier
volet, mieux vaudra s’abstenir.
Loin de se surpasser, Lelouch poursuit obstinément de cultiver sa veine. Celle qui l’avait vu triompher avec
Un homme et une femme. Mais les goûts ont évolué et les spectateurs ont changé. Lelouch pas ! Que les quelques
spectateurs qui lui restent soient rassurés. « Le Genre Humain » évite soigneusement toute remise en question du
cinéaste ! Bien au contraire, Lelouch ne s’est jamais autant égoïstement fait plaisir. Laissons donc Lelouch
« leloucher » en paix, le Box Office reconnaîtra les siens !