Deauville 2004 : "Maria Full Of Grace" et "Eternal Sunshine Of The Spotless Mind"
Premier film, première perle pour Joshua Marston. Deuxième film, deuxième folie pour Michel Gondry…
MARIA FULL OF GRACE de Joshua Marston avec Catalina Sandino Moreno
Brimée par sa mère, exploitée par sa soeur et prise à la légère par son petit ami, une jeune
colombienne décide de changer de vie. Elle ne trouve qu’un seul moyen : accepter d’être une
« Mule » pour le compte de trafiquants de drogue.
Sur une histoire simple mais puissante, Joshua Marston réalise un premier film brillant
d’une incroyable finesse et d’une touchante sincérité. Mise en image avec doigté (le film
n’est jamais vulgaire ni racoleur), l’aventure humaine de cette jeune fille prend immédiatement
des allures de parabole. Le titre « Marie pleine de grâce » est à cet égard révélateur et pointe
une multitude de références bibliques. Le personnage de Marie, d’un milieu modeste, attend un
enfant dont elle décide d’assumer seule la charge. Plusieurs fois soumise à la tentation, elle
cherchera à maintes reprises (y compris dans la prière) un pardon pour ses fautes et s’acheminera
vers une rédemption.
Mais qui dit parabole ne veut pas dire prosélytisme ni même symbolisme lourd. Et tandis que la
portée spirituelle du film élève très haut narration et mise en scène, Marston dépouille soigneusement
« Maria Full of Grace » de toute connotation moralisatrice. Son objectif n’est pas de juger mais de
comprendre pourquoi une jeune fille bien élevée se compromet soudain dans le trafic de drogue. Et
Marston d’expliquer les rouages de cet engrenage sans le moindre signe didactique. C’est d’ailleurs
ce pourquoi le film fonctionne à merveille. Marston s’attache à l’histoire, aux personnages et à
l’atmosphère en ayant une seule ligne de conduite : les faits et rien que les faits. Pas de plans
traînassants, de montage larmoyant ou de gros plans concupiscents. Le cinéaste laisse le soin au
spectateur de développer ses propres sentiments.
Sympathie, tristesse, espoir, révolte, joie… le spectateur est invité, s’il le souhaite, à vivre
à l’unisson avec Maria. Rien ne l’y oblige hormis l’envie d’en apprendre plus sur un univers à la
fois terrifiant et fascinant : celui du trafic de drogue. Hormis l’irrésistible envie d’accompagner
Maria dans ce douloureux (mais jamais sordide) parcours initiatique. Et parce que Joshua Marston
vise juste tant au niveau de la mise en scène que de la narration, il obtient la pleine et entière
attention de chacun du début du film jusqu’à la fin.
Saisissant et profondément humain, « Maria Full of Grace » est une réussite absolue. Un de ces
diamants bruts qui s’insinuent dans les Festivals pour capter l’attention et marquer les esprits.
Le film a déjà permis à un jeune homme de 17 ans de renoncer à faire « la Mule » pour des trafiquants
de drogue en Colombie. Y a-t-il plus belle façon de rendre justice et hommage au film ? A voir absolument !
ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND de Michel Gondry avec Jim Carrey
Après un an de vie commune, Joël et Clémentine ne voient plus que les mauvais côtés de leur
tumultueuse histoire d’amour. Clémentine prend alors la décision de faire effacer de sa mémoire
toute trace de cet amour. L’opération réussit et Joël, effondré, contacte à son tour l’inventeur
du procédé, le Docteur Howard Mierzwiak, pour qu’il extirpe à son tour de sa mémoire tout ce qui
se rattachait à Clémentine.
Mais à mesure que les souvenirs de Joël disparaissent, il commence à redécouvrir ce qu’il aimait
en Clémentine, l’inaltérable magie d’un amour dont rien au monde ne devrait le priver.
Après le très haut perché Human Nature, Michel Gondry choisit à nouveau de faire équipe avec
le scénariste (non moins haut perché) Charlie Kaufman (Dans la peau de John Malkovich, Adaptation,
Confessions d’un homme dangereux… ) pour son second long-métrage : « The Eternal Sunshine of the
Spotless Mind ». Gondry annonce ainsi clairement son intention ; il ne redescendra pas de son arbre
de sitôt.
Déroutant, osé, surréaliste, son second long-métrage confirme la tendance. Gondry ne fera pas cette
fois encore les choses comme tout le monde. Aux excentricités scénaristiques de Kaufman, le cinéaste
ajoute d’ahurissantes expérimentations visuelles. (cf la scène de la bibliothèque à l’appartement
ou bien encore celle de la déconstruction de la maison). Doué d’un casting impeccable, d’une esthétique
renversantes et de transitions à couper le souffle, « Eternal Sunshine… » enchaîne les séquences en
alliant fond et forme… avec une originalité jamais égalée. Kaufman et Gondry peignent ainsi cette
oeuvre cinématographique à la manière d’un Dali. Leur imagination est sans limite. Les moyens sont
conséquents. Le résultat est exaltant.
Le film ne ressemble à aucun autre. C’est celui dans lequel Jim Carrey trouve son meilleur rôle
(mix parfait entre folie et sobriété). C’est aussi celui dans lequel le tandem Kaufman / Gondry
montre le plus ostensiblement l’étendue de son talent. C’est enfin une oeuvre inoubliable qui
traite de l’amour, du temps, du regret avec emphase et beaucoup d’humanité. Au-delà de toutes
considérations classiques, en dehors de tout système, « Eternal Sunshine… » souffle un ouragan
de fraîcheur sur le cinéma hollywoodien et prouve qu’avec beaucoup d’idées et un budget raisonnablement
conséquent, on peut engendrer un grand film. De l’Art à l’état pur !!!